Des pays déjà lancés dans la vaccination des enfants, malgré un sérieux manque d'arguments
Le 22 septembre 2021, le laboratoire Pfizer-BioNTech a terminé une étude sur la vaccination des enfants de cinq à onze ans. Cette étude a été effectuée sur 2 268 enfants qui ont reçu deux doses de dix microgrammes, soit le tiers de ce qui est administré aux adultes et aux adolescents.
Dans un communiqué commun, les responsables du programme chez Pfizer et BioNTech ont déclaré : « Chez les participants âgés de 5 à 11 ans, le vaccin est sûr, bien toléré et présente une réponse robuste des anticorps neutralisants ».
Si les résultats annoncés par les intéressés n’ont pas été rendus publics, il n’ont pas non plus fait l’objet de publication dans une revue médicale, ni été examinés par des pairs.
Le géant pharmaceutique qui a également mené des essais aux États-Unis, en Finlande, en Pologne et en Espagne sur les enfants de 6 mois à 11 ans, prévoit de publier de nouveaux résultats d’ici peu.
Pourtant, certains pays n’ont pas attendu la fin des études pour commencer des programmes de vaccination à de très jeunes enfants. Avec 98 % de sa population adulte vaccinée, le Cambodge vient de débuter la vaccination des enfants dès l’âge de 6 ans avec le vaccin chinois Sinovac. De son côté, la Chine l’a déjà injecté à des millions de jeunes, appliquant son programme dès l’âge de trois ans. Depuis août dernier, Israël vaccine les 5-11 ans à risque tandis que Cuba - en proie à une épidémie qui menace le système de santé, a étendu le vaccin aux plus jeunes, dès l’âge de 2 ans.
L’Organisation mondiale de la Santé divisée sur le sujet
Le patron de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) semble bien seul aujourd’hui sur cette question. À l’heure où l’ensemble du monde s’engage dans la vaccination des adolescents et même des enfants, Tedros Gebreyesus, toujours farouchement opposé à la vaccination pour cette tranche d'âge, a fait valoir un point de vue différent. Rappelant que les jeunes sont beaucoup moins à risque, puisqu’ils ne développent pas de formes graves de la maladie, il estime que ces doses doivent plutôt être destinées au continent africain, dont la population vaccinée atteint à peine les 2 %.
Hélas, son appel ne semble pas avoir fait l’unanimité, puisqu’au sein de l’organisation, des voix divergentes s’élèvent contre cette position. En effet, le directeur Europe de l’organisation Hans Kluge estime que « chacun a le droit d'être vacciné contre le Covid-19. En ce qui concerne les enfants, nous devons maintenir les écoles ouvertes. Donc, si on prend le contexte européen, et si les vaccins sont disponibles, alors oui, les adolescents doivent être vaccinés. Parce que sinon, à cause du variant Delta, nous nous exposons à bien d'autres difficultés ».
La situation en France
L’Agence Européenne des Médicaments (AEM) a autorisé l’utilisation des vaccins conçus avec la technologie à ARN messager (Pfizer-BioNTech ou Moderna) pour les enfants et adolescents de 12 ans à 17 ans depuis quelques mois déjà. La France qui s'est engagée dans cette voie depuis le 12 juin 2021 ne compte pas s’arrêter là.
Lors de son déplacement à Marseille au début du mois, Emmanuel Macron, qui visitait une école du 13ème arrondissement de la cité phocéenne, s’est exprimé sur le sujet. Répondant aux questions de plusieurs élèves qui le questionnaient sur la vaccination des enfants, il a déclaré : “Des pays l’ont ouvert aux moins de douze ans, mais nous on suit les spécialistes, les gens qui savent, et pour le moment on continue sur les plus de douze ans. Et puis il y a des gens qui s’inquiètent, il faut écouter tout ça.” Et d’ajouter : “Dès que les scientifiques nous dirons ‘on l’ouvre aux plus jeunes’, on le fera”.
Donc, si la vaccination n’est pas encore ouverte aux moins de douze ans, l’Académie de médecine avait fait connaître sa position dès le printemps dernier en publiant un communiqué dans lequel elle réclamait une obligation de vaccination également pour les enfants. Selon l’Académie, "l'extension de la vaccination contre le SARS-CoV-2 aux adolescents et aux enfants doit être envisagée dès que les protocoles vaccinaux seront homologués dans ces tranches d'âge". Selon cette institution, l’obligation vaccinale ayant été mise en place en d’autres temps pour d’autres vaccins, il n’y aurait aucune raison de ne pas faire la même chose avec le vaccins contre le SARS-CoV-2 :
"Cette mesure a été appliquée en France pour la variole (1902-1984), la diphtérie (1938), le tétanos (1940), la tuberculose (1950-2007), la poliomyélite (1964), et étendue en 2017 pour onze vaccins du nourrisson. Elle s'impose dans tous les cas où une vaccination efficace permet d'éliminer une maladie répandue, sévère et souvent mortelle. Avec un taux d'efficacité de 90 à 95 % contre les formes graves de la Covid-19, les vaccins actuellement homologués en France contre le SARS-CoV-2 remplissent les conditions qui permettent de recourir à l'obligation vaccinale face à une épidémie redoutable, en particulier socialement, que les mesures individuelles (gestes barrière) et collectives (couvre-feu, confinement) sont incapables de contrôler dans la durée."
