Dissolution 2024 (2/6)  : Pleins pouvoirs, changement de régime, fraude électorale, pourquoi Macron a-t-il tué sa macronie  ?

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Wolf Wagner, pour France-Soir
Publié le 25 juin 2024 - 14:00
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Macron
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FRANCK FIFE - AFP
8 septembre 2023, Saint-Denis - Après avoir été copieusement sifflé par la foule du Stade de France, Emmanuel Macron assiste au premier match de la coupe du monde de rugby de l'équipe de France.
FRANCK FIFE - AFP

Le 9 juin 2024, alors que le Rassemblement National et Reconquête ! parvenaient à hisser l’extrême-droite française au plus haut de l’histoire des élections européennes, Emmanuel Macron ordonnait, à la surprise générale, la dissolution de l’Assemblée nationale. Le « geste le plus démocratique et le plus républicain qui soit » selon le chef de l’État. Une stratégie risquée qui, si elle vise vraisemblablement une multitude d’objectifs, n’a pour autant aucun rapport avec la fibre républicaine du Président. Analyse (en six parties).
 

Précédent article : Dissolution 2024 : Agir par républicanisme, l'argument bidon d'Emmanuel Macron



De l’avis de ses plus proches collaborateurs et des observateurs médiatiques, comme politiques, le 9 juin 2024, Emmanuel Macron a tout bonnement tué sa macronie.

Pour Édouard Philippe : « Le président de la République a tué la majorité ».
Pour Bruno Le Maire, cette dissolution est la décision « d’un seul homme ». Le ministre de l’Économie dénonce ensuite des « parquets de ministères et de palais de la République [qui] sont plein de cloportes ».
Pour Jean-Luc Mélenchon : « Macron est fini. (…) Seuls restent les fascistes. (…) L’après-Macron a commencé ».
Pour Éric Ciotti aussi, « la macronie, c'est fini maintenant ».
Pour le journaliste Alexis Poulin, « Macron s’est auto-dissous ».
Pour l’éditorialiste Yves Thréard : le chef de l’État « a tué la carrière politique de beaucoup d’élus. (…) C’est l’acte de mort de la macronie qui a été signé avec la dissolution de l’Assemblée nationale ».

Tous bords confondus, le constat est le même. Quelle mouche a bien pu piquer le Président pour en venir à saborder ainsi son propre camp politique ?
 

ARTICLE 16 DE LA CONSTITUTION

Un certain nombre d’observateurs expliquent (1, 2, 3) que la stratégie du chef de l’État viserait, en réalité, à activer l’article 16 de la Constitution. Celui qui permettrait à Emmanuel Macron de diriger le pays avec les plein-pouvoirs sans avoir besoin de se soucier de l’avis du Parlement.

Que dit exactement cet article de la Constitution ?

« Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel ».

Pour qu’Emmanuel Macron parvienne à enclencher cette procédure, plusieurs hypothèses sont avancées. L’une d’elles pronostique que si le fonctionnement des pouvoirs constitutionnels venait à être interrompu en raison du chaos dans la rue provoqué par l’arrivée à Matignon du Rassemblement National, le chef de l’État pourrait alors faire valoir son droit à faire appel à cet article de la Constitution.

Si l’éventualité de voir des débordements subvenir en cas de victoire du RN apparaît comme probable, elle n’implique pas pour autant un chaos durable. Au contraire, puisque le futur gouvernement en place jouira, à son tour, du pouvoir octroyé au ministère de l’Intérieur.

En d’autres termes, si le RN arrivait à Matignon et que l’extrême-gauche se montrait un peu trop virulente pour contester ce nouvel état de fait politique, il ne fait aucun doute que la police, bien formée après sept ans de macronie, se chargerait de la mater – sans sourcilier – exactement comme il lui a été ordonné de le faire – avec succès – depuis 2017.

La mutilation des Gilets Jaunes, la répression sanglante des anti-passes (« convoi de la liberté ») ou d’un nombre sensible de manifestants venus crier leur détestation de la politique sociale macronienne (réforme des retraites, sécurité globale, etc.) montre que la marge de la rue pour faire vaciller le pouvoir s’est considérablement rétrécie au cours des dernières années. À chaque fois, les gaz, les matraques, les grenades et les LBD ont toujours su la faire taire… en ne faisant pas toujours la distinction entre casseurs, excités et simples manifestants pacifistes.

