Insémination post-mortem : la justice autorise l'exportation du sperme d'un mort
Après la décision du Conseil d'Etat d'autoriser le transfert de sperme par une veuve espagnole, la justice a pour la première fois accédé à la demande d'une Française qui souhaite voir exportés les gamètes de son mari en vue d'une insémination post-mortem.
La requérante, âgée de moins de 30 ans, a perdu son mari, décédé d'un cancer en janvier 2016, puis son enfant in utero à quelques jours du terme. Elle demandait l'exportation de gamètes congelés au Cecos (Centre d'étude et de conservation des ovocytes et du sperme humain) du CHU de Rennes, afin de pouvoir procéder à une insémination post-mortem à l'étranger, cette pratique étant interdite en France.
"Des circonstances exceptionnelles justifient qu'il soit enjoint au centre hospitalier régional universitaire de Rennes de prendre toutes les mesures utiles afin de permettre l'exportation, dans un établissement européen acceptant de procéder à une insémination post-mortem, des gamètes d'un époux décédé", a déclaré le tribunal administratif dans un communiqué de presse. L'ordonnance définitive ne sera cependant pas diffusée avant la semaine prochaine, a précisé le tribunal.
"Depuis la réforme des lois de bioéthique qui interdit l'insémination post-mortem, c'est la première décision positive qui intervient pour un couple franco-français", a déclaré à l'AFP l'avocat de la requérante, Me David Simhon, du cabinet Galien Affaires, spécialisé en droit de la santé.
En France, le code de la santé publique interdit l'insémination post-mortem et l'exportation des gamètes. Mais le juge administratif a estimé que "les circonstances très particulières que représentent pour la requérante le décès de son époux puis celui de leur enfant au terme de sa grossesse constituent, dans la présente affaire, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa décision et de celle de son défunt époux de devenir parents", explique le communiqué de presse.
Ces circonstances justifient "que soit écartée l'interdiction de la procréation médicalement assistée post-mortem et le transfert des gamètes à cette fin", a statué le juge.
Le 31 mai, le Conseil d'Etat avait également autorisé le transfert de sperme à l'étranger réclamé par une veuve espagnole en raison de la "situation exceptionnelle" de cette dernière, sans toutefois remettre en cause l'interdiction de l'insémination post-mortem en France. Il avait jugé que le refus du transfert était "une atteinte manifestement excessive au droit au respect de la vie privée et familiale" de la requérante, s'appuyant sur l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme sur le "droit au respect de la vie privée et familiale".
Maître Simhon, qui était également l'avocat de la jeune Espagnole, a qualifié de "bonne" la décision du tribunal de Rennes. "Ce qui est important, c'est la prise en compte des situations particulières, c'est l'analyse casuistique qu'a été amenée à faire le tribunal dans ce dossier", a-t-il expliqué.
La décision du Conseil d'Etat a permis selon lui "une analyse casuistique des situations pour autoriser une exception dans les cas les plus dramatiques où la loi française porterait une atteinte disproportionnée au droit de la personne".
Il juge même que la décision de Rennes constitue "une ouverture beaucoup plus importante" que le cas décidé par le Conseil d'Etat, dans la mesure où "il l'a fait pour un couple franco-français en ouvrant encore davantage les possibilités de pouvoir obtenir un transfert d'insémination post-mortem".
Le tribunal administratif de Toulouse doit par ailleurs rendre jeudi sa décision sur la requête d'une veuve réclamant la restitution, cette fois à des fins "de conservation" et non d'insémination, du sperme de son mari décédé en 2014.
En 2010, la cour d'appel de Rennes avait rejeté la demande d'une veuve souhaitant récupérer les gamètes de son mari décédé, estimant que "le sperme conservé ne pouvait être utilisé que pour le patient présent et consentant".
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