"Je suis votre chef" : fermeté, autoritarisme ou aveu de faiblesse ?

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Par AFP
Publié le 14 juillet 2017 - 18:12
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Le président Emmanuel Macron, au défilé militaire sur les Champs-Elysées à Paris le 14 juillet 2017
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© CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / POOL/AFP
Le président Emmanuel Macron, au défilé militaire sur les Champs-Elysées à Paris le 14 juillet 2017
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"Je suis votre chef" : contraint de rappeler publiquement son autorité jeudi, aux armées mais aussi à tout le pays, Emmanuel Macron risque un excès d'autoritarisme et montre une difficulté à gérer la contestation, selon des députés et analystes.

Après des critiques en interne sur le budget des armées, Emmanuel Macron a promis aux militaires dès 2018 une hausse de l'effort de Défense mais leur a aussi déclaré qu'il n'était "pas digne d'étaler certains débats sur la place publique", au nom de leur devoir de réserve.

Il visait clairement le chef d'état-major des armées (Cema), le général Pierre de Villiers, qui a protesté devant une commission parlementaire à huis clos contre les restrictions budgétaires pour l'armée en 2017.

Cette consigne de silence s'ajoute à celle qu'Emmanuel Macron a formulée à ses ministres dès le début du quinquennat, au point qu'ils sortent désormais de l'Elysée le mercredi midi en se tenant le plus loin possible des journalistes.

"Je suis contre le fait que les militaires parlent aux journalistes mais le Cema est légitime à répondre aux députés qui l'auditionnent, et à qui l'Etat doit rendre des comptes. Sinon on peut supprimer la commission de la défense!", s’énerve auprès de l'AFP Jean-Christophe Lagarde (UDI), membre de la commission et "constructif".

"Ca dénote une volonté d'autorité légitime mais il doit faire attention que ça ne devienne pas de l'autoritarisme. Depuis que son pouvoir se met en place, le mot d'ordre le plus courant c'est +silence dans les rangs+. On le voit à l'Assemblée : les députés En Marche ont consigne de ne pas parler à la presse, et de ne pas signer un amendement déposé par un autre parti. On voit un système qui se verrouille", s'inquiète M. Lagarde.

Et le député de Seine-Saint-Denis de rappeler que "la force" de la campagne de M. Macron avait été de "créer un capacité d'adhésion, pas de soumission !".

- 'Chape de plomb' -

"Je crois que le président parlait de la tribune que le Cema a fait vendredi matin dans Le Figaro et qu'il parlait de cela", a nuancé député socialiste Luc Carvounas, également membre de la commission. "Mais tout le monde sait que cette présidence sera autoritaire".

"La sortie du président face à des militaires heureux de venir défiler, ce n'était pas approprié. C'est étrange d’être obligé de répéter +je suis votre chef+. C'est qu'il y a un sujet", veut croire cet ancien proche de Manuel Valls.

L'élu du Val-de-Marne rappelle en outre que le chef de l'Etat a annoncé un "spoil system", qui vise à changer les hauts fonctionnaires clés de l'administration pour s'assurer de disposer de personnalités loyales pour appliquer son projet. "Tout cela ne crée pas un bonne ambiance", met en garde M. Carvounas.

Craignant qu'une "chape de plomb" tombe sur la classe politique, M. Carvounas rend ainsi hommage à Jean-Jacques Bridey (REM), président de la commission de la Défense à l'Assemblée nationale, qui a publiquement expliqué vendredi matin qu'il "regrettait" le montant des économies réclamées aux armées.

L'expert en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet voit lui aussi une faille dans la mise au point de M. Macron, que son proche entourage appelait déjà "le chef", même avant son élection. "Dire +je suis votre chef+ à l'armée de son pays un jour de défilé militaire du 14 juillet est un acte fort. Mais cela montre aussi une faiblesse, car normalement les images suffisent", décrypte-t-il, convaincu que le chef de l'Etat a "du mal à gérer la contestation".

"L'interview traditionnelle du 14 juillet aurait permis de décrisper la situation en répondant aux questions des journalistes, en rassurant et en amorçant un dialogue. Au lieu de cela, on a une communication officielle, froide, sans aucun espace pour le dialogue, où ne peut jouer que l'affrontement", fait-il valoir.

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