Attentats de Paris : malgré ses efforts, la France "n'était pas prête"
Il n'y a "pas eu de gros ratés" dans la gestion des attentats parisiens de 2015, mais la France n'était "pas prête" à affronter des attaques jihadistes de cette ampleur: le rapporteur et le président de la commission d'enquête parlementaire présentent mardi leurs principales conclusions.
"Notre pays n'était pas préparé, maintenant il faut se préparer", a déclaré à l'AFP le député Les Républicains Georges Fenech, qui a présidé la commission d'enquête sur "les moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015", jour de l'attaque contre Charlie Hebdo. Il prône notamment la refonte des services de renseignement autour d'une agence nationale.
Plus globalement, l'état d'urgence a eu une portée limitée et l'opération Sentinelle n'a pas prouvé son efficacité aux yeux des députés, estime le rapporteur, le député socialiste Sébastien Pietrasanta, qui s'interroge sur "l'efficacité réelle de ce dispositif dans la sécurisation du territoire national".
Le soir du 13 novembre, "l'intervention des forces d'intervention a été rapide, efficace et a démontré qu'elles étaient capables de collaborer", ajoute M. Pietrasanta qui s'interroge toutefois sur "le bien-fondé du maintien de plusieurs forces d'intervention spécialisées" et préconise, à terme, "la fusion des trois forces d'élite" (GIGN, Raid et BRI).
Même constat globalement positif sur l'intervention des secours, confrontés le 13 novembre aux attentats les plus meurtriers jamais perpétrés en France, avec 130 morts et des centaines de blessés.
Si M. Pietrasanta avoue avoir d'abord été "très critique" sur la prise en charge des victimes dans la salle de spectacles du Bataclan et aux terrasses de cafés et restaurants parisiens visés par les attaques, il dit avoir été "convaincu" par les auditions notamment du directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris Martin Hirsch.
"Les secours ont été gérés dans les meilleures conditions possibles suivant les circonstances", approuve aussi M. Fenech.
Le principal problème, selon la commission, a été l'évacuation des victimes, qui a pu être retardée par le fait que les secours d'urgence n'avaient pas accès au périmètre des forces d'intervention. Dans ses 39 propositions, qui devaient être formellement adoptées mardi matin, la commission préconise ainsi l'instauration de "colonnes d'extraction" des victimes.
Les recommandations s'attardent longuement sur les services de renseignement.
"Les deux grands patrons du renseignement ont reconnu pendant leurs auditions que les attentats de 2015 représentent un +échec global du renseignement+", révèle Sébastien Pietrasanta. "C'est un échec quand il y a un attentat", confirme Georges Fenech, "face au défi du terrorisme international, il faut des ambitions beaucoup plus élevées que ce qu'a mis en œuvre jusqu'à maintenant le ministère de l'Intérieur en termes de renseignement".
Toutefois, sur les menaces qui avaient visé le Bataclan ou, plus largement, "une salle de rock" par le passé, le rapporteur estime qu'il était impossible de faire le lien avec une éventuelle attaque de la salle de spectacles parisienne en 2015.
Selon les parlementaires, qui ont procédé à près de 200 heures d'auditions au cours des cinq derniers mois, la création d'une agence nationale du renseignement est nécessaire, pour une meilleure coordination.
"Les frontières entre services de renseignement ont permis la levée de la surveillance de Saïd Kouachi dès lors qu'il a quitté Paris pour Reims", donne en exemple M. Fenech. Saïd Kouachi a alors disparu des radars, pour ne réapparaître que le 7 janvier 2015 en attaquant Charlie Hebdo.
Le cas d'Amédy Coulibaly, tueur de l'Hyper Cacher en janvier 2015, est également emblématique des failles du renseignement, cette fois-ci pénitentiaire, domaine dans lequel "tout est à faire" a reconnu le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas lors de son audition.
Condamné plusieurs fois, notamment lors du procès d'un projet d'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l'un des auteurs des attentats de 1995, Coulibaly est sorti de prison sans que l'information ne soit transmise, ni qu'aucune surveillance ne soit prévue alors même que sa radicalisation ne faisait plus de doute.
Quant au cas de Samy Amimour, assaillant du Bataclan qui a pu aller en Syrie en 2013 malgré une interdiction de sortie du territoire, "il est emblématique des défaillances du contrôle judiciaire", estime Sébastien Pietrasanta. "L'ancien juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic, pendant son audition, nous a expliqué que trafiquants de shit et terroristes font l'objet du même traitement, les seconds n'étant pas plus surveillés que les autres", explique le rapporteur.
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