Le Sri Lanka, un paradis touristique et une position géographique stratégique qui aiguisent les appétits - partie 2

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Catherine Roman pour France-Soir
Publié le 26 avril 2024 - 17:32
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Le Sri Lanka, un paradis touristique et une position géographique stratégique qui aiguisent les appétits
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SRI LANKA - PARTIE 2 - En rupture avec des années de non-alignement, le gouvernement Sri Lankais se soumet de nouveau aux pratiques colonialistes cette fois plutôt états-uniens. Les ingérences US sont criantes dans un pays dont l’économie a été mise à mal par des pratiques néo-libérales dictées hier directement par les ambassades et ONG occidentales auxquelles se joint aujourd’hui le FMI. Un gouffre abyssal semble se creuser entre l’équipe au pouvoir et le peuple.

Lire aussi : Le Sri Lanka, un paradis touristique et une position géographique stratégique qui aiguisent les appétits (partie 1)

Histoire de la crise actuelle  

L’île aux 23 millions d’habitants se situait selon l’indice 2019 de la Banque Mondiale parmi les pays les plus avancés en Asie avec un taux de scolarisation de 91%, une espérance de vie de 77 ans et un haut niveau de compétence professionnelle, artisanale auxquels s’ajoute une médecine réputée mondialement comme on l’a précédemment mentionnée. 

Les causes de la crise du début des années 2020 sont la conséquence de choix politiques, économiques et sociaux des gouvernements qui se sont succédés, avec une implication directe et omniprésente des pays occidentaux dans les affaires intérieures du pays notamment via une ambassade US qui conseille, juge, déclare, décide, convoque, recommande et dicte sa vision des choses à toute la classe politique sri lankaise. Ces gouvernements dociles permettent aux Etats Unis et à ses partenaires de la Quadrilatérale (Quadrilateral Security Dialog qui comprend les USA, l’Inde, l’Australie, le Japon) et de l’Aukus (USA, Grande Bretagne, Australie) de faire du Sri Lanka, entre autres, une plateforme d’agression contre la Chine tout en visant la main mise sur les atouts stratégiques de l’île. 

Le président actuel depuis juillet 2022, Ranil Wrickremensighe, a une faible légitimité (gouvernement provisoire) avec une base électorale dérisoire et un parti (UNP, Parti de l’Unité Nationale) en lambeaux. Il est l’homme des intérêts nord-américains et britanniques, ultra libéral et ami de Georges Soros. Il succéda à Gotabaya Rajapakasa qui avait été porté au pouvoir par un soutien populaire d’une ampleur exceptionnelle avant que celui-ci ne revienne sur ses engagements de campagne cédant aux pressions de l’Inde et surtout celles des USA pour la mise en place des programmes SOFA, ACSA et MCC consistant à abandonner une grande partie des terres appartenant à l’Etat en faveur des groupes multinationaux et surtout d’intérêts militaires US. Cette politique tournée notamment vers l’export de Gotabaya Rajapakasa conduisit à des conséquences matérielles très lourdes sur la vie sociale du pays : coupures d’électricité fréquentes, plus de gaz domestique, plus d’essence pour les transports dont ceux publiques, rationnement des médicaments,…La crise pandémique du COVID-19 aggrava la situation précaire avec une chute du tourisme de masse et la diminution des rémittences des travailleurs sri lankais migrants travaillant notamment pour les monarchies du Golfe. L’endettement du pays se creusa et le cours de la roupie s’effondra ce qui eut comme impact la hausse des prix des denrées et produits de base contribuant à une hausse des inégalités et un accroissement de la corruption et de l’impunité. 

Hier exportateur de riz, le Sri Lanka, dès 2022, a commencé à importer 30 % de sa consommation suite à l’adoption de la loi d’avril 2021 sur les engrais organiques au détriment des engrais traditionnels, entraînant une chute spectaculaire de la production agricole. Cette loi présentée comme une initiative écologique a été promulguée surtout dans un contexte de diminution des réserves de devises étrangères. 

Le Sri Lanka se décréta en défaut de paiement en avril 2022 avec plus de 83 milliards de dollars US de dettes majoritairement détenues par des créditeurs étrangers. 

Le gouvernement soutenu par les Etats-Unis préféra se tourner vers le Fonds Monétaire International (FMI) dont les conditions pouvaient aggraver encore la crise.  

