Déradicalisation, retour des djihadistes, erreurs politiques : les inquiétudes de David Thompson
Prix Albert-Londres du livre 2017 pour Les Revenants (ed. du Seuil), le journaliste spécialisé dans la question des djihadistes David Thompson a quitté la France pour les Etats-Unis en raison des menaces de mort qu'il recevait.
Dans une interview accordée au Figaro et publiée jeudi 25, il raconte sa situation: "J'ai quitté la France à cause des menaces.(...) Chaque année, ma situation sécuritaire s'est dégradée. À partir de l'été 2016, les menaces de mort se sont intensifiées, de plus en plus personnalisées et circonstanciées. (...) Durant mon travail en France, j'ai rencontré des djihadistes qui sont chauffeurs de taxi, agents de sécurité et même auxiliaires de police au guichet d'un commissariat".
Mais surtout David Thompson évoque les défis qui attendent une France qui n'a pas vu venir les attentats et doit désormais faire face aux questions du rapatriement des djihadistes français et de la déradicalisation.
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Il a en effet relevé au fil des entretiens de "revenants" que la défaite sur le terrain de l'Etat islamique ou les mauvais traitements infligés à certains n'ont pas suffi à remettre en cause leurs idées: "les revenants reviennent déçus mais, pour la plupart, fidèles au courant djihadiste de l'islam sunnite".
Les campagnes de déradicalisation mises en place par l'Etat? "Une chimère", selon lui. "Il n'existe aucune méthode de déradicalisation d'État. Beaucoup ont prétendu le contraire pour des raisons politiques ou mercantiles".
Alors que les agressions et la grogne des surveillants pénitentiaires ont ravivé le débat sur le traitement des détenus islamistes, il rappelle que "dans le huis clos carcéral, les djihadistes ont tendance à s'enraciner dans leur idéologie et dans leurs intentions terroristes, que ce soit dans la prison ou au dehors".
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"On estime que plus de 50 % des détenus terroristes déjà condamnés sont censés sortir de prison d'ici à 2020. Sur le court terme, l'intensité de la menace terroriste est donc moins forte en France ; je crains que cela ne soit pas le cas sur le long terme", alerte-t-il. D'autant plus qu'"un détenu terroriste n'est pas un détenu comme un autre. Il est impossible de s'assurer de la sincérité du repentir d'un djihadiste".
David Thompson déplore ne pas avoir été écouté lorsqu'il alertait, dès 2014, sur les risques d'attentats en France. Il s'insurge aujourd'hui que ceux qui le contredisaient à l'époque soient désormais ceux qui sont le plus écoutés. Il dénonce "ces experts faussaires abonnés aux plateaux télé pour meubler du vide avec du vide et qui continuent d'occuper, hélas, la majeure partie du temps d'antenne" et qui "monnayent leur label +vu à la télé+ auprès de l'autorité publique. (...) Certains ont fini par avoir l'oreille du précédent gouvernement. D'où les retards et erreurs d'analyse en France face à la menace terroriste".
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