Venezuela-Guyana : le conflit territorial historique de l’Essequibo remis à l’ordre du jour par Washington et ExxonMobil (Partie 1)

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Catherine Roman, France-Soir
Publié le 03 janvier 2024 - 15:08
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Conflit Venezuela Guyana Equessibo
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Frégate de la marine vénézuélienne lors de manoeuvres militaires, le 29 décembre dernier : "L'essequibo est à nous !".
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TRIBUNE - Sollicité par le Guyana, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni le 8 décembre 2023 pour débattre de la crise entre le Venezuela et le Guyana au sujet de l’Essequibo, une région riche en ressources naturelles, notamment en pétrole. De nombreuses voix appellent à une solution pacifique au niveau international, de Brasilia à Moscou. Le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale, a lui réaffirmé mi-décembre son soutien au Guyana dans cette crise.

I - L’Amérique du Sud et l’Empire britannique, un vent de colonialisme

Le Venezuela obtient son indépendance en 1811 grâce au mouvement pour l’émancipation des colonies espagnoles en Amérique du Sud de Simón Bolívar. L’empire britannique a, à cette période, des visées impérialistes, notamment maritimes. Ceci s’illustre par la promotion d’un conflit entre le Brésil et l’Argentine pour ne pas laisser à cette dernière le contrôle stratégique total du fleuve Rio Paraná , qui unit le Brésil, l’Argentine et le Paraguay, voie fluviale par laquelle transite de nombreux produits notamment agricoles. Les Britanniques appliquent la même tactique en Amérique Centrale en conquérant une grande partie du Guatemala et en s’assurant une sortie maritime sur le Golfe du Mexique avec la création du Honduras britannique qui est aujourd’hui la république du Belize.

Le Guyana britannique est également, à cette date, une colonie britannique qui répond à la volonté de contrôle anglo-saxon des routes commerciales maritimes stratégiques.

Après l’indépendance du Venezuela, plusieurs conflits vont éclater :

  • une guerre civile avec les armées de Bolívar qui s’étaient imprégnées d’une idéologie égalitaire et d’une volonté de justice sociale et qui étaient prêtes à se battre pour conquérir plus de droits ;
  • une guerre territoriale avec les Anglais. Profitant de la faiblesse militaire de la jeune République vénézuélienne déchirée par des conflits internes, les Anglais vont s’accaparer une partie des terres appartenant au Venezuela. Afin d’atteindre leur but, les Britanniques vont s’appuyer notamment sur les populations indiennes fatiguées de la guerre civile et attirées par la stabilité de l’empire européen.

L’idée des Anglais, à l’époque, n’est pas de s’arrêter au Guyana Essequibo mais d’avancer jusqu’à l’embouchure de l’Orénoque, le troisième plus grand fleuve d’Amérique latine. L’Orénoque est une voie fluviale permettant le transport des marchandises sur tout le nord de l’Amérique du Sud. Les Britanniques reproduisent les schémas antérieurs, mais, cette fois, en remplaçant la diplomatie par la conquête en menaçant le Venezuela de l’envahir en absence d’accord sur les nouvelles lignes de partage du territoire.

II - La décision du Tribunal arbitral de Paris

Le président vénézuélien en place fait alors une énorme erreur en demandant aux Etats-Unis de défendre son pays au nom de la doctrine Monroe (la doctrine Monroe est un ensemble de principes définis par le président James Monroe en 1823 pour défendre les intérêts américains et éviter l'ingérence européenne dans le continent. Elle a caractérisé la politique étrangère des États-Unis du XIXe siècle à nos jours et vise à asseoir leur hégémonie sur le continent américain). L’appel du Venezuela au Tribunal arbitral de Paris en 1899 pour regagner la région de l’Essequibo, en faisant appel à une équipe d’avocats états-uniens et sans un seul Vénézuélien, est un échec total face à la solidarité anglo-saxonne. Le processus de Paris qui devait durer trois mois a été expédié en cinq jours et a confirmé la souveraineté de l’empire britannique sur le Guyana Essequibo.

Le président vénézuélien se fait alors renverser et son successeur, Cipriano Castro va, en 1899, essayer de récupérer les ressources perdues du Venezuela. Ce qui va engendrer un blocage des ports vénézuéliens des Européens (France, Angleterre) et les Etats-Unis et va précipiter la chute de Castro, à son tour renversé en 1908. Suivent 36 années de dictature et le dépeçage du Venezuela avec des concessions pétrolières.

  • Les accords de Genève

Le différend territorial entre le Venezuela et le Guyana Essequibo va alors connaître un nouvel épisode avec l’indépendance du Guyana en 1964. Retour à la table des négociations. Les accords de Genève sont conclus en 1966 : il y est stipulé que la zone du Guyana Essequibo est reconnue comme réclamation par le Venezuela et que n’importe quel différend territorial doit être réglé de façon bilatérale par les deux pays. Il est également reconnu dans le traité que l’exploitation des richesses doit se faire avec consultation des deux pays. Quel que soit le gouvernement vénézuélien, depuis 1966, le Venezuela se réfère systématiquement aux accords de Genève comme base pour pouvoir négocier sur le Guyana Essequibo, territoire grand comme la Tunisie où vivent 110 000 personnes, mais immensément riche en ressources naturelles variées.

Française, Catherine Roman a vécu quelques années en Russie. Elle travaille dans le secteur des chiffres et se passionne pour la géopolitique et l'intelligence économique.

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