Essai clinique de Rennes : le produit et le manque de "bon sens" dénoncés par les experts

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 20 avril 2016 - 11:37
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Le laboratoire Biotrial.
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©Damien Meyer/AFP
Les experts pointent "un assez grand nombre d'erreurs", de "traductions erronées" et même d'omission dans la brochure du laboratoire Bial sur sa molécule.
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Un groupe d'experts a remis mardi son rapport sur l'essai clinique de Rennes qui a causé la mort d'un des participants et des séquelles cérébrales chez quatre autres. Si les règles ont été "globalement respectés", le rapport met clairement en cause la molécule du médicament testé et s'étonne de certaines décisions prises dans le cadre de l'essai clinique.

L'accident mortel survenu en janvier lors d'un essai clinique à Rennes est "clairement lié" à la toxicité de la molécule testée, ont confirmé mardi des experts dans leur rapport final, déplorant que le "bon sens" ait souvent été bafoué dans cette affaire.

Cet accident "inédit", qui a fait un mort parmi les volontaires, apparaît "clairement lié à la molécule testée", écrit ce groupe de spécialistes mis en place par l'Agence du médicament (ANSM). "L'hypothèse la plus vraisemblable retenue est celle d'une toxicité propre de la molécule".

Pour le Pr Bernard Bégaud, président de ce groupe experts qui a passé plus de 600 heures sur le dossier, "les règles semblent globalement avoir été respectées", mais celles de "bon sens" ont été bafouées à plusieurs reprises.

Dans cet essai, on a affaire à "une molécule moins efficace qu'un médicament" déjà commercialisé et "pas plus efficace que plusieurs molécules de la même famille qui avaient été abandonnées pour cause d'inefficacité", dit-il à l'AFP.

"D'où la première recommandation du rapport qui est au minimum de s'assurer qu'un médicament a une chance de servir à quelque chose", relève-t-il. "Justifier l'intérêt d'une molécule devrait être un préalable avant d'autoriser un essai".

Six volontaires sains participant à l'essai de Phase-1 de cette molécule au centre Biotrial à Rennes avaient été hospitalisés en janvier et l'un d'eux était décédé. Quatre des survivants présentaient des lésions cérébrales.

La molécule ("BIA 10-2474") du laboratoire portugais Bial avait principalement des visées antidouleur. Les experts estiment que sa toxicité a été facilitée par sa faible capacité à se fixer sur sa cible, l'enzyme FAAH. Ils évoquent aussi "une probable accumulation progressive au niveau cérébral" de la molécule, en raison des doses répétées de 50 mg données aux victimes.

Ils s'étonnent de l'"accélération peu compréhensible" de l'augmentation des doses. Le passage trop rapide de 20 à 50 mg chez les volontaires recevant des doses répétées "a vraisemblablement joué un rôle important dans l'accident", estiment les experts.Le rythme du test, mené "tambour battant" dans ses phases avancées, est "surprenant alors que le début de l'essai a été très prudent", remarque le Pr Bégaud.

Les experts, qui font une série de recommandations pour améliorer la sécurité des volontaires, préconisent ainsi d'espacer l'enchaînement des tests avec les différents groupes de volontaires, voire d'éviter d'exposer tous les sujets d'un groupe au même instant. Ils souhaitent aussi que les données utiles recueillies lors des étapes précédentes soient bien prises en compte pour poursuivre l'essai, ce qui n'a pas été le cas à Rennes.

Les experts pointent par ailleurs "un assez grand nombre d'erreurs", de "traductions erronées" et même d'omission dans la brochure du laboratoire Bial sur sa molécule. En particulier la disparition de la comparaison de son efficacité avec un médicament déjà disponible. Ce document est pourtant important pour les instances impliquées dans les essais comme les agences sanitaires, les centres d'essais...

Autre point: les antécédents médicaux repérés chez des volontaires (traumatisme crânien pour le volontaire décédé, hypertension pour un autre hospitalisé) auraient dû conduire à les écarter de l'essai mené par le centre Biotrial.

Les experts plaident donc pour une meilleure sélection des volontaires avant d'effectuer un premier essai chez l'Homme.

Pour des médicaments visant le cerveau, la sélection des volontaires sains devrait impérativement comprendre une évaluation neuropsychologique, selon eux. "La gravité de l'accident de Rennes justifie que la réglementation et les bonnes pratiques internationales" concernant les premiers essais sur l'homme "évoluent", notent-ils.

Ils souhaitent aussi que les données sur les essais de phase 1 sur l'homme deviennent publiques. Ce qui n'est pas le cas actuellement pour des raisons de propriété industrielle.

Après la publication de ce rapport, le laboratoire Bial s'est félicité que les experts n'aient "identifié aucun non respect des recommandations et règles actuelles". L'avocat de la famille du patient décédé, Me Jean-Christophe Coubris, a jugé pour sa part que ces conclusions, "sans surprise", n'apportaient "rien de nouveau sur les circonstances" du décès.

 

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