Affaire Covea : neuf milliards investis à l'étranger, le groupe mutualiste bafoue le principe de solidarité
C’est une affaire qui devrait intéresser 11,6 millions de Français assurés par MMA, Maaf et GMF. Le groupe Covea, qui détient ces trois mutuelles, a constitué un trésor de guerre en son sein, destiné à racheter la société de réassurance PartnerRe, elle-même basée aux Bermudes. Un rachat à neuf milliards de dollars, contraire au Code de la mutualité et des assurances, lui-même fondé sur les principes de solidarité et de redistribution en cas d'excédent.
L’esprit mutualiste bafoué
Comme l’a expliqué l’avocat Dominique Paillé, invité d’André Bercoff sur Sud Radio, « le trésor de guerre devrait, comme d’autres mutuelles l’ont fait, être redistribué aux sociétaires, car c’est la solidarité qui est le principe fondamental de ces mutuelles ». Si les sociétés mutuelles sont autorisées à procéder à de la réassurance, elles ne peuvent le faire qu’en activité annexe.
Pour contrer le rachat du réassureur PartnerRe, basé aux Bermudes, l’homme d’affaires Didier Calmels a constitué une association pour attaquer en justice le groupe mutualiste Covea. Pour lui et l'Association pour la sauvegarde des mutualistes (ASPM), « le trésor de guerre accumulé par les mutuelles devrait être reversé aux sociétaires via une baisse des primes » au lieu de servir à de la réassurance. Si M. Calmels affirme « pouvoir comprendre qu’une entreprise du CAC 40 aille faire de la croissance à l’étranger », il trouve « choquant » qu’une mutuelle en fasse de même. Cette opération est d’autant plus étonnante qu’elle sort complètement du champ d’intervention des mutuelles, qui est en principe national, et qui ne devrait jamais aller sur le terrain international.
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Des procédures en cours
Fin février, Didier Calmels et l'ASPM ont engagé un recours contre le rachat de PartnerRe par Covea auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Le principal motif de cette action tient directement à la politique de PartnerRe, dont l'activité principale est la réassurance des risques étrangers. Si le régulateur ne répond pas dans les deux mois, Didier Calmels et l'ACPR pourront saisir le Conseil d'État.
Une assignation au fond de la Sgam Covea et ses mutuelles a, par ailleurs, été déposé au Tribunal judiciaire de Paris. Elle concerne deux demandes : la première porte sur l’interdiction de l’opération de rachat. L’avocat Me Olivier Dillenschneider, chargé du dossier, a déclaré :
« Le temps judiciaire sera certainement plus long que le temps des affaires. Il n’y aura certainement pas de décision rendue en juin, moment auquel le rachat devrait être bouclé. Nous avons donc demandé que l’opération soit annulée si elle était réalisée dans l’intervalle ».
La seconde demande porte sur l'illégalité de l’opération de rachat, car le Code des assurances précise qu’une mutuelle peut mener une activité commerciale, mais uniquement à titre accessoire. En conséquence, l’avocat de Didier Calmels demande « qu’il soit constaté que l’organisation du groupe Covea n’est pas conforme au Code des assurances, parce que l’essentiel des ressources est logé au Covea Coopération, qui est une société commerciale. La règle selon laquelle les excédents dégagés par l’exploitation doivent être restitués aux sociétaires sous forme de ristournes de prime n’est pas respecté ».
« On peut considérer qu’il y a 11 millions de sociétaires et qu’il y a 11 milliards aujourd’hui à distribuer, ce qui fait 1 000 euros par sociétaire. » a déclaré Dominique Paillé.
La France connaît depuis plusieurs mois une inflation qui va en s’accélérant, et les Français les plus modestes souffrent de cette flambée des prix. Ils ne seraient certainement pas contre cette ristourne.
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