SNCF : quels droits pour les cheminots avec la libéralisation du rail ?
Pour les cheminots de la SNCF, c'est toujours une grande inconnue: quels seront leurs droits sociaux après la réforme du transport ferroviaire? La question concerne à la fois les salariés qui quitteront le groupe public et ceux qui y resteront.
Si le projet de réforme voté mardi à l'Assemblée est clair sur un point -la suppression du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés à la SNCF (au 1er janvier 2020, a annoncé Matignon mercredi)- des sujets restent non précisés dans le texte adopté par les députés, renvoyant à de possibles ordonnances, à "un accord de branche étendu" pour une convention collective ferroviaire encore à finaliser ou, "à défaut", à un décret.
Les interrogations portent non seulement sur les salariés qui seront transférés vers une autre entreprise après l'ouverture à la concurrence, quand la SNCF perdra un marché, mais aussi sur les cheminots restant à la SNCF puisque la direction veut modifier l'application de leur statut. Autant d'incertitudes qui inquiètent les syndicats.
Pour combler ces manques, la concertation "avec les partenaires sociaux" se poursuivra "jusqu'à fin avril, avant une nouvelle phase de discussions au niveau de la branche et au sein de l'entreprise", a dit mardi la ministre des Transports Elisabeth Borne. Le "processus parlementaire" reprendra "au Sénat, fin mai".
Par rapport au texte initial du gouvernement, présenté fin février, le projet de loi, tel que voté mardi en première lecture à l'Assemblée, contient certes des avancées favorables aux cheminots qui seront transférés, mais il subsiste des zones d'ombre.
Quelles avancées? Le droit d'information des salariés avant un changement d'opérateur par exemple, mais surtout le volontariat, c'est-à-dire le transfert choisi par le cheminot, et non imposé. Ce sera "la modalité prioritaire", se félicite la CFDT Cheminots qui a bataillé pour l'inscription du volontariat dans le texte. "Mais s'il n'y a pas assez de volontaires", le transfert "deviendra obligatoire" et "si l'agent refuse le transfert ou une mobilité contrainte, il pourra être licencié", s'inquiète l'Unsa ferroviaire. "C'est le volontariat le pistolet sur la tempe", s'insurge SUD-Rail.
- "Nouveau pacte social" -
"Malgré les annonces rassurantes, des points aussi essentiels que le sort des cheminots en cas de refus de transfert, de faillite de l'entreprise prenante et même la teneur des garanties individuelles et collectives conservées restent à définir", critique la CGT-Cheminots.
Autres avancées, note le ministère des Transports: les salariés transférés conserveront "leur régime spécial de retraite et la garantie de l'emploi".
Mais, répond l'Unsa, que vaut cette garantie de l'emploi si un agent peut être "licencié" en cas de refus de transfert? Et, dénonce la CFDT, quel régime spécial de retraite, puisque le président Emmanuel Macron a annoncé la création à terme d'un régime de retraite unique?
Pour les cheminots restant à la SNCF, des changements sont aussi en vue. La direction veut "moderniser" l'application du statut et son projet sera intégré au plan stratégique qu'elle doit remettre au gouvernement en juillet dans le cadre de la réforme de la SNCF.
L'objectif est de bâtir un cadre "motivant et attractif" pour les cheminots, "un nouveau pacte social correspondant à celui d'une entreprise du XXIe siècle" et "aux standards actuels des grandes entreprises, ce qui n'est pas le cas du statut", avait indiqué fin mars à l'AFP Benjamin Raigneau, directeur des ressources humaines du groupe public, promettant un changement à l'issue d'"un cycle intense de concertation", notamment avec les syndicats.
L'annonce lundi d'une prochaine filialisation de l'activité fret a encore accru les incertitudes. Si la direction promet "la continuité des contrats de travail", elle prévoit également une négociation sur "l'organisation du travail et les carrières".
Les quatre syndicats représentatifs du groupe, CGT, Unsa, SUD et CFDT, ont tous dénoncé ce projet. Cette filialisation "aboutira à une nouvelle casse sociale des cheminots affectés à cette activité, déjà durement touchés par les multiples réorganisations subies depuis 10 ans", craint l'Unsa.
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