Loi sécurité : la réforme de la PJ s'invite dans les débats au Sénat
Le Sénat a entamé mardi l'examen en première lecture du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi), qui prévoit sur cinq ans un effort financier de 15 milliards d'euros, la réforme controversée de la police judiciaire s'imposant dans les débats, bien que de nature réglementaire.
Pour les rapporteurs Marc-Philippe Daubresse (LR) et Loïc Hervé (centriste), la majorité sénatoriale ne peut pas "objectivement" s'opposer à un texte qui donne davantage de moyens à l'Intérieur.
Pour le ministre Gérald Darmanin, il essaye de répondre à "cinq crises" qui sont "devant nous" : crise terroriste, avec une "menace terroriste d'autant plus prégnante qu'elle se modernise" ; crise "d'ordre public", avec des manifestations "nouvelle formule" ; crise cyber ; crise de la violence et crise climatique.
Alors que la France s'apprête à accueillir en 2023 et 2024 deux grands événements sportifs internationaux, Coupe du monde de rugby et Jeux Olympiques, M. Darmanin a dessiné un "scénario noir auquel il faut que nous nous préparions, qui est à la fois une attaque terroriste par exemple par un drone (...) et en même temps une attaque cyber sur les hôpitaux".
Le projet de réforme de la PJ ne figure pas dans le texte, mais le sujet s'est imposé dès le début de la discussion, au moment où plusieurs centaines de policiers étaient rassemblés dans le calme à Paris et Marseille pour marquer leur opposition à ce projet.
"La Lopmi est l'antichambre de la réforme à venir portant la départementalisation de la police judiciaire (...), synonyme d'intrusion du pouvoir exécutif dans la procédure pénale", a attaqué la présidente du groupe CRCE à majorité communiste Eliane Assassi.
"On ne peut pas rester dans un monde qui ne se réfère qu'à Clemenceau", a lancé M. Darmanin. "Nous allons continuer à discuter", a-t-il dit, rassurant une nouvelle fois les magistrats "qui auront toujours l'immense et entière responsabilité des enquêtes".
La gauche a défendu sans succès des amendements pour expurger le rapport annexé à la Lopmi - qui détaille les orientations du ministère - des paragraphes posant le principe d'une réorganisation de la police.
M. Daubresse a rappelé que deux missions d'information sur le projet de réforme de la PJ étaient en cours au Parlement.
Pour l'essentiel, la Lopmi prévoit 15 milliards d'euros supplémentaires de budget en cinq ans, dont "plus de la moitié, 8 milliards, consacrés au cyber et au numérique", selon le ministre. Le budget 2023 s'inscrit déjà dans cette perspective, avec une hausse annoncée de +6% par rapport à 2022, à 22 milliards d'euros.
Le texte prévoit la création de 8 500 postes de policiers et gendarmes, dont "3 000 dès 2023", selon la Première ministre, Elisabeth Borne.
"Procès d'intention"
Pour lutter contre la cybercriminalité, en constante augmentation, le projet de loi permet les saisies d'actifs numériques comme les cryptomonnaies.
Concernant les "rançongiciels" - demandes de rançons après une cyber attaque -, il conditionne le remboursement par les assurances au dépôt d'une plainte par la victime.
Le texte prévoit par ailleurs de réprimer plus sévèrement "l'outrage sexiste" et comporte plusieurs mesures de simplification de la procédure pénale.
Parmi les modifications apportées en commission, les sénateurs souhaitent aggraver les peines encourues pour les refus d'obtempérer, les rodéos urbains et les violences faites aux élus.
Ils ont restreint l'extension de l'amende forfaitaire délictuelle à une liste d'une dizaine de nouveaux délits. Un point sur lequel le ministre a indiqué se ranger.
Des amendements socialistes visent à faciliter l'accueil et l'accès aux démarches en ligne des victimes en situation de handicap.
En soirée, le Sénat a voté avec l'assentiment du gouvernement des amendements en faveur des collectivités et des outre-mer pour l'accueil de nouvelles brigades de gendarmerie.
Des moments de tension entre les écologistes et le ministre ou la droite ont marqué cette première journée.
"Depuis le début de ce débat, nos collègues du groupe écologiste sont dans le procès d'intention, dans la stigmatisation, dans la volonté d'attiser les tensions", s'est emporté M. Daubresse, alors que les écologistes pointaient des "contrôles d’identité abusifs ou discriminatoires".
"Vous êtes toujours dans le contrôle, la sanction, non pas des voyous, mais des policiers", a lancé le ministre. Il avait auparavant dénoncé des "accusations blessantes et fausses" à l'égard des policiers, estimant que Guy Benarroche affirmait "qu'une partie de la police est raciste".
Les débats doivent se poursuivre jusqu'à jeudi. Un vote solennel sera organisé le 18 octobre, puis les députés plancheront à leur tour sur le texte amendé. À gauche, communistes et écologistes voteront contre, les socialistes réservant leur vote.
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