Imaginer que la police d’un nouveau gouvernement RN puisse se faire déborder par la rue au point de mettre en péril le fonctionnement des institutions n’est donc pas l’hypothèse la plus crédible. Ou alors, il faudrait un laxisme sécuritaire insoupçonnable de la part de Marine Le Pen et de ses acolytes… ce que personne ne peut envisager puisqu’il s’agit là de l’un des mantras favoris de ce parti.

Devenues spécialistes en matière de répression de manifestations sous les ordres de la macronie, il parait ainsi impensable que les forces de l’ordre n’arrivent pas aux mêmes fins sous le commandement du RN. Sans oublier qu’il est à présent de notoriété publique qu’une majorité de policiers et de gendarmes soutiennent la politique prônée par Marine Le Pen. Difficile, donc, d’imaginer que ces forces de l’ordre puissent se mettre en grève ou traîner des pieds si le RN leur ordonnait d’aller mater « l’ennemi » gauchiste jugé un peu trop virulent.

Lors d’une interview donnée à Europe 1 dimanche 23 juin, Jean-Philippe Tanguy, l’une des nouvelles têtes d’affiche du parti de Marine Le Pen, confirmait ce sentiment. Il assure que si Jordan Bardella arrivait à Matignon à la suite de ce scrutin, le nouveau Premier ministre saurait mettre « hors d’état de nuire » tous « les groupes d’ultra gauche [qui] pourrissent tous les mouvements sociaux ».

Ainsi, dans une France qui s’est habituée à être surveillée, écoutée, censurée, contrôlée et à voir des rondes du RAID, de la BRI ou d’autres unités des forces de l’ordre venir parader à moto, en fourgons ou en Centaures dans les rues de ses villes, il n’y a aucune raison que le chaos puisse subitement réussir à s’installer… sans la complaisance totale du RN.


Sans compter que si les Gilets Jaunes n’ont pas réussi à mettre en péril « l’intégrité du territoire » après des centaines de manifestations, dont certaines violentes et insurrectionnelles, et des milliers de rond-points occupés, c’est que, de facto, il faudrait un chaos encore plus important que celui observé de novembre 2018 à mars 2019 pour justifier le droit d’invoquer cet article 16… même aux yeux d’un Conseil constitutionnel toujours très permissif avec la macronie.

En clair, ce n’est pas par cette voie qu’Emmanuel Macron devrait pouvoir réussir à s’octroyer les pleins pouvoirs.

 

LA GUERRE


Le cas d’un conflit armé qui engagerait la France semble, lui, davantage crédible pour imaginer une prise de pouvoir totale et absolue du chef de l’État.

Soucieux de jeter en permanence de l’huile sur le feu en jouant le va-t-en guerre face à l’ours russe, le président de la République n’a, par ce biais, indéniablement jamais cessé d’entretenir la possibilité de mettre un jour en danger « l’intégrité du territoire » et le bon fonctionnement des institutions.

Emmanuel Macron chercherait-il ainsi secrètement à réaliser le rêve fou de réussir à marcher sur les traces de Volodymyr Zelensky ? Alias le président ukrainien qui, en raison du conflit entre son pays et la Russie, a justement pu s’adjuger les pleins pouvoirs en interdisant la tenue d’une nouvelle élection présidentielle.

Quels que soient les rêves les plus fous du chef de l’État, le cas de la France n’est toutefois pas celui de l’Ukraine. En l’état, il paraît en effet peu plausible qu’un conflit frontal et total entre deux puissances nucléaires puisse soudainement se déclencher. Seule une escalade progressive entre l’OTAN et le pays dirigé par Vladimir Poutin semble pouvoir, éventuellement, le permettre… comme par exemple lorsque, dimanche, la Russie rejetait la responsabilité de la frappe de l'armée ukrainienne en Crimée sur les États-Unis. 

Pour autant, sauf attaque suicidaire et brusque d'un camp sur l'autre, la situation ne devrait, dans tous les cas, pas pouvoir s'envenimer au point de menacer directement, à court terme, « l’intégrité du territoire » français

Autre possibilité parfois évoquée : l’Ukraine intègre l’Union européenne avant la fin de la guerre, forçant de ce fait les 27 pays européens à défendre le nouveau pays membre. Or, même si une procédure d’intégration de l’Ukraine dans l’UE a bien été engagée, là encore, un tel scénario ne peut, dans le plus optimal des cas, de toute manière pas survenir rapidement.

