De Juniac quitte Air France et réclame d'en "finir avec la culture du bouc-émissaire"
Il dit s'envoler pour un nouveau défi, et non abandonner le poste de commandes en pleines turbulences. Le départ, annoncé mardi 5 par un communiqué de la compagnie, du PDG d'Air France Alexandre de Juniac pose de nombreuses questions, alors que le leader aérien français traverse une grave crise sociale, sur fond de bras de fer avec les pilotes.
"Avec les 100.000 salariés que j'ai eu l'honneur de présider, on a fait des progrès énormes. Quand je suis arrivé, il y avait des pertes considérables. On avait perdu pied et on avait régressé. Mais on a remis la compagnie dans le vert, on l'a désendettée. Il y a énormément de choses à faire pour l'avenir", a préféré souligner le partant, mercredi 6 sur RTL.
Un dernier point en forme d'euphémisme car la compagnie, redevenue bénéficiaire grâce à l'action de son PDG comme à la chute brutale des coûts de carburants, vole en pleine tempête. Le plan "Perform 2020", successeur d'un "Transform 2015" synonyme de baisse massive des coûts (notamment via une réduction drastique de la masse salariale), a ainsi entraîné un conflit très dur avec les syndicats de salariés de la maison Air France, dont le tristement célèbre épisode de la chemise arrachée du DRH Xavier Broseta n'est qu'un symbole.
S'il se dit "pas mécontent de pouvoir transmettre à mon successeur une entreprise qui gagne de l’argent", dans Les Echos, Alexandre de Juniac concède également qu'il "reste un gros boulot à faire" pour son successeur pas encore désigné officiellement. Dans son viseur, les négociations sur "le moyen d’améliorer (la) performance" du groupe qui "ont abouti chez KLM et avec les personnels au sol d’Air France, mais malheureusement pas avec les pilotes et les hôtesses et stewards d’Air France". Un euphémisme quant on sait que les quelque 3.300 officiers pilotes et commandants de bord de la compagnie, sur environ 90.000 salariés, représentent 25% de la masse salariale...
Alexandre de Juniac, dont les relations étaient notoirement tendues avec les syndicats de pilotes, aurait-il été poussé vers la sortie afin de faciliter l'avancée des négociations? Le partant, futur directeur général de l'Association du transport aérien international (IATA), ne répond pas, mais avance que "si (son) départ peut permettre d’aboutir à un accord demain, (il) en serai(t) le premier content pour l’entreprise".
Il préfère à l'inverse désigner un responsable: une présumée "culture du bouc-émissaire", avec laquelle il faudrait "en finir". "L’avenir d’Air France repose sur nos épaules à tous, ainsi que sur celles des représentants des navigants qui doivent prendre leurs responsabilités, au lieu d’accuser de tous nos maux l’extérieur, la concurrence, les gouvernements, le président de l’entreprise…", dénonce-t-il ainsi. Tout en saluant à l'inverse le "soutien sans faille" de l'exécutif en général, et du Premier ministre en particulier. Puis de conclure: "Que faut-il pour montrer mon attachement à ce secteur? La contemplation béate d’un passé révolu ou la volonté de se transformer pour relever les défis de demain? Je sais bien que dans toutes les grandes compagnies, les pilotes ont un poids considérable. Et c’est justement pour cela que je me suis escrimé à essayer de les convaincre". Son successeur, dont il espère que la candidature pourra être examinée dès l'assemblée générale du 19 mai prochain, sait désormais ce qui l'attend.
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