Rennes : les agriculteurs bretons ne veulent "rien lâcher"
Depuis un mois, Bruno, jeune agriculteur des Côtes-d'Armor est de tous les barrages, de toutes les actions, alors il est venu mercredi 17 février occuper le périphérique de Rennes, même s'il dit ne "plus attendre grand-chose des politiques" pour résoudre la crise de l'élevage. Avec les collègues de son département, ce producteur de lait a garé son tracteur à une des entrées de la voie rapide qui, malgré la présence de dizaines de tracteurs, de remorques et de bétaillères, semble étrangement vide.
"On ne lâchera rien", assure-t-il, même s'il exprime des doutes sur le résultat de cette nouvelle démonstration de force des agriculteurs et des annonces du Premier ministre, Manuel Valls, dans l'après-midi au Parlement. En milieu de journée, l'ambiance est bon enfant, même si, bravant l'interdit du préfet, environ plusieurs centaines de ses collègues, dont 60 au volant de leurs tracteurs, ont décidé d'entrer dans la ville pour aller se positionner aux abords de la préfecture.
Entre les engins agricoles, drapeaux bretons au vent, on a sorti les tréteaux pour prendre l'apéritif et déjeuner sur le pouce. Des manifestants improvisent des barbecues dans les pelles des tracteurs, ou des braseros pour atténuer la froideur du vent. Les bonnets rouges portés par de nombreux manifestants et les pancartes aux slogans vengeurs rappellent toutefois que la révolte est toujours bien là.
Avec ses cibles favorites: l'Europe, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, les centrales d'achat et les grandes et moyennes surfaces (GMS) qualifiées de "grosses machines à sous". "Le Foll, remonte ton froc devant l'Europe, Lactalis, Bigard, Leclerc etc", proclame l'un des calicots, tandis qu'un autre affiche "Tous les jours, je ramasse le bidon: Leclerc et ses copains ramassent le pognon".
Un peu plus loin sur le périphérique, une remorque chargée de terre et de pneus est couverte de slogans, comme "Ras-le-bol de produire de la qualité non rémunérée, il faut que ça change". Tous, à l'instar d'Olivier, producteur de lait à Tinténiac (Ille-et-Vilaine), attendent que "les choses évoluent enfin", car "les gens sont à bout".
Depuis le début des manifestations, avant l'été, les revendications et griefs n'ont pas changé: des prix rémunérateurs pour permettre aux exploitations de vivre, les distorsions de concurrence à l'échelle européenne, le rôle des transformateurs et des GMS qui imposent des prix trop bas, les normes trop tatillonnes et les charges trop élevées.
"Cela fait un an qu'on attend des réponses autres que les baisses de charges qui ne servent à rien, car pour avoir des charges il faut avoir des revenus", lance un entrepreneur de travaux agricoles venu du Finistère en voiture. "On attend que ça évolue, mais les lignes n'ont pas beaucoup bougé depuis l'été", renchérit Ludovic, lui aussi producteur de lait, qui n'a pas "le sentiment d'être super soutenu par le ministre de l'Agriculture".
Mais s'il attend "que l'Etat prenne ses responsabilités face à l'absence de volonté de tous les pays européens de résoudre la crise", il reconnaît que c'est "toute la profession qui doit se réorganiser" en se dotant des outils lui permettant de faire face à la libéralisation des marchés. "Je crois que l'agriculture française va disparaître", n'hésite pas à pronostiquer Bruno. "Nos manifestations, c'est plus du désespoir que de la colère", ajoute-t-il témoignant du profond désarroi d'une bonne partie de la profession.
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