Jens Stoltenberg, alias "Steklov" Du diplomate au pyromane de l'OTAN
PORTRAIT CRACHE - Jens Stoltenberg, qui aurait pu prévoir que le jeune activiste, connu pour ses manifestations contre la guerre du Vietnam et son goût pour le cannabis, aurait fini par diriger l'OTAN ? Une ascension marquée par des erreurs de jugement et une étrange amitié avec un agent du KGB, Stoltenberg, "Steklov" pour les intimes, a toujours su jongler entre réformes controversées et alliances stratégiques. Du New Labour au militarisme, en passant par une gestion diplomatique prudente, il troque son costume de "trouble-fête" par celui de “conciliateur”. Mais restera-t-il dans les mémoires comme l'homme qui a renforcé l'OTAN ou celui qui aura flirté dangereusement ou plus avec le précipice d'un conflit global ?
Jens Stoltenberg est dès son adolescence membre de la Ligue des jeunes travailleurs (AUF), organisation affiliée au Parti travailliste norvégien (AP). Le jeune Jens est alors un quelque peu fauteur de trouble et fumeur de cannabis. Ses premiers “faits d’armes” remontent à la guerre du Vietnam : il participe à des rassemblements devant l’ambassade des États-Unis à Oslo pour exiger, entre autres, que la Norvège claque la porte de l’OTAN. Les protestations ne se déroulent pas toujours sans tracas et Jens Stoltenberg échappe de peu aux coups de filet de la police, à l’inverse de ses amis.
Coup de sort ou coup de fil de ses parents ? Ce fils d’un ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères ainsi que d’une ancienne secrétaire d’État effectue par la suite son service militaire et suit des cours en économie à l’Université d’Oslo, et en sort diplômé à la fin des années 1980. Parallèlement à son militantisme au sein de l’AUF et bien avant le début de ses études, le voici journaliste pour Arbeiderbladet (désormais appelé Dagsavisen, NDLR), dirigeant de la ligue, fonctionnaire chez Statistics Norwegian et instructeur à mi-temps dans son ancienne université.
Stoltenberg fait du Blair sans l’aval des Norvégiens
Tout au long de cette décennie, Jens Stoltenberg s’était lié à un diplomate soviétique sans se douter qu’il s’agissait d’un agent du KGB, qui l'affubla alors du nom de code “Steklov”. A partir des années 1990, le voici à la tête de la section du Parti travailliste dans la capitale norvégienne. C’est le début de son ascension.
Comme sa mère une décennie auparavant, Jens devient secrétaire d'État, au ministère de l'Environnement. Il devient député en 1993 et saute la marche pour devenir ministre de l'Industrie et de l’Energie la même année. Il se maintient à ce poste jusqu’à 1996, lorsque le Premier ministre, Gro Harlem Brundtland, remet sa démission.
Coup de bol pour Jens, c’est un autre cadre du Parti travailliste qui reprend le poste. Il devient ministre des Finances du gouvernement Thorbjørn Jagland, mais la défaite, en 1997, de la formation politique aux législatives, met un terme à son mandat. “Steklov” regagne l’assemblée et devient chef parlementaire de la commission chargée des affaires énergétiques.
En 2000, il figure parmi les favoris au poste de Premier ministre. Celui qui occupait ce poste jusque-là, Kjell Magne Bondevik, issu du Parti populaire chrétien (KrF), doit démissionner après un vote de confiance défavorable et Stoltenberg, alors chef adjoint de son parti, devient le chef du gouvernement. Les Norvégiens découvrent subitement une forme d’ersatz de Tony Blair. Le tout nouveau Premier ministre veut repositionner l’AP sur l’échiquier politique et élargir son électorat pour faire du “New Labour” de son homologue britannique sa propre doctrine. Il procède à des privatisations à outrance de sociétés publiques, y compris dans les secteurs de la santé et de l’éducation.
Vite puni par des réformes pas du tout au goût des électeurs, et non pour avoir percuté une voiture stationnée tranquillement à Oslo, avec délit de fuite, ce sont les élections parlementaires de la fin 2001 qui l’éjectent : le Parti travailliste réalise l’un des pires scores de son histoire.
