Un policier jugé pour des faits rappelant "l'affaire Théo"
Le dossier a pris une nouvelle tournure depuis l'"affaire Théo": un policier municipal accusé d'avoir blessé un jeune homme avec sa matraque en 2015 risque la cour d'assises pour viol, a jugé lundi le tribunal de Bobigny contre l'avis du parquet.
Le tribunal devait rendre son jugement dans l'affaire de ce fonctionnaire de 33 ans, poursuivi pour des "violences volontaires aggravées" par l'usage d'une arme et sa fonction, en marge d'une interpellation à Drancy (Seine-Saint-Denis) en octobre 2015.
Lors du procès à la mi-janvier, le parquet avait requis contre lui six mois de prison avec sursis et une interdiction professionnelle d'un an, estimant que si les violences étaient avérées, l'intention sexuelle n'était pas caractérisée.
Mais à l'ouverture de cette audience très médiatique, la présidente de la 14e chambre du tribunal correctionnel a redonné lecture des certificats médicaux de la victime établissant, clairement selon elle, qu'il y avait eu "pénétration anale".
Comme le réclamait la défense, le tribunal s'est donc déclaré incompétent pour juger des faits qui sont "de nature à entraîner une requalification criminelle".
"J'attends qu'il soit puni pