Loi Travail 2017 : à quoi ressemblait le droit du travail quand la France connaissait le plein emploi ?

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DD.
Publié le 01 septembre 2017 - 18:17
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Le secteur de l'automobile accélère de 28%, ici l'usine PSA de Mulhouse le 29 avril 2015
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© SEBASTIEN BOZON / AFP/Archives
En 50 ans le droit du travail a changé, à la fois au bénéfice de l'employeur et du salarié... et inversement.
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Le gouvernement a présenté jeudi 31 ses cinq ordonnances constituant le coeur de la réforme du marché du travail voulue par Emmanuel Macron. Le but: encore et toujours faire baisser le chômage. Depuis des décennies, les réformes se succèdent, au point d'avoir changé durablement le contexte légal par rapport à 1965, quand la France était dans une situation de plein emploi presque absolu.

C'était en 1965. Cette année là, la France en pleine euphorie économique des 30 Glorieuses (la croissance s'élèvera à 4,8%) connaissait le plus bas taux de chômage de l'après-Guerre, avec un chiffre qui semblerait exceptionnel en 2017: seulement 1,7% de sa population active. A ce taux-là, le fait d'être sans-emploi ne s'explique guère que par le chômage frictionnel (soit un chômeur en période transitoire entre deux emplois au moment de l'étude statistique) et la petite part de chômage totalement incompressible des personnes inemployables pour des raisons sociales ou de formation.

Mais quel était à l'époque la situation de la législation sur le travail? En effet, à trois ans des accords de Grenelle, la situation était bien différente par rapport à 2017, alors que le gouvernement d'Emmanuel Macron a annoncé le 31 août ses cinq ordonnances censées secouer le marché du travail français… alors qu'Edouard Philippe a reconnu que le droit du travail n'était pas une des causes majeures du chômage.

"Flexisécurité" avant l'heure

Certes, le marché du travail était plus "flexible" à l'époque que dans les années qui ont suivi, du moins sur certains points. La durée du travail d'un salarié français était officiellement de 40 heures hors exceptions supérieures (agriculture, santé publique, cheminots). Dans les faits, elle était plutôt de 45 heures en moyenne. L'âge de la retraite était de 65 ans (soit le niveau approximatif de l'espérance de vie) mais il était possible de liquider ses droits à un taux réduit dès 60 ans. Les licenciements pouvaient être prononcés sans motif réel et sérieux (l'imposition du motif ne sera actée qu'en 1973).

De l'autre côté, certains éléments pourraient faire croire que 1965 était nettement moins flexible qu'en apparence. Et surtout nettement moins qu'en 2017. En effet, si les tribunaux étaient moins exigeants sur les motifs d'un licenciement, la pratique de l'intérim était interdite (elle ne sera mise en place qu'en 1968) et les contrats courts étaient de fait rarissimes (les CDD ne seront mis en forme qu'à partir des années 1980). Le salaire minimum qui n'était pas le Smic mais le Smig, était indexé selon l'inflation et non pas comme le Smic (contrairement a une idée couramment reçue) qui l'est selon une formule complexe qui correspond à la somme du taux d'inflation hors tabac pour les 20% de ménages les plus modestes et de la moitié du gain de pouvoir d'achat du salaire horaire de base d'un ouvrier et d'un employé.

De plus alors que le Smic n'a qu'une seule réévaluation par an (le 1er janvier), le SMIG était revu à la hausse tous les quatre mois certaines années. Et le "pire" était à venir d'ailleurs puisque quelques années plus tard, les employeurs allaient devoir coup sur coup encaisser des hausses de salaires annuelles de plus de 10% au tournant de la décennie 1970, et l'autorisation administrative requise pour les licenciements économiques qui sera mise en place en 1975 (et abrogée en 1986), par le gouvernement de Jacques Chirac. Rappelons enfin que le taux de syndicalisation frôlait les 20% contre 11% aujourd'hui (8,7% dans le privé, 19,8% dans le public).

Dernier détail non négligeable: le marché du travail devait absorber de nombreux entrants issus de l'arrivée à l'âge adulte des premiers "baby-boomers", en plus du choc démographique des "rapatriés d'Algérie" soit environ 300.000 personnes par an, dans un pays de moins de 49 millions d'habitants. Ce qui n'a visiblement pas impacté le moins du monde le taux de chômage. 

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