À l’heure actuelle, il semble d’ailleurs bien plus vraisemblable que si une activation de l’article 16 par Emmanuel Macron devait avoir lieu à cause d’une guerre, elle le serait davantage en raison de la situation au Proche-Orient. Israël menaçant de faire « une guerre totale » au Liban. Face à un Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, qui assure pouvoir frapper l’intégralité du territoire hébreux en cas de conflit, le risque d’embrasement international y est infiniment plus explosif qu’à l’est de l’Europe. Ne serait-ce que parce que les forces armées de nombreuses puissances, comme celles des États-Unis, se trouvent déjà ou convergent actuellement vers la région et que la puissance de feu du Hezbollah est autrement supérieure à celle du Hamas.

Si ce scénario est, sur le papier, le plus dangereux, ce n’est pas pour autant que le monde s’enflammera en cas de conflit ouvert dans la région. L’Iran, aux intérêts souvent qualifiés de communs avec le Hezbollah, ayant déjà montré, lors de ses frappes sur le territoire Hébreux en représailles à l’attaque menée par Tsahal sur son consulat en Syrie, que le pays des Mollahs n’était pas forcément prêt à faire tout et n’importe quoi pour entrer en guerre face à Israël… l’inverse étant manifestement tout aussi vrai, puisque du côté de Tel-Aviv, Tsahal a ostensiblement cherché « à calmer le jeu » après cette attaque iranienne.

Au final, si la possibilité qu’Emmanuel macron puisse s’adjuger un jour les pleins pouvoirs en raison d’une guerre reste plausible, elle ne semble clairement pas être la raison première de cette dissolution.

Sans compter que le Président n’avait nullement besoin de tuer sa macronie pour déclencher l’article 16 en cas de guerre. Avant de dissoudre, sa majorité relative ne lui permettait de toute façon pas d’imposer pleinement ses vues et ses orientations politiques (cf. la levée du passe vaccinal par l’assemblée en 2022 ou les multiples usages du 49.3 par E. Borne).

La situation ne varie donc pas énormément d’un point de vue militaire pour le chef de l’État. Pour preuve, lorsqu’il a fallu décider, seul, d’envoyer des armes en Ukraine, Emmanuel Macron ne s’est pas embarrassé avec le Parlement, ni avec l’article 16. Il est, comme à son habitude, passé en force sans s’émouvoir outre-mesure de la portée démocratique d’un tel acte.

 

CHANGEMENT DE RÉGIME


Selon plusieurs commentateurs, dont Alexis Poulin, journaliste au Monde moderne interrogé par son confrère Eric Lemaire, avec cette dissolution, Macron viserait en réalité à rendre la France ingouvernable.

Avec l’éclatement des partis de moindre importance et l’avènement de trois grands blocs politiques (gauche, centre, droite), l’assemblée pourrait, selon Alexis Poulin, ne plus parvenir à voter des lois, ni, donc, à faire avancer le pays. Une vie politique figée qui permettrait alors au chef de l’État de réclamer, cette fois, la modification de la constitution pour engager un changement de régime… qui serait bien évidemment plus propice aux agissements macro-progressistes.

Si cette éventualité apparaît crédible au regard des pratiques politiciennes et fourbes du pouvoir depuis 2017, elle n’est pour autant, elle non plus, pas si aisée à mettre en place.

En effet, pour modifier la constitution, il faut que l’Assemblée nationale et le Sénat votent respectivement à la majorité pour engager le processus de révision. Puis, que trois-cinquième (3/5) des parlementaires du Congrès votent à leur tour en ce sens (le Congrès étant composé des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, ndla).

Une voie de passage présidentielle peu probable compte tenu du paysage politique français actuel.

Pour Alexis Poulin, Emmanuel Macron choisirait plutôt la voie référendaire. L’idée serait donc de montrer au peuple l’impasse institutionnelle dans laquelle se trouverait le pays. L’objectif serait alors de réussir à emmener une majorité de Français derrière lui pour voter en faveur de la révision de la constitution. Comprendre ; en faveur de la simplification du fonctionnement de la vie politique en France, en diminuant, par exemple, le nombre de députés en exercice.

En d’autres termes – ceux d’Alexis Poulin – Emmanuel Macron serait donc en train de préparer un coup pour, au moment opportun, une fois le pays considéré comme ingouvernable par une majorité de Français, déclarer : « Regardez, j’ai ma belle Constitution qui va me permettre de devenir un autocrate. J’en rêve depuis que j’ai pris le pouvoir. Et, bah, cette fois-ci, on va le faire ! ».

