En visite à Paris, le président de Polynésie française expose son chemin vers l'indépendance
Venu pour "prendre le pouls" et "donner le ton de la relation qui sera la nôtre pendant ce mandat", Moetai Brotherson tient à montrer que s'il est indépendantiste, ce qui "peut poser quelques questions vu de Paris", il n'est pas "dans une logique de confrontation", a-t-il expliqué à l'AFP.
Il dit vouloir être "le président de tous les Polynésiens, pas seulement des indépendantistes", affirmant dès son élection que s'il espérait aboutir à un référendum d'autodétermination, ce ne serait pas avant 10 à 15 ans.
"Je suis quelqu'un avec qui on peut travailler", dit celui qui est député, membre du groupe communiste, depuis 2017.
Cette connaissance institutionnelle lui offre une vision : il sait que les changements constitutionnels passeront par une autonomie financière.
"Aujourd'hui, on a un PIB polynésien qui est à peu près de 660 milliards de francs pacifiques (5,5 milliards d'euros) et on a des transferts de l'État qui sont à peu près de 240 milliards (2 milliards d'euros) ça donne une idée du poids de l'action de l'État dans l'économie polynésienne", expose-t-il.
"La question fondamentale, c'est : Est-ce qu'on peut ? Et comment on se substitue à ces transferts de l'État ? Parce que si on n'y arrive pas, ça va être difficile de convaincre les gens qu'on peut être indépendant", souligne-t-il.
Avec l'aide de l'État
Le programme pour arriver à se substituer à ces transferts annuels passe, selon son parti, par le développement économique des cinq archipels qui constituent la Polynésie française grâce au tourisme, à la pêche, au développement des énergies renouvelables et au développement numérique.
"Aujourd'hui, on a 200 000 touristes par an en Polynésie qui rapportent à l'économie 70 milliards XPF (590 millions d'euros). Notre objectif est d'arriver à 600 000 touristes en 10 à 15 ans. Si on calcule la fiscalité qui en découle, on atteint entre 50 et 60 milliards, soit le tiers des transferts de l'État", avance M. Brotherson.
Le futur câble sous-marin, qui va relier le Chili à l'Australie en passant par la Polynésie, portera à trois le nombre de câbles qui desservent ces îles du Pacifique sud et suscite également chez cet ingénieur en informatique et télécoms de formation l'ambition d'attirer la construction de data-centers ou de centres d'appels.
Des projets pour lesquels les indépendantistes demanderont à l'État "d'investir massivement, par à coup, pour pouvoir franchir des paliers", reconnaît Moetai Brotherson.
"Si demain, on veut se fixer des objectifs ambitieux de transition énergétique, c'est pas les 7 milliards du fonds de transition énergétique promis par le président Macron qui vont permettre réellement de changer la donne, c'est peut-être dix fois ça, assure-t-il. Mais après, on aura moins d'argent à demander à l'État. C'est le pari qu'on veut lui proposer : on va peut-être être plus exigeants, mais derrière, tout le monde y gagnera", assure-t-il.
Par ailleurs, s'il "nous faut arriver à substituer ce qui doit l'être des transferts de l'État actuel, il y a une partie qui devra rester de la responsabilité de l'État, pour nous, c'est une dette", indique le président de la Polynésie.
Ainsi, il a prévu d'aborder avec les différents membres du gouvernement rencontrés cette semaine le renouvellement des conventions de partenariat et de financement concernant notamment la santé et l'éducation qui lient l'État et la Polynésie, et vont prochainement devoir être renouvelées.
Il demande également la prise en charge des maladies radio-induites, conséquences des essais nucléaires menés par la France en Polynésie entre 1966 et 1996, alors que la caisse d'assurance maladie locale est "un gouffre sans fond". "Ce n'est pas aux Polynésiens de financer les conséquences d'un fait d'État", assène-t-il.
Entre fermeté et assurance, M. Brotherson compte appliquer sa méthode au cours de son mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Sur la voie de l'indépendance.
Le président de la Polynésie a profité de son passage à Paris, pour quitter ses fonctions de député, en vertu du non-cumul des mandats, salué mardi par une ovation de l'hémicycle.
"Je connais en vous un parlementaire profondément respectueux, un opposant ferme, mais attaché au débat démocratique et toujours prêt au dialogue", lui a lancé la Première ministre Elisabeth Borne, comme un hommage à la "méthode Moetai Brotherson".
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