Dissolution 2024 (1/6)  : Agir par républicanisme, l’argument bidon d’Emmanuel Macron

Auteur(s)
Wolf Wagner, pour France-Soir
Publié le 24 juin 2024 - 11:00
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Macron
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FRANCK FIFE - AFP
8 septembre 2023, Saint-Denis - Après avoir été copieusement sifflé par la foule du Stade de France, Emmanuel Macron assiste au premier match de la coupe du monde de rugby de l'équipe de France.
FRANCK FIFE - AFP

Le 9 juin 2024, alors que le Rassemblement National et Reconquête ! parvenaient à hisser l’extrême-droite française au plus haut de l’histoire des élections européennes, Emmanuel Macron ordonnait, à la surprise générale, la dissolution de l’Assemblée nationale. Le « geste le plus démocratique et le plus républicain qui soit » selon le chef de l’État. Une stratégie risquée qui, si elle vise vraisemblablement une multitude d’objectifs, n’a pour autant aucun rapport avec la fibre républicaine du Président. Analyse (en six parties).

Venu le 18 juin sur l’île de Sein pour commémorer l’appel du même jour en 1940 du Général de Gaulle, Emmanuel Macron se voit apostrophé par un couple de personnes âgées. La dame présente face au chef de l’État lui reproche d’avoir délibérément plongé la France « dans le chaos » après avoir dissous l’assemblée.

Bien cadré par la caméra de BFMTV, le chef de l’État défend alors son choix. Non sans un certain sens du spectacle et de la communication, le président de la République assure que cette décision était « la solution (…) la plus lourde, la plus grave, mais la plus responsable » qu’il n’ait jamais eu à apporter en tant que Président.

Puis, dans un monologue de plusieurs minutes – faisant se questionner sur le caractère impromptu de cette séquence – Emmanuel Macron justifie sa décision :
- « Ça m’a fait mal le 9 juin, Si je pensais à moi, je serais resté à mon bureau, et j’aurais fait comme si de rien était » ;
- « Je ne l’ai pas fait pour moi, je ne l’ai pas fait sur un coup de sang, ce n’est pas un coup de dés, c’est un geste de confiance républicain » ;
- « Je vais redemander un vote de confiance aux Français et aux Françaises » ;
- « Moi j’ai confiance dans le peuple, c’est le geste le plus démocratique et le plus républicain qui soit ce que j’ai fait » ;
- « On ne peut pas craindre le peuple en démocratie ».
 

Un discours osé pour celui qui n’a jamais fait appel au peuple par voie référendaire depuis sept ans et qui s’est largement construit l’image d’un gouvernant qui a :
- Matraqué, énucléé, mutilé et emprisonné son peuple à la moindre manifestation hostile à sa politique ;
- Archivé les cahiers de doléances des Gilets Jaunes (et de l’ensemble des Français) avant même que l’encre ne soit sèche ;
- Imposé une réforme extrêmement impopulaire des retraites, d’abord en 2019, puis en 2022 ;
- Confiné l’ensemble d’un pays sur sa seule décision pour lutter contre un virus qui, de son propre aveu, était « dans l’immense majorité des cas, sans danger » ;
- Mis en place un état d’urgence anti-démocratique et une gouvernance resserrée durant les années Covid autour d’un Conseil de défense sanitaire et d’un Conseil scientifique opaques ;
- Forcé les soignants, les militaires, les gendarmes ou les pompiers à se vacciner pour continuer à travailler ;
- Imposé un passe sanitaire, puis vaccinal, à l’ensemble de la population dès 12 ans d’âge ;
- Saccagé l’économie française au nom d’un « quoi qu’il en coûte » censé aider les entreprises… mises à l’arrêt à cause de ses restrictions sanitaires ;
- Exigé une loi sécurité globale, synonyme de surveillance généralisée de la population ;
- Instauré des attestations durant la pandémie, puis un QR code et une enquête administrative à quiconque souhaiterait se promener dans le centre de Paris durant la période entourant les Jeux Olympiques ;
- Réformé l’assurance-chômage pour diminuer les droits des allocataires et des plus précaires ;
- Conditionné le revenu minimum, c’est-à-dire le RSA, à des heures de travail ;
- Maté l’assemblée à coup de 49.3 grâce à Élisabeth Borne ;
- Usé de tous les stratagèmes possibles et inimaginables pour faire revoter des lois préalablement rejetées par le Parlement ;
- Envoyé des armes à l’Ukraine sans consulter le Parlement ;
- Menacé d’envoyer des soldats français aux portes de la Russie ;
- Bafoué la constitution à maintes reprises ;
- Etc., etc..


