Berlin et Londres signent un accord de défense “historique” pour contrer “l’agression croissante de la Russie”
Une première entre le Royaume-Uni et l’Allemagne. Les ministres de la défense des deux puissances européennes, le Britannique John Healey et son homologue allemand, Boris Pistorius, ont signé hier, mercredi 23 octobre 2024, un accord “historique” de coopération en matière de défense. Le Trinity House Agreement, qui prévoit de nombreux projets de surveillance et d’industrie militaires en faveur de l’OTAN, vise à “renforcer la sécurité nationale et la croissance économique face à l’agression croissante de la Russie et à l’augmentation des menaces”, selon Londres.
Cet accord est conclu dans un contexte particulier, aussi bien pour l’Allemagne que la Grande Bretagne. Depuis l’invasion de l’Ukraine, Berlin tente de renforcer ses capacités de défense. Ce traité avec Londres s'inscrit d’ailleurs dans la politique allemande de Zeitenwende, en référence à un discours du chancelier Olaf Scholz annonçant l’adoption d’une position plus ferme contre la Russie et l’accroissement les capacités militaires du pays. L’Allemagne a aussi exprimé le besoin auparavant de renforcer les capacités de défense transatlantique du flanc oriental et cet accord concrétise une partie de ce projet.
La défense, “premier pilier” pour rapprocher les deux pays
De son côté, Londres souhaite se rapprocher et renforcer ses relations, économiques et militaires, avec ses alliés européens après le Brexit. C’est le Premier ministre travailliste Keir Starmer, qui a remplacé en juillet le conservateur Rishi Sunak, qui a mis l’accent sur la sécurité et la défense pour amorcer ce rapprochement.
"Nous partageons les mêmes menaces", a d’ailleurs déclaré le ministre britannique de la Défense John Healey lors d'une conférence de presse commune à Londres. Pour lui, cet accord “envoie un signal à nos adversaires : nous dissuaderons et nous nous défendrons contre toute agression”. Et la défense est le "premier pilier de ce nouveau et plus large traité d'amitié".
Son homologue estime que ce traité marque “le début de quelque chose de très précieux”. "Face à la politique de division et de destruction du président russe Vladimir Poutine, nous proposons autre chose : de la solidarité, de la confiance", a ajouté Boris Pistorius.
Les deux puissances européennes sont les principaux fournisseurs européens d’aide militaire à Kiev et ce, depuis le début de la guerre. Si Berlin se montre plus réticente sur certaines questions comme la livraison de missiles à longue portée, Londres a toujours plaidé pour le faire dans le but de viser des cibles sur le territoire russe.
"Les projets envisagés dans ce traité nous apporteront avant tout davantage de sécurité en Europe", a ajouté mercredi Pistorius.
Mais quels sont ces projets ? Le Trinity House Agreement prévoit déjà un entraînement plus fréquent et plus régulier des deux armées sur le flanc oriental. Il est question d’avions allemands P8 ainsi que des avions de patrouille maritime qui devront servir à la lutte anti-sous-marine et ce, depuis la base écossaise de Lossiemouth.
Industrie militaire et surveillance navale
Ces patrouilles viennent s’ajouter à l’inauguration, en début de semaine à Rostock, d’un nouveau centre de commandement naval de l’Otan en mer Baltique, dont la mission est de coordonner les forces de l’OTAN. Le projet a vite irrité Moscou, qui a convoqué l’ambassadeur allemand. “L'ambassadeur d'Allemagne à Moscou a été convoqué au ministère russe des Affaires étrangères” et il lui “a été adressé une vive protestation”, a annoncé la diplomatie russe dans un communiqué. “Washington, Bruxelles et Berlin doivent savoir que l'expansion de l'infrastructure militaire de l'OTAN sur le territoire de l'ancienne RDA entraînera des conséquences graves et ne restera pas sans réponse”, promet le Kremlin.
Le but de cette présence est de protéger, par la même occasion, selon la déclaration de la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerlock, des principaux pipelines et câbles sous-marins en mer du Nord et en mer Baltique où naviguent des bateaux "qui ne devraient pas s'y trouver".
Le Trinity House Agreement prévoit aussi une coopération dans la mise au point d’armes de frappe à longue portée. Londres a d’ailleurs annoncé son intention de rejoindre l’Allemagne, l’Italie, la France et la Pologne pour développer la fabrication de missiles de longue portée. Par ailleurs, le fabricant allemand Rheinmetall s’installe au Royaume-Uni avec une usine devant produire des canons d’artillerie à partir d’acier britannique et devant aussi créer plus de 400 emplois.
"Cet accord trace un chemin vers une coopération industrielle plus approfondie", résume John Healey, qui a déploré que la coopération militaire entre les deux pays restait "sous-développée". Les deux pays coopéreront également en matière de véhicules blindés et des drones terrestres
Figurant parmi les trois puissances du continent européen, Berlin et Londres n’ont jamais été aussi proches comme ils le sont chacun avec Paris. Interrogé pour savoir si cet accord bilatéral pouvait être une menace à la coopération franco-allemande en matière de défense, Boris Pistorius a répondu que c'était "le contraire", révélant que la France avait été "impliqué" dans les discussions ayant mené à l'accord.
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