États-Unis : La Cour suprême accepte un appel de Meta pour éviter un procès lié au scandale de Cambridge Analytica
Les procès et les enquêtes pleuvent sur Meta. Aux États-Unis, la maison mère de Facebook tente d’échapper à un procès pour fraude sur valeurs mobilières, lié au scandale de Cambridge Analytica qui a éclaté en 2018, entraînant la chute des actions du réseau social dans la foulée. La Cour suprême a accepté lundi 10 juin 2024 d’examiner une demande de la firme de Menlo Park, visant à annuler une action en justice intentée par des actionnaires en Californie. En attendant la prochaine session de la Cour suprême, le géant du web, dirigé par le sulfureux Mark Zuckerberg, doit faire face à une autre accusation, cette fois-ci liée à la publicité frauduleuse.
Le scandale de Cambridge Analytica, du nom de la société britannique éponyme, est considéré comme l’un des scandales de fuite de données les plus importants de l’Histoire. Les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs du réseau social Facebook, récupérées par un chercheur américain à travers un quizz de personnalité sur la plateforme, ont été exploitées par Cambridge Analytica à partir de 2014 pour influencer les campagnes électorales de Donald Trump aux USA ou encore celle du Brexit.
Meta a déjà versé 5,72 milliards de dollars
C’est un ancien directeur de recherche de la société britannique, Christopher Wylie, devenu lanceur d’alerte, qui dévoile en 2018 les coulisses de cette exploitation, entraînant la faillite de son ancien employeur. Facebook, devenu une filiale du groupe Meta, acceptera, sans jamais admettre avoir commis d'infraction, de payer 725 millions de dollars pour mettre fin à une action judiciaire collective, et 5 milliards de dollars aux autorités américaines.
Le groupe californien n’est pas sorti d’affaire puisque des sommes tout aussi importantes devraient sans doute être dépensées une nouvelle fois dans cette affaire, que ce soit après une condamnation ou un arrangement. Dans la foulée des révélations de Christopher Wylie, la valeur des titres boursiers de Meta a chuté. Des actionnaires ont alors décidé la même année de mener un recours collectif.
Les plaignants reprochant deux choses à Meta : la violation du Securities Exchange Act à travers des déclarations fausses et trompeuses, niant le risque que les données des utilisateurs puissent être compromises. Facebook était au courant depuis 2015 déjà que la société britannique violait ses politiques de confidentialité.
La plainte a été amendée pour inclure la baisse des valeurs boursières du groupe et réclamer des dommages et intérêts non spécifiés. Rejetée en 2021 par un juge de district, la requête des plaignants a été rétablie par une cour d’appel de San Francisco. "Le problème est que Facebook a présenté le risque de divulgation des données de ses utilisateurs comme purement hypothétique alors que ce risque s'était déjà matérialisé", justifiait l’un des juges.
La maison mère de WhatsApp et Instagram a alors introduit un appel, exhortant les juges à l’examiner. Lundi, la Cour suprême des États-Unis a accepté d’examiner l'offre de Meta. L’affaire sera entendue en octobre, c’est-à-dire lors de la prochaine session de la plus haute juridiction américaine.
Publicités frauduleuses, trafic d’êtres humains, de médicaments…
En attendant, Meta doit faire face à d’autres accusations. Il est question de violation de ses propres conditions d’utilisation, liée à des publicités frauduleuses. Les plaignants sont deux utilisateurs ayant acheté des produits annoncés sur le réseau social et s'étant fait arnaquer. Ils reprochent à Facebook de s’enrichir en diffusant des publicités payantes de fraudeurs, tout en négligeant leurs engagements contractuels, à savoir “prendre les mesures appropriées” si les modérateurs étaient informés d’un comportement frauduleux.
Tout comme la plainte des actionnaires, celle-ci a d’abord été rejetée par un tribunal, estimant que la plainte était exclue de l’article 230 du Communications Decency Act. Celui-ci énonce que le fournisseur “d’un service informatique interactif” n’est pas responsable des “informations fournies par un autre fournisseur” s’il n’en est pas “éditeur ou l’orateur”.
La cour d’appel fédérale, la même qui a rétabli la plainte des actionnaires, a “refait le coup”. “Les tribunaux ont interprété l’article 230 comme exonérant entièrement les sociétés d’Internet de toute responsabilité. Nous avons toutefois affirmé à plusieurs reprises que cette immunité n’était pas illimitée”, note la cour dans une décision, citant l’affaire de Barnes contre Yahoo!.
“Cela dit, les tribunaux de district ont eu du mal à déterminer les limites extérieures de l’immunité prévue à l’article 230, en partie parce que notre propre jurisprudence a donné des résultats mitigés quant à l’application de cette immunité (...) Nous le clarifions aujourd’hui”.
Le juge a rétabli la plainte car, en premier lieu, Meta "n'a pas réussi à démontrer que ledit article s'appliquait aux réclamations des plaignants liées au contrat, car ces réclamations ne 'cherchent pas à traiter [Meta] comme un éditeur ou un orateur (...) Dans la mesure où Meta a manifesté son intention d'être légalement obligé de “prendre les mesures appropriées” pour lutter contre les publicités frauduleuses, elle est devenue liée par une obligation contractuelle distincte de son statut d'éditeur”, explique-t-on. La firme de Menlo Park est bien responsable, et cette responsabilité “découle de sa promesse de modérer les publicités de tiers”, qui n’est pas liée à son statut d’éditeur, insiste la juridiction fédérale.
Facebook et sa maison mère n’en sont pas à leurs premières plaintes, accusations et procès. Déjà critiqué pour l’implication de ses plateformes dans le trafic d’êtres humains, le groupe est soupçonné par l’État de Virginie d'avoir facilité le trafic illicite de médicaments, c’est-à-dire la promotion et la vente illégale de médicaments, dont des opiacés, à l’origine de centaines de milliers de morts aux États Unis. Les Procureurs généraux de cet État de l’Est américain ont réclamé en mars dernier des archives auprès de la multinationale, qui s’était défendue en affirmant “tout mettre en œuvre pour retirer ces contenus”.
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