Violences faites aux femmes : les entreprises ont un rôle à jouer
Les entreprises confrontées à des situations de violences conjugales ne savent pas toujours comment réagir face à un sujet complexe et souvent tabou, qui peut se manifester par une salariée qui dort dans sa voiture ou demande sa mutation.
"Nous souhaitons mettre en lumière une problématique invisible", indique à l'AFP Simon Miclet, de la Fondation Agir contre l'exclusion (Face), qui présente ce lundi 4 un guide de bonnes pratiques en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, destiné aux entreprises. "L'objectif est de montrer qu'il est possible d'agir sur cette thématique complexe, voire taboue", explique-t-il.
La fondation, qui rassemble plus de 5.000 entreprises, a coordonné ce projet européen aux côtés de partenaires français, belges, espagnols, bulgares et grecs. Le guide a été rédigé sur la base d'études nationales menées entre février et juin 2015, auprès d'acteurs impliqués dans la lutte contre les violences (150 entreprises interrogées dans cinq pays).
En France, peu d'entreprises sont engagées dans cette cause, même si plus de 200.000 femmes sont victimes de violences conjugales chaque année, parmi lesquelles un grand nombre de salariées. Le premier frein identifié par l'étude française est lié au fait que cette problématique relève de la sphère privée.
Les employeurs ne se sentent pas légitimes pour lutter contre un phénomène qui intervient en dehors du lieu de travail, et les femmes victimes peuvent être réticentes à l'évoquer, craignant "que leur situation soit identifiée à de la vulnérabilité, d'être mises à l'écart", selon l'étude.
Le phénomène est donc difficile à détecter. Dans plusieurs entreprises impliquées et citées dans l'étude, comme le groupe d'emballage Raja, les victimes ont été repérées parce qu'elles n'avaient plus de logement. "Une des femmes dormait dans sa voiture".
"C'est souvent au détour d'une demande de logement que la femme se confie à l'assistante sociale", selon PSA Peugeot Citroën. Une demande de mutation peut être un indice, mais pas forcément l'absentéisme. Pour une victime de violences conjugales, le lieu de travail peut être "un refuge".
Ses interlocuteurs dans l'entreprise peuvent aussi être les partenaires sociaux ou la médecine du travail. "Si elle ne peut se substituer aux associations pour assurer la prise en charge des victimes, l'entreprise peut et doit être capable de les soutenir et de les orienter vers des organismes dédiés", estime dans le guide François-Henri Pinault, PDG du groupe de luxe Kering, qui a créé une fondation de lutte contre les violences faites aux femmes.
Cette dernière a mis au point, en partenariat avec la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), une mallette de formation à destination des employeurs. Certaines entreprises se sont impliquées à la suite de décès qui ont provoqué une prise de conscience collective, ou après avoir été sensibilisées par des collaborateurs ou des associations.
Elles peuvent relayer des campagnes d'information, mener des formations pour déconstruire les stéréotypes, soutenir des associations, faciliter l'accès au logement des femmes victimes pour les aider à échapper à l'emprise de leur agresseur... Chez PSA et Orange, la lutte contre les violences faites aux femmes a été institutionnalisée dans les accords d'entreprise.
"L'immense majorité des femmes victimes de violences ne sont ni reconnues ni protégées. Trouver sur leur lieu de travail une solidarité, des informations et une orientation peut leur être très utile", souligne la psychiatre Muriel Salmona, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie.
Aider une victime à garder son emploi, moyen d'autonomie, est également important car un conjoint, "engagé dans une stratégie de soumission totale, cherchera par tous les moyens à l'empêcher de travailler".
Prendre conscience du coût des violences peut encourager les entreprises à s'engager. Car "les violences ont un énorme impact sur la santé des femmes, donc elles génèrent de nombreux arrêts de travail et augmentent le risque d'accidents du travail", relève le Dr Salmona.
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