Pédagogique, ironique, mordant : les moment-clés du débat entre Macron et les étudiants au Burkina Faso

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Par AFP
Publié le 28 novembre 2017 - 21:12
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Le président français Emmanuel Macron prononce un discours à l'université de Ouagadougou, le 28 nove
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© ludovic MARIN / AFP
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours à l'université de Ouagadougou, le 28 novembre 2017
© ludovic MARIN / AFP

Le lieu: l’amphithéâtre de l'université de Ouagadougou, bondé. La climatisation tourne à fond, elle qui ne marche habituellement jamais.

Les personnages: 800 étudiants du Burkina Faso, impatients de débattre. Face à eux, le président français Emmanuel Macron vient de discourir deux heures, appelant les Africains à résoudre eux-mêmes leurs problèmes.

C'est le moment des questions-réponses. Les jeunes, souvent très politisés, reprochent pour beaucoup à la France un rôle néo-colonial. Les échanges s'enflamment dans un brouhaha croissant mais bon enfant. Au pupitre, Emmanuel Macron, sourire en coin, élève de plus en plus la voix, sans craindre d'en découdre, ravi de se jeter dans l'arène pour les convaincre.

Ironie, autodérision, pédagogie, émotion, logique, moquerie, plaidoyer: le chef de l'Etat utilise toutes les facettes pour convaincre.

- Ridicule -

"Imaginez une jeune femme qui vit à Angoulême, en France", dit-il à une étudiante qui critique la présence des soldats français au Burkina. "Elle n'a peut-être jamais entendu parler du Burkina. Son jeune frère est peut-être mort ces derniers mois pour vous sauver. Et vous la remerciez en disant ça ? Vous n'avez pas votre jeune frère qui est en train de se battre sur le sol belge ou français. Ne venez pas me parler comme ça des soldats français. Vous ne devez qu’une chose aux soldats français, les applaudir", dit-il récoltant... des applaudissements.

"J'ai apprécié positivement son discours, cependant sur l'impérialisme français, la présence des bases françaises en Afrique, il a botté en touche", s'insurge Modeste Bagoro, étudiant en mathématiques.

Alors qu'une étudiante lui demande si la climatisation restera branchée après son départ, il s'écrie : "Vous me parlez comme si j’étais toujours une puissance coloniale... Je ne veux pas m’occuper de la climatisation dans les universités du Burkina, c’est le travail du président (burkinabè Roch Marc Christian) Kaboré !". Et, se moquant de son homologue qui quitte la salle : "Du coup il s'en va ! Il est parti réparer la climatisation !", plaisante Macron. Un malaise s'installe, certains craignent l'incident diplomatique, que le président Kaboré se soit vexé... Il reviendra plus tard, souriant.

Le débat se poursuit. A une question sur le franc CFA et "l'or du Burkina" qui serait déposé à la Banque de France, et s'il a "peur" d'en parler, Macron rétorque : "Qui fait des études d'économie ici ?" Aucune main ne se lève... "Si quelqu’un peut me dire où l’or burkinabè est caché à Paris je suis preneur ! Il n'y en a pas, il faut être sérieux. Tout le monde va se calmer".

Avant d'expliquer, pédagogique, qu'il existe bien des dépôts de réserve à la Banque centrale indispensables pour garantir une monnaie.

"N’ayez pas des obsessions", poursuit-il sur le CFA. "Si demain quelqu'un décide de ne plus en être membre, il n’y est plus". Se retournant vers le place toujours vacante du président Kaboré, il ironise : "Dès qu’il aura réparé la clim' de l’amphithéâtre il sortira de la zone franc, vous l’avez compris !"

"Ce n'est pas aussi facile qu'il le dit car il y a un risque que la France retire tous ses intérêts. Donc la sortie du franc CFA se présente comme un couteau tranchant pour nous-mêmes", estime un étudiant.

Macron s'agace : "N’ayez pas ce discours de revendication post-colonialiste qui n’est pas de votre génération. N’ayez pas une approche bêtement post-coloniale ou anti-impérialiste".

Quand un étudiant lui demande d'ouvrir les frontières aux migrants, il répond : "Je ne peux pas expliquer à mes classes moyennes qui ont travaillé, qui paient des impôts, que c'est formidable, qu'on va accueillir tout le monde. C'est ridicule, qui va financer ça ? Vous allez nourrir le racisme et la xénophobie. Ca n'existe pas les frontières ouvertes à tous les vents, ça ne marche pas".

Sur l'esclavage en Libye, il attaque : "Qui sont les auteurs du trafic ? Ce sont des Africains, mon ami! Posez-vous la question, arrêtez de dire que le problème, c’est l'autre. Il y a des Africains qui escalavagisent d’autres Africains. Nous les combattrons mais ne venez pas me faire des leçons de morale. Il ne faut aucun propos simpliste. Ces scènes sont intolérables pour moi autant que pour vous".

Beaucoup d'étudiants sont séduits... Surtout par la forme. "Son discours était beau mais qu'il se rappelle qu'il ne doit pas se limiter à la rhétorique", réagit Sawadogo François. Il est venu s'imprégner de nos réalités. On attend de voir ce qui va être fait en faveur de la jeunesse burkinabè et africaine. On espère qu'il mettra en application son discours".

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