L’AP est en crise. Stoltenberg et Jagland ne se supportent plus. Et autre coup du sort : le chef des Travaillistes décide de ne pas se présenter pour un futur mandat. Son jeune rival devient alors le nouveau patron des Labours. Entre une réunion et une autre au conseil d’administration de l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI), organisation dont il est membre, et financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, il s’attèle à regagner la confiance de l’électorat pour que les Travaillistes obtiennent, finalement, et grâce à la coalition, la majorité aux législatives de 2005. Jens Stoltenberg est de nouveau Premier ministre.
Il hérite de questions complexes comme la participation militaire norvégienne en Afghanistan mais cette fois-ci, il tire les leçons de son éviction en 2001 et ne fait pas dans le “Blairisme”, tout du moins, sans l’arrogance et l’excès de zèle du brit, même, s’il verse dans le militarisme.
L’as du compromis ne sait plus sur quel pied danser
Fervent défenseur de l’UE et de l’OTAN désormais, il plaide pour le renforcement des capacités de la coopération transatlantique et les dépenses militaires de son pays grimpent. Sans doute pour financer la contribution d’Oslo aux opérations de l’OTAN. Il est réélu en 2008, dans un contexte marqué par la crise financière. Cette fois-ci, il opte pour une réforme de la fiscalité des entreprises privées. Il tente aussi bien que mal de nouer une relation avec son voisin russe. En témoigne son accord en 2010 avec le président de l’époque, Dimitri Medvedev accord pour mettre fin à un différend frontalier maritime dans la mer de Barents, qui remonte à la fin des années 1970.
S’il reconnaît sa “responsabilité” dans les attentats menés en 2011 par le terroriste Anders Breivik, il refuse de démissionner. En 2013, la coalition menée par Jens Stoltenberg échoue aux élections et il finit par démissionner.
Après une brève expérience comme envoyé spécial de l'ONU sur le changement climatique, il est nommé Secrétaire général de l’OTAN en octobre 2014. Il est le premier Norvégien à occuper ce poste, bien que son pays soit un membre fondateur en 1949. Tout le monde est d’accord sur un point : Steklov doit gérer la Russie, en misant sur ses “bonnes relations” avec cet État ainsi que son expérience diplomatique et son “art du compromis”. Un an après l’annexion de la Crimée, il se montre formel en affirmant ne voir “aucune menace immédiate contre un pays de l'OTAN venant de l'Est. Notre objectif reste la coopération avec la Russie … Cela sert l'OTAN et sert” Moscou.
Jusque-là, la volonté de Donald Trump, alors président des États-Unis, de quitter une “alliance morte”, est le principal défi auquel est confronté Jens Stoltenberg. Au nom de la cohésion de l’alliance, il cautionne et légitimise également les opérations turques contre les kurdes en Syrie, justifiées par “la souffrance” d’Ankara des attaques terroristes sur son sol ainsi que par ses “préoccupations légitimes en matière de sécurité”.
Le double jeu est à peine voilé. Jens s’est-il fait tirer les oreilles aux réunions de Bilderbeg auxquelles il a pris part trois fois ? L’alliance multiplie les exercices autour de la Russie mais son SG persiste à dire que l’OTAN “ne tente pas d’isoler Moscou”. Et lorsque le Kremlin réplique par des exercices militaires, Jens Stoltenberg les qualifie de “précurseurs d’actions militaires contre les voisins” et alerte Washington sur la “menace russe”. A ses yeux, la revendication du Kremlin d’un retrait des forces transatlantiques de ses pays voisins est une “volonté de refuser aux pays souverains le droit de choisir leur propre voie et leurs propres dispositions en matière de sécurité”.
Son discours, selon lequel l’OTAN “ne fait pas partie du conflit” ukrainien a peu à peu évolué. Il qualifie de “possible” une confrontation directe avec la Russie, donnant le son de clairon à une “hystérie militaire” en Europe, puis appelle les pays membres à autoriser Kiev à cibler, avec des équipements occidentaux, le territoire russe. Faute de compromis entre les États membres, Jens Stoltenberg est maintenu quatre fois à la tête de l’OTAN.
Sa nouvelle prolongation prend fin en octobre 2024, soit 10 ans après sa nomination. Se souviendra-t-on de lui comme un secrétaire général qui a resserré les rangs de l’OTAN ou comme celui qui sera à l’origine d’un conflit ouvert avec la Russie, voire d’une troisième guerre mondiale ? Que sait-on ? Le WEF, dont Jens Stoltenberg est un habitué, n’attend peut-être que cela ...
Avec Mark Rutte comme successeur le premier octobre prochain, l’OTAN de Stoltenberg ne semble pas plus sauvée des eaux.
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