Au cœur de l’agitation pas très spontanée de cette période et concentrée surtout à Colombo, il faut noter le rôle actif du JVP, organisation se proclamant d’extrême gauche mais en réalité pilotée et financée depuis l’ambassade des Etats-Unis et les bureaux de l’US Aid. 

Dans la presse « mainstream » occidentale et afin de noircir un peu plus le tableau notamment pour les potentiels touristes, on retrouve de nouveau les références aux Tigres du LTTE, organisation fascisante et anti communiste pratiquant, entre autres, un terrorisme aveugle avec le laisser faire des gouvernements occidentaux et des partis locaux de gauche comme de droite. L’objectif politique occidental étant de contribuer à la partition du Sri Lanka afin de s’accaparer avec l’aide du LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam) de Trincomalee et d’en faire une position avancée dans les conflits à venir. Le Sri Lanka connaît un conflit larvé officiellement depuis 1983 qui oppose le gouvernement sri lankais à l’organisation des Tigres Tamouls (officiellement dénommés Tigres de Libération de l’Eelam Tamoul). Les Tamouls, Dravidiens sont de confession hindouiste et originaires du sud de l’Inde alors que la majorité de la population sri lankaise est Cingalaise et de confession bouddhiste. La population tamoule est majoritairement localisée au nord de l’île et le long des côtes, notamment autour du port de Trincomalee. Le gouvernement d’Etat semble instiller une sorte de racisme institutionnel envers les Tamouls. A ceci s’ajoute un amalgame soigneusement entretenu par les autorités sri lankaises entre la population tamoule et les Tigres tamouls. Le conflit depuis 1983 aurait fait plus de 70 000 morts. 

A l’heure actuelle début 2024, la situation macroéconomique du Sri Lanka s’est quelque peu améliorée mais reste fragile avec des réserves de change « utilisables » (en excluant les swaps de change) qui ne couvrent que 1,3 mois d’importations selon le FMI. De plus, le redressement des comptes extérieurs résulte principalement des aides financières internationales, de la suspension du paiement du principal de la dette extérieure du gouvernement, de la contraction des importations (conséquence de la crise économique), et des restrictions imposées par la banque centrale sur les importations, les sorties de capitaux et l’accès aux devises. Par ailleurs, la restructuration de la dette extérieure du Gouvernement n’est toujours pas finalisée. Cette dernière doit aboutir afin de répondre aux exigences du FMI (les discussions avec les créanciers privés qui représentent 61% de la dette extérieure du Gouvernement sont encore en cours). Enfin, le programme du FMI est extrêmement contraignant et le risque que le Gouvernement n’atteigne pas les objectifs fixés sont élevés. Dans un tel scénario, le déblocage du prêt du FMI serait alors suspendu et le Gouvernement n’aurait plus accès aux financements en devises dont il est totalement dépendant. 

Le président Ranil Wrickremensighe fait actuellement face à une colère publique compte tenu du niveau élevé des impôts, des factures d’électricité imposés par le FMI et du coût de la vie. En général, à ce jour, 7 millions de Sri Lankais ont du mal à se procurer trois repas par jour. 

 

En conclusion, l’indépendance, le respect de sa souveraineté, de son unité comme sa diversité doivent être des facteurs visant à tendre vers une cohésion d’un peuple. Le dépositaire de la souveraineté reste les Sri Lankais. 

Par-dessus tout, la population devra compter sur ses propres forces lors des prochaines élections présidentielles de septembre et octobre 2024 face au discrédit d’une certaine partie de la classe politique. Le gouvernement de l’état insulaire semble toutefois vouloir reprendre récemment le destin de l’île en main avec l’annonce faite par l’ambassadrice srilankaise en Russie de la volonté du pays de rejoindre les BRICS+ dans un futur proche.    

Il faut redonner du sens et des moyens de développement à l’économie locale afin de permettre une meilleure réponse aux besoins. Le Sri Lanka par ses richesses naturelles et les savoir-faire de la population en a les moyens.  

De même, les positions indiennes et chinoises seront particulièrement à analyser au regard des problèmes actuels et de l’émergence d’un système international multipolaire. Il est à noter que la stabilité, la prospérité et la paix au Sri Lanka sont une condition nécessaire pour que le commerce internationale maritime puisse y fleurir. 

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