Serge Dassault renvoyé en procès pour blanchiment de fraude fiscale
L'industriel et sénateur Serge Dassault a été renvoyé en procès pour blanchiment de fraude fiscale dans l'enquête sur son patrimoine, la justice le soupçonnant d'avoir dissimulé plusieurs millions d'euros au Luxembourg et au Liechtenstein. Le parquet national financier (PNF) a délivré début mars une citation directe visant le sénateur (LR) de 90 ans, PDG de l'un des fleurons de l'industrie française, a-t-on appris ce lundi 21 de source proche de l'enquête.
L'audience devrait se tenir le 4 juillet devant le tribunal correctionnel de Paris, a confirmé une source judiciaire. Sollicité, son avocat, Me Pierre Haïk, n'était pas disponible dans l'immédiat.
M. Dassault devra aussi comparaître pour omission de déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Cette instance, chargée de vérifier les situations patrimoniales des élus, avait émis un "doute sérieux" sur "l'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité" de ses déclarations, le soupçonnant d'avoir omis de déclarer des avoirs détenus à l'étranger.
En cause, selon une source proche de l'enquête, l'existence présumée de comptes détenus au Liechtenstein et au Luxembourg par l'industriel, l'une des plus grandes fortunes françaises.
L'existence de "cagnottes" dans ces deux pays avait déjà été évoquée dans le cadre de l'enquête sur un système présumé d'achats de voix lors des campagnes municipales de Corbeil-Essonnes (Essonne) en 2009 et 2010. Une enquête dans laquelle Serge Dassault est mis en examen avec sept autres personnes, dont l'actuel maire, Jean-Pierre Bechter (LR).
L'une des personnes poursuivies, Gérard Limat, avait livré un témoignage clé en octobre 2014. "Grand ami" de la famille, il avait confié avoir utilisé deux comptes au Luxembourg, appartenant en réalité au sénateur, pour distribuer jusqu'en 2010 des fonds à des intermédiaires dans le cadre des campagnes à Corbeil.
Les investigations ont notamment montré que près de quatre millions d'euros ont été transférés à partir de ces comptes à "des œuvres prétendument caritatives en Algérie et en Tunisie sur la période 2009 et 2010", d’après la source proche de l'enquête. "Ce n'est pas mon argent qui a transité dessus (...). Tous ces bénéficiaires m'ont été indiqués par Serge Dassault", avait confié M. Limat aux enquêteurs, d'après cette source.
Sur un des comptes, "alimenté à l'origine par des fonds de Marcel Dassault", père de Serge Dassault et fondateur du groupe Dassault, il estimait, au moment de son audition, qu'il restait "de 10 à 12 millions d'euros".
Gérard Limat avait aussi confié avoir pris l'habitude de transférer de l'argent à partir "des cagnottes" luxembourgeoises à une société financière suisse, qui lui amenait ensuite les fonds en espèces à Paris pour qu'il les remette à Serge Dassault. "Je posais le sac dans un coin de son bureau et immédiatement, on parlait d'autre chose", avait-il déclaré, selon la source. D'après les enquêteurs, ces fonds se sont élevés à plus de 56 millions de francs suisses entre 1995 et 2009 (soit environ 52 millions d'euros), un chiffre que Gérard Limat n'a pas réfuté, a-t-on précisé de même source.
Dans l'enquête menée par les juges d'instruction, plusieurs témoignages accréditent un système d'achat de voix. Les magistrats ont aussi saisi à la résidence et QG politique de Serge Dassault des listes d'électeurs avec les mentions "payé" et "non payé" et des annotations ("permis de conduire", "soutien sortie détention"...), formules tendant à accréditer cette pratique frauduleuse.
L'industriel est mis en examen pour achat de votes, complicité de financement illicite de campagne et financement en dépassement du plafond autorisé. Il ne nie pas les dons, mais conteste toute corruption et tout lien avec les élections. Coup dur pour Serge Dassault, la Cour de cassation a validé la semaine dernière l'ensemble de cette procédure, dont il demandait l'annulation.
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