En bref, avant de décider, comme à son habitude, seul, de dissoudre l’Assemblée nationale, ce ne sont pas les occasions qui avaient manqué à Emmanuel Macron pour montrer au peuple l’entendu de son républicanisme. Les sujets légitimant de faire appel aux Français par voie référendaire ont donc été suffisamment nombreux au cours des sept dernières années pour ne pas croire un seul instant que le chef de l’État ait aujourd’hui réellement choisi de dissoudre l’assemblée par esprit démocratique.

Autrement dit : contrairement à ce qu’il a souhaité mettre en avant devant le couple de retraités, dans les faits, Emmanuel Macron a en réalité toujours eu une peur bleue du peuple et de la démocratie. A fortiori, quand ce même peuple le désavoue sans ménagement, comme ce fut le cas lors des élections européennes. Emmanuel Macron n’a donc pas eu d’autre choix que d’accepter la sentence populaire : son nom n’est définitivement plus vendeur auprès de l’électorat… tant au niveau national que continental, puisque ses deux partis – Renaissance, en France, et Renew, au Parlement européen – ont tous deux reçu de violentes déculottés.

Son personnage, sa politique, sa pratique des institutions sont de ce fait devenus beaucoup trop impopulaires pour être encore porteur d’un quelconque avenir politique.

Ainsi, en dissolvant l’assemblée, Emmanuel Macron a surtout et avant tout pris acte de cette situation et a délibérément choisi de tuer sa Macronie… plutôt que de la voir subir l’humiliation suprême de devenir progressivement une force politique insignifiante. Et, parce que l’excuse républicaine n’a guère de chance de convaincre, dès le lendemain de la dissolution, Emmanuel Macron prenait le soin de diffuser, en coulisse, un autre son de cloche.

En effet, dans un article du 14 juin, Le Monde révélait les étranges propos échangés entre le chef de l’État et un grand patron « familier de l’Élysée ». Ce dernier, venu lui souffler quelques mots d’encouragements demande au Président : « Ça va, pas trop dures, ces journées ? ». Réponse de l’intéressé : « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent… ».

Guy de la Fourtelle, chroniqueur économique interrogé le 18 juin dans le cadre de la matinale du média indépendant Tocsin, a de son côté beaucoup de mal à imaginer qu’une telle décision puisse avoir été entérinée, seul, par Emmanuel Macron « sans quand même un assentiment du parrain américain ».

En ce sens, le chroniqueur indique que Larry Fink, le PDG de Blackrock, était en voyage à Paris quelques jours avant le scrutin. S’il n’existe aucune preuve de la présence de Larry Fink auprès du chef de l’État, un article du Figaro prouve néanmoins bien que l’Américain était présent dans la capitale à cette période. De là à imaginer que le fumeux président de Blackrock ait pu conseiller Emmanuel Macron dans ses choix politiques en amont d’une déroute électorale annoncée… il y a un pas que seuls les éclaircissements de McKinsey pourraient éventuellement nous aider à faire.

Que cette décision soit celle d’Emmanuel Macron ou des faucons américains, cela ne change finalement pas grand-chose au schmilblick, pourquoi cette précipitation ? Emmanuel Macron disposait de trois ans devant lui pour attendre le moment le plus opportun pour dissoudre (tout comme il aurait déjà pu le faire depuis 2022). Or, après une cuisante défaite lors des dernières élections européennes, force est de constater qu’il a préféré plonger le pays dans une campagne accélérée… où il n’offre, clairement, aucune chance à son camp d’inverser la tendance vis-à-vis du RN.

Il y a là un paradoxe édifiant. Le Rassemblement national, érigé comme le mal absolu par Emmanuel Macron depuis 2017, est l’essence même de la raison ayant permis au chef de l’État de conquérir le pouvoir. D’abord en siphonnant les voix du Parti socialiste au premier tour de l’élection présidentielle, puis celle de La France Insoumise au second. « Faites ce que vous voulez, mais votez Macron », titrait Libération à cette époque.

Dès lors, pourquoi avoir choisi, à la surprise générale, de dissoudre l’Assemblée nationale dès ce 9 juin 2024 au moment où, selon la logique macronienne, le « mal absolu » était au plus haut dans les urnes ? Pourquoi ne pas avoir attendu qu’une fenêtre politique plus favorable aux alliés de la macronie s’ouvre ?

 

Début de réponse dans le prochain article : Dissolution 2024 (2/6) : Pleins pouvoirs, changement de régime, fraude électorale, pourquoi Macron a-t-il tué sa macronie ?

 

Wolf Wagner, journaliste Indépendant pour France-Soir.

 

 

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