L'argumentation semble légère. Ne dit-on pas "comparaison n’est pas raison" ? D’abord, les vaccins qui ont été rendus obligatoires par le passé avaient été éprouvés pendant de longues années. Ils n’ont pas été rendus obligatoire immédiatement après leur invention. Ce n’est que des années plus tard, après que les autorités sanitaires s’étaient assurées que le bénéfice l’emportait sur le risque, que l’obligation avait été mise en place.
L’avis argumenté du professeur Jean-Marc Sabatier
Heureusement, au milieu de ce faible argumentiare, quelques voix différentes ont tenté de se faire entendre. Parmi elles, celle de Jean-Marc Sabatier, docteur en biologie cellulaire et microbiologie, également directeur de recherches au CNRS, affilié à l’Institut de neuro-physio-pathologie de l’université d’Aix-Marseille.
Interrogé par infodujour.fr, le chercheur a apporté des explications biologiques argumentées sur la vaccination des jeunes sujets. Selon lui, à l’exception des cas particuliers de comorbidités, les enfants et les adolescents sont peu sensibles à une infection grave par SARS-CoV-2, contrairement aux adultes. Au 22 juillet 2021, on recensait 4,13 millions d’enfants ayant contractés le virus par la Covid-19. Selon le CDC (Centre pour le contrôle et la prévention des maladies américain), le nombre d’enfants décédés de la Covid-19 serait de 335 en date du 20 juillet 2021.
Cette faible sensibilité des enfants ou des adolescents au virus a plusieurs explications. Les coronavirus associés aux rhumes courants chez les enfants offrent une certaine protection, en fonction de l’immunité humorale et de l’immunité des lymphocytes T à réaction croisée entre les coronavirus courants et le SARS-CoV-2. L’autre raison tient au système hormonal/physiologique complexe, très différent de celui des adultes. Appelé système rénine-angiotensine (SRA), on le retrouve dans de nombreux tissus et organes tels que le cœur, les intestins, les poumons, les reins, le cerveau, le système vasculaire, la peau etc. Son bon fonctionnement est capital puisque dans le cas contraire, c’est lui qui est ciblé par le virus SARS-CoV-2, en permettant au virus ou à la protéine Spike de se fixer sur le récepteur ACE2.
Or, ce système est très différent chez les jeunes, qui sont très protégés des formes du SARS-CoV-2 par « la mobilisation du granulocyte éosinophile », mobilisation qui n’existe pas chez l’adulte. Les jeunes bénéficient également d’un « tissu lymphatique protecteur associé aux bronches qui favorise l’immunité anti-microbienne par élimination des agents pathogène ».
Tout cela combiné contribue à faire baisser la production de cytokines, responsable d’une évolution vers les formes graves. Or, l’orage cytokinique tant redouté chez les adultes n’existe pas chez les enfants. Bien sûr, il existe toujours quelques exceptions de jeunes personnes présentant des commorbidités, mais la létalité est quasiment nulle pour cette tranche d’âge.
La vaccination des enfants est-elle essentielle ?
Pour répondre à cette question, le professeur Sabatier prend en considération tous les facteurs qui pourraient jouer en faveur ou en défaveur d’une vaccination chez les plus jeunes. Au-delà du système de protection propre au système immunitaire détaillé ci-dessus, l’autre élément à prendre en considération est la transmission. Or, des études récentes ont montré que la vaccination ne permet pas de bloquer la transmission du virus à d’autres individus. Par conséquent, l’élément altruiste qui veut qu’on se vaccine également pour les autres ne peut être invoqué.
Enfin, le dernier élément d’importance reste les dangers d’une vaccination sur laquelle il n’y a aucun recul quant aux effets secondaires, qui peuvent subvenir à plus ou moins long terme.
Pour toutes ces raisons, le professeur Sabatier pense qu’il n’est pas souhaitable d’inclure les enfants et les adolescents dans une stratégie vaccinale dont le rapport bénéfice/risque n’est pas favorable à cette tranche d’âge.
Voir aussi : Faire vacciner les enfants, vraiment ?
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