Programme européen de répartition des demandeurs d’asile : vers des sanctions pour les pays récalcitrants ?

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 19 juillet 2017 - 11:27
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Des demandeurs d'asile dans le camp de Blida à Metz le 13 novembre 2013
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© Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP/Archives
La France n’a, à ce jour, effectué que 16% de ses objectifs et devra encore accueillir 15.935 personnes pour atteindre les chiffres fixés.
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Le 13 juin 2017, la Commission européenne a annoncé devant le Parlement européen l’ouverture d’une procédure d’infraction à l’encontre des Etats membres refusant d’appliquer le plan européen de répartition des demandeurs d’asile. Presque deux ans après l’adoption de ce programme, c’est la première fois que la Commission prend formellement des mesures contre ces pays qui avaient rejeté le principe de relocalisation dès les premières discussions sur le sujet.

En 2015, l’Europe traverse une crise humaine: ce sont plus d’un million de migrants qui affluent sur son territoire. Or selon les règles établies auparavant dans un règlement appelé "Dublin III", les demandes d’asile doivent être traitées dans le pays par lequel les migrants sont entrés sur le territoire de l’Union européenne. Des pays comme la Grèce et l’Italie se trouvent donc responsables du traitement des demandes d’un nombre sans précédent de demandeurs d’asile. Au nom de la solidarité entre les Etats membres de l’Union européenne et afin de répartir cette charge, la Commission européenne adopte en 2015 deux plans visant à répartir au total 160.000 migrants dans les différents pays de l’Union européenne. Les Etats membres doivent ainsi accueillir un certain nombre de migrants, fixé selon la taille de la population, le PIB du pays, le nombre moyen de demandes d’asile dans les dix dernières années et le taux de chômage.

La Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque refusent ce système de répartition par quotas de la Commission européenne dès le début en votant contre son adoption. Farouchement opposées au plan, la Hongrie et la Slovaquie l’attaquent devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) en mai 2017 en définissant ce système comme illégal. La CJUE devrait rendre son jugement, décisif pour l’avenir des politiques d’immigration, dans les prochaines semaines. Depuis 2015, la Hongrie et la Pologne n’ont donc accueilli aucun demandeur d’asile alors que la République tchèque a ouvert ses portes à seulement 12 d’entre eux sur les 1.600 prévus par le plan de répartition.

Pourtant, le respect de ce plan est une obligation pour les Etats membres: "Tous les pays doivent participer, c’est un engagement moral assorti d’une obligation juridique" déclare le commissaire aux affaires intérieures et à la migration, Dimitris Avramopoulos. Après une ultime mise en garde en mai 2017, la Commission européenne a annoncé le 13 juin 2017 l’ouverture d’une procédure d’infraction à l’encontre de la Hongrie, de la République tchèque et de la Pologne "pour non-respect des obligations qui leur incombent".

La procédure d’infraction est un outil de la Commission européenne garanti par les traités et permettant d’examiner l’application dans les Etats membres des décisions prises par les institutions européennes. La Commission demande formellement à un Etat membre d’appliquer les règles en vigueur, et peut, en cas de non-respect, porter l’affaire devant la Cour de Justice de l’Union européenne. Celle-ci pourra, le cas échéant, sanctionner l’Etat d’une somme forfaitaire ou d’une indemnité journalière. A travers cette procédure d’infraction, l’objectif n’est pas tant d’obtenir une réparation que l’application des dispositions du droit de l’Union.

Le 13 juin, la Commission a donc entamé cette procédure d’infraction à l’encontre de la Hongrie, de la République tchèque et de la Pologne en leur adressant une lettre de mise en demeure: ces pays ont un mois à partir de cette date pour fournir une réponse détaillée. Ces informations permettront à la Commission d’établir formellement une violation des obligations des Etats et si besoin de porter l’affaire devant la CJUE.

De manière générale, l’Europe se trouve bien en dessous de ses objectifs. Selon un rapport de mai 2017 de la Commission européenne, à quatre mois de l’échéance de l’accord (septembre 2017), 18.418 personnes auraient bénéficié du plan sur les 160.000 demandeurs d’asile à relocaliser. Parmi les Etats membres, le respect de ce plan est très inégal: seules Malte et la Finlande devraient avoir rempli leurs quotas en septembre, alors que la France n’a, à ce jour, effectué que 16% de ses objectifs et devra encore accueillir 15.935 personnes pour atteindre les chiffres fixés.

Alors que ce plan de répartition s’appuie sur le principe de solidarité entre les Etats-membres, le refus de ces pays d’accueillir des demandeurs d’asile sur leur sol et cette décision de la Commission sont représentatifs de la division de l’Union européenne sur cette question. Mais comme le rappelle Dimitris Avramopoulos, "l’UE n’assure pas seulement des financements et la sécurité, elle suppose l’équité, le partage des responsabilités et la solidarité".

(Avec la contribution du Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris):

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