Si on ne peut pas reprocher à Alexis Poulin de proposer là une éventualité tout à fait crédible au regard du mode de gouvernance du chef de l’État, il semble néanmoins très incertain qu’Emmanuel Macron parvienne à obtenir les 50 % de suffrages plus une voix nécessaires pour arriver à ses fins grâce à « ce coup ». Quel que soit « le bordel » institutionnel dans lequel se trouvera la France au moment où le Président déciderait de consulter le peuple, son impopularité est de toute façon telle, qu’elle rend cette hypothèse très peu vraisemblable.

En effet, un tel évènement, s’il devait survenir, ferait alors irrémédiablement penser aux (seuls) deux autres référendums du même type engagés en France en 1962 et 1969 par le Général de Gaulle, dont le dernier qui, faute d’avoir su convaincre la population, avait tout de même entraîné la démission du grand Charles. Emmanuel Macron qui aime – sans honte – se réclamer de l’héritage gaulliste serait alors, au regard de l’Histoire et en cas de rejet de sa proposition, sous une pression populaire difficilement supportable pour lui. Il perdrait toute légitimité politique, la démission devenant de ce fait la dernière voie de sortie de crise possible.

 

DÉMISSIONNER POUR SE REPRÉSENTER ?


Justement, il est également fréquemment évoqué la possibilité de voir Emmanuel Macron démissionner.

Que ce soit en raison de l’ingouvernabilité du pays ou parce que le chef de l’État serait poussé vers la sortie par le Parlement, les défenseurs de cette hypothèse estiment qu’en pareil cas, Emmanuel Macron pourrait alors se présenter pour un troisième mandat consécutif. Ce que lui interdit pourtant la loi depuis 2008.

Si la démission d’un Président n’est encore jamais survenue depuis le changement de la Constitution, Libération relève qu’il en inquiète plus d’un. Dont Jérôme Kerviel. Le soir de la dissolution, l’ancien trader déclarait sur X : « Ne pas finir son mandat pour pouvoir se présenter une troisième fois… Pas con, ça se tente… mais dangereux… ».

Il n’est pas le seul à penser ainsi. Le journaliste Georges Malbrunot partage ce point de vue. Dès 2022, il annonçait qu’en « 2023, Macron fera passer la réforme des retraites en recourant au 49-3 puis il dissoudra l'assemblée. Il démissionnerait ensuite, faute de majorité. Ce qui lui permet de se représenter dans la foulée ou au scrutin suivant ».

Et si Georges Malbrunot ou Jérôme Kerviel jugent cette éventualité si plausible, c’est parce qu’ils se réfèrent aux évènements observés en Polynésie française, quand Édouard Fritch avait réussi à trouver une faille législative pour se présenter pour un troisième mandat consécutif aux élections territoriales de 2023… que l’intéressé avait finalement perdues.

Néanmoins, comme le fait justement remarquer Libération, cette comparaison ne tient pas compte des spécificités de la législation concernant la Polynésie. En effet, le quotidien précise qu’il « est écrit que le président de la Polynésie française ne peut exercer plus de deux mandats de cinq ans consécutifs (suggérant qu’il peut exercer un troisième mandat si l’un des deux premiers n’a pas atteint les cinq années) ».

Un cas de figure dans lequel se trouverait donc Emmanuel Macron s’il venait à démissionner avant 2027. Toutefois, Libé ajoute que « dans la Constitution de la Vᵉ République, révisée en 2008, il est écrit que le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct et que nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs, sans précision de leur durée ».

Autrement dit, contrairement au texte régissant la vie politique polynésienne, celui relatif à la métropole ne laisse pas de place à la faille exploitée par Édouard Fritch pour se présenter une troisième fois consécutive. Ainsi, même si Emmanuel Macron venait à démissionner, il ne pourrait – logiquement – pas se présenter à la prochaine élection présidentielle, et ce, quelle que soit l’interprétation faite de ce passage de la Constitution par les partisans de cette thèse.

Ce n’est donc pas non plus de ce côté-ci qu’il convient de chercher pour tenter de comprendre la raison réelle de cette dissolution.

 

LA FRAUDE ÉLECTORALE


Dernière crainte souvent exprimée, celle de voir une fraude électorale fausser les résultats de la future élection législative. Le second tour se déroulant le 7 juillet 2024, une partie des Français sera en vacances. Ainsi, un nombre sensible d’entre eux prévoirait de voter par procuration. Une méthode de vote souvent décriée à travers le monde, parce que assujettie à diverses formes de malversations.

