Jean-Pierre Crouzet, président du syndicat patronal UPA : les professions artisanales "sont en danger"
Pourquoi cette mobilisation?
"Parce que nous considérons que la croissance et l'emploi, c'est nous. Nous nous mobilisons car nous représentons un million d'entreprises de proximité, quatre millions de personnes, 300.000 jeunes formés. Nous sommes contre les décisions unilatérales de prélèvements supplémentaires et la complexité toujours plus grande pour nos entreprises. Celles-ci sont en danger. Il y a un an, nous avions lancé le mouvement des +sacrifiés mais pas résignés+, qui a obtenu un million de signatures et depuis: rien. Ça ne peut pas durer comme ça".
Vos revendications portent notamment sur le futur "compte pénibilité". Pourquoi y êtes-vous opposé?
"Ce compte pénibilité est complètement absurde. Comment voulez-vous qu'on incite des gens à venir dans nos professions alors qu'on parle de pénibilité? La pénibilité n'existe pas. De même, la loi sur l'information aux salariés (qui prévoit que ceux-ci soient prévenus lorsque l'entreprise dans laquelle ils travaillent est mise en vente, NDLR), ce n'est pas mieux. Quand un salarié peut reprendre nos entreprises, nous en sommes très heureux. Le vrai problème ce n'est pas ça, c'est le financement, c'est la position des banques. Mais au-delà, la liste de nos revendications est longue: la formation des travailleurs non salariés, l'ouverture des hypermarchés le dimanche, etc… Que veut-on? Faire disparaître aujourd'hui cette économie de proximité? Ça fait des décennies que les gouvernements se succèdent, mais rien ne change".
Vous pointez également du doigt l'augmentation continue des prélèvements, couplée à une baisse de votre activité. Pourtant, le gouvernement a mis sur les tables des moyens, avec les 50 milliards d'euros du Pacte de responsabilité et les 20 milliards du CICE (Crédit d'impôt compétitivité emploi)…
"On a demandé la suppression des allocations familiales, qui a un effet direct sur la croissance, mais on nous a mis du CICE, dont les travailleurs non salariés ne peuvent pas bénéficier. Certaines de nos entreprises n'ont d'ailleurs pas encore pu le toucher puisque l'arrêt comptable des comptes s'étale sur l'année. Le CICE est d'une inefficacité totale, sauf peut-être pour certains… Ce dispositif et le Pacte de responsabilité n'ont pas d'effets immédiats et ajoutent de la complexité. Il faut de l'efficacité et de la confiance, mais c'est le contraire qui est fait. Il y a six entreprises qui disparaissent toutes les heures, et ça fait un moment que ça dure. Les gens n'en peuvent plus et sont prêts à descendre dans la rue".
Justement, l'UPA, votre syndicat, appel à la mobilisation cette semaine.
"Pour nous UPA, la première mobilisation d'aujourd'hui (lundi 1er décembre) est à Lille. Demain nous serons à Paris, après-demain à Lyon, puis Marseille, Toulouse, Niort, Nantes, Strasbourg… Sans compter les actions locales: les Bretons par exemple sont mobilisés aujourd'hui".
Quelles mesures réclamez-vous?
"Nos entreprises sont spécifiques, elles créent des emplois non délocalisables, elles forment des jeunes. Les décisions unilatérales prises par le gouvernement ne sont pas acceptables. On réclame d'être entendus et du dialogue. Par exemple, sur la gestion de la formation, on avait réclamé avec la CGPME qu'aucune des trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) ne soit majoritaire à elle seule. Résultat: dans les instances, l'UPA a eu un poste sur 10 seulement! Est-ce que ça veut dire que sur 500.000 jeunes en formation on ne doit en prendre que 50.000, alors que chaque année on en forme 300.000? Ce manque de confiance et de considération est intolérable".
Vous dites que les grandes entreprises sont trop aidées, comparées aux plus petites?
"Je ne comprends pas la stratégie. On veut ouvrir les hypermarchés le dimanche, alors que nous, commerces de proximité, employons trois fois plus de personnes à chiffre d'affaires égal. Veut-on tuer ce commerce de proximité? Il ne faut pas non plus oublier le rôle de lien social que joue cette économie".
L'UPA réclame-t-elle également, comme d'autres syndicats patronaux, la fin du CDI et l'autorisation de licencier sans motif?
"Bien sûr. Il faut donner de la souplesse, il faut faire un peu confiance. Dans l'économie de proximité, quand on se sépare de quelqu'un, ce n'est pas par plaisir. Selon le comité d'orientation à l'emploi, il y a entre 300.000 et 600.000 emplois non pourvus. Ces emplois, ils sont dans nos secteurs d'activité. Donc lorsqu'on se sépare de quelqu'un c'est véritablement parce qu'on ne peut pas faire autrement puisque nous manquons de compétences de professionnelles. Apportons un peu de souplesse, tout en conservant des garde-fous bien sûr, il ne faut pas tomber dans les extrêmes".
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