Macron-Bayrou : pas un "accord d'appareils" mais une alliance "d'homme à homme", vraiment ?

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Pierre Plottu
Publié le 23 février 2017 - 12:01
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François Bayrou et Emmanuel Macron.
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Au-delà des combines, Macron et Bayrou ont aussi des points et intérêts communs.
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François Bayrou a proposé mercredi à Emmanuel Macron une alliance pour la présidentielle. Une "main tendue" acceptée dans l'heure qui a suivi par l'ex-ministre de l'Economie et qui a donné naissance à un attelage centriste en position de se qualifier pour le second tour de mai prochain.

Ils "se parlaient", selon l'euphémisme d'usage, depuis des semaines. Emmanuel Macron et François Bayrou ont scellé mercredi 22 leur alliance pour la présidentielle au terme d'une mise en scène très préparée, avec un pas de deux dont l'improvisation présumée ne trompera personne. Ici, point de ces "accords d'appareils" vilipendés par Macron mi-janvier, mais un pacte conclu au nom des idées, du devoir-même, ont voulu faire croire les deux hommes. On ne peut leur donner complètement tort. Reste qu'aussi théâtral et digne des plus vieilles ficelles soit-il, ce nouvel acte de la campagne présidentielle pourrait bien être le "tournant" vers la conquête de l'Elysée qu'a aussitôt proclamé l'ex-ministre de l'Economie.

"Il n'y aura aucun accord d'appareil" entre En Marche! et "quel que parti que ce soit", avait pourtant lancé, presque promis, Emmanuel Macron face à la presse mi-janvier. En septembre, François Bayrou dénonçait pour sa part "l'hologramme" Macron, candidat des "forces de l'argent" selon lui. Mais la magie de la politique, où, au nom des intérêts communs, les attelages les plus improbables et les réconciliations les plus inimaginables restent toujours possibles, est passée par là.

Cela fait ainsi plusieurs semaines que les deux hommes ont noué contact. Le jeune ex-banquer "ni de gauche ni de droite" cernant dans le Béarnais tout à la fois un rival potentiel pouvant lui coûter la qualification pour le second tour et un allié possible utile pour "ruraliser" et populariser un peu son image de citadin des (très) beaux quartiers. Quant à Bayrou, son pari raté sur le cheval Juppé a mené à une mise en route bien trop tardive pour cette présidentielle. Couplé à son impossibilité de rallier Fillon (trop libéral et empêtré dans le scandale Penelope) ou Hamon (qui lorgne plutôt vers l'électorat de gauche que centriste) il ne lui restait guère d'autre choix pour continuer à exister au plan national. "Il n'a pas d'électeur, il n'a pas de soutien, il n'a pas de projet. C'est un aveu, un constat d'échec", a résumé le député LR Luc Chatel sur BFMTV.

Pour faire bonne figure, le maire de Pau a quand même fixé quelques conditions de façade à son ralliement. La principale étant un appel à ce qu'une loi sur la "moralisation de la vie publique" soit intégrée "expressément" au programme d'En Marche!. Une exigence qu'a bien entendu acceptée Macron et qui a le double avantage de sauver les apparences et de rappeler les ennuis judiciaires de son principal adversaire dans la course au second tour...

C'est tout? Oui. Rien sur la proportionnelle, cheval de bataille de Bayrou, ou les investitures aux législatives. Mais si le patron du MoDem avalera sans doute son chapeau sur le premier point, il y a fort à parier que le second soit bien sur la table en coulisses. Des tractations toujours complexes (comme l'illustrent les négociations entre Benoit Hamon et Yannick Jadot), mais indispensables au MoDem, à sa survie au-delà de la présidentielle. Et pour En Marche! un renfort de poids crédité de 5% à 6% par les instituts de sondage.

Une "combine" politique bien connue mais d'une certaine logique dans ce cas précis. "La plupart des cadres intermédiaires du MoDem sont déjà chez nous", a déclaré un porte-parole d'En Marche! à Libération récemment. Car la proximité idéologique des deux partis (le "mouvement" de Macron est bien un parti) est réelle, faite de social-libéralisme et de défense de l'Union européenne, sur fond d'attachement à la valeur travail et d'acceptation de la mondialisation. Et si certains voient dans cette alliance, couplée au recrutement d'Alain Minc, la réorientation d'Emmanuel Macron vers le centre-droit, d'autres anticipent la naissance d'un véritable centre. Un centre qui se destine à gouverner et non à être le supplétif d'un bord ou d'un autre. "Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, les progressistes sont en mesure de se rassembler", a ainsi twitté mercredi Gérard Collomb, maire de Lyon et soutien indéfectible d'Emmanuel Macron.

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