Comme le révélait La Provence dans un article publié le 17 juin, le site internet PlanProcu.fr propose, en ce sens, de mettre en relation des individus en fonction de leur lieu de résidence, avec l’objectif affiché que les vacanciers puissent confier leur vote par procuration… à un inconnu. Il serait ainsi déjà plus de 2 000 à avoir fait appel à ce site.

Problème, le quotidien marseillais souligne que « de nombreux internautes ont révélé que le site planprocu.fr a été déposé par Titouan Galopin, à la tête de l’entreprise Citipo, qui fut également "l’architecte Internet d’Emmanuel Macron" ».

La coprésidente de l’association à l’origine de ce site a beau crier à la « fake news », il faut bien reconnaître que ce type de liens d’intérêt n’est pas des plus rassurants dans un moment où les Français sont en pleine crise de confiance avec leur Président. La Provence rappelle, en outre, que, comme pour toute procuration, « la plate-forme ne garantit pas que les personnes respecteront vos consignes de vote, le contrat reposant uniquement sur la confiance envers un inconnu ». La confiance envers un inconnu… potentiellement macroniste, donc.

Par ailleurs, le 21 juin, le ministère de l’Intérieur faisait savoir qu’à cette date, déjà un million de procurations avait été enregistré. Dans un article publié le même jour, France Info indique que « sur la seule période entre J-20 et J-10 avant le scrutin, le ministère a enregistré "6,2 fois plus de procurations" » en comparaison avec 2022. La preuve qu’un certain nombre de Français compte bien voter par cette voie.

En outre, la chaîne du service public précise que « contrairement aux élections de 2024, provoquées par la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale, les dates du scrutin de 2022 étaient connues longtemps à l'avance et les demandes de procuration avaient pu s'étaler dans le temps ».

Autrement dit, cette année, si la tendance venait à se confirmer d’ici le premier tour du scrutin, le vote par procuration devrait être nettement supérieur à celui observé en 2022.

Enfin, il est important de rappeler qu’en 2020, en pleine « pandémie » de Covid, la macronie a souhaité réformer la manière de voter par procuration. En effet, depuis cette date, les contraintes entourant ce mode opératoire se sont allégées. En résumé, tout citoyen peut dorénavant voter par ce biais dans des conditions élargies, là où avant, il fallait justifier d’une raison impérieuse de vouloir faire valoir sa voix de cette manière.

Quoi qu'il en soit, au regard des sondages et des retours de l’opinion publique, il paraît difficilement envisageable que la macronie, qui vient d’acter sa mort, puisse jouir d’une fraude suffisamment conséquente pour lui permettre de prendre le dessus sur ses adversaires en inversant le raz de marée électoral à venir.

Un esprit perfide pourrait toutefois craindre que ce mode opératoire permette de favoriser, à défaut de le faire en faveur du pouvoir en place, « l’extrême » préféré de la macronie… De pures supputations, qui ne font bien évidemment pas office de preuve, mais qui mériteraient une attention particulière, de sorte à s’assurer qu’il n’existe réellement aucun moyen de fausser le scrutin par cette voie.

Au final, quel que soit le crédit apporté à l’ensemble de ces hypothèses, qui pour certaines apparaissent comme plus plausibles que d’autres, aucune ne semble pour autant suffisamment viable pour expliquer pourquoi Emmanuel Macron a ordonné, contre ses propres intérêts, la dissolution de l’Assemblée nationale ce 9 juin 2024.

Pour tenter de comprendre ce qui a pu se jouer dans la tête du chef de l’État au moment de ce coup de sang, il est tentant de prendre un peu de hauteur en observant le schéma politique qui s’est progressivement mis en place dans les grandes puissances occidentales. Depuis, une décennie, on assiste en effet à une bipolarisation de l’offre politique, autour du seul combat entre « progressistes » et « souverainistes »… aussi appelés « ultra-libéraux » et « nationalistes ». Une voie à creuser, qui s’avère assurément plus pertinente pour essayer de mesurer la stratégie macro-oligarchique à moyen terme.

La suite de cette analyse dans le prochain article : Dissolution 2024 : RN et Macronie, les deux faces d’une même pièce (de théâtre).
 

Wolf Wagner, journaliste Indépendant pour France-Soir.

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