Face à une inflation "toujours trop forte", la BCE relève ses taux directeurs à des niveaux jamais atteints, les prévisions de croissance économique revues à la baisse
ÉCONOMIE - La Banque centrale européenne (BCE) a augmenté jeudi 14 septembre 2023 ses taux directeurs pour la dixième fois consécutive. Une hausse historique de 0,25% qui porte ces taux au plus haut niveau depuis 1999. L’institution monétaire de Francfort justifie cette décision par son objectif de réduire l’inflation dans la zone euro. Celle-ci a été revue à la hausse dans les prévisions de 2023 et 2024, au détriment de la croissance économique, revue à la baisse.
La Banque centrale européenne (BCE) relève depuis juillet 2022 ses taux d'intérêt directeurs pour lutter contre l’inflation et la faire reculer à des seuils proches de 2%, objectif fixé par les traités européens.
Les taux directeurs sont des prix à court terme, fixés par les banques centrales et utilisés pour piloter la politique et contrôler la masse monétaire d’un pays. Le premier de ces outils est le taux de refinancement, qui permet aux banques commerciales d’emprunter des liquidités. Le deuxième est le taux de rémunération des dépôts qui rémunère les réserves des banques commerciales et le troisième est le taux du prêt marginal, qui permet aux banques d’augmenter les crédits aux ménages et aux entreprises.
Le taux le plus élevé depuis 1999
Jeudi, l’institution européenne a annoncé une augmentation 0,25% de ces outils financiers. Après avoir atteint 4,25% en juillet 2023, le taux de refinancement est passé à 4,50%. Celui du prêt marginal est passé à 4,75%. Le taux de rémunération de dépôt, qui fait référence, est relevé à 4%, un niveau jamais atteint depuis le lancement de la monnaie unique en 1999.
Une décision historique, certes, mais pas surprenante aux yeux des économistes, qui évaluaient à 50-50 les chances que la Banque centrale européenne relève ces taux ou les maintienne aux niveaux annoncés en juillet.
Dans son communiqué, la BCE estime que ce niveau historique contribuerait au recul de l’inflation. "Sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs considère que les taux d’intérêt directeurs ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l’inflation au niveau de l’objectif", lit-on.
Si la prochaine décision de l’institution dépend de l’évolution données économiques, le Conseil des gouverneurs a fait part de son intention de "faire en sorte que les taux d’intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire", dans l’espoir que la volonté des entreprises et des commerces à augmenter les prix soit limitée.
"Les conditions de financement se sont encore resserrées, freinant de plus en plus la demande, ce qui constitue un élément important pour ramener l’inflation au niveau de l’objectif", explique le communiqué.
L’argument de la Banque présidée par Christine Lagarde ne convainc pas puisque les hausses de ces taux depuis juillet 2022 n’ont pas eu l’effet escompté. L’objectif de faire baisser l’inflation à 2% environ est même loin d’être atteint. Bien qu’elle "continue de ralentir", la hausse des prix à la consommation "devrait toujours rester très forte pendant une trop longue période" et ce, en raison de l’impact des prix de l’énergie. D’ailleurs, les prévisions d’inflation de l’institution monétaire ont été revues à la hausse, avec 5,6% en 2023 puis 3,2% en 2024 avant de baisser à 2,1% en 2025.
Faire un emprunt devient plus compliqué pour les ménages
La décision d’augmenter ou non les taux directeurs suscitait parallèlement une inquiétude du marché, qui craignait une aggravation du ralentissement de l’activité économique dans la zone euro. Une crainte légitime, à lire le communiqué de l’institution de Francfort: "Eu égard à l’incidence croissante de ce resserrement monétaire sur la demande intérieure et au ralentissement du commerce international, les services de la BCE ont sensiblement révisé à la baisse leurs projections de croissance économique". La banque table sur 0,7% en 2023, contre 0,9% auparavant, puis 1% en 2024 et 1,5% en 2025. "Nous sommes clairement dans une période de croissance lente et molle", explique Christine Lagarde.
Le relèvement des taux directeurs de la BCE n’est pas sans conséquences sur les finances des ménages. Un taux de refinancement plus élevé signifie que les banques, dont la première source de liquidités est la banque centrale européenne, doivent emprunter à un taux plus élevé auprès de l'institution monétaire. Pour compenser cette liquidité plus coûteuse, les établissements financiers augmentent leurs propres taux de prêt. Il devient alors plus compliqué pour les ménages et les entreprises de faire un emprunt et les crédits à la consommation permettant d’acquérir des véhicules ou des équipements par exemple sont sensiblement touchés.
Est-ce la dernière augmentation des taux directeurs ? Les marchés interprètent l’annonce de la BCE dans ce sens mais Christine Lagarde refuse de prendre un tel engagement et n’exclut rien. "Nous ne pouvons pas dire que nous avons atteint le pic", a-t-elle déclaré jeudi.
En dépit du communiqué de la banque européenne, le CAC 40, qui évoluait autour de l’équilibre, a terminé en hausse de 1,19%, de retour à 7308,67 points. L'indice vedette parisien revient à ses niveaux d'il y a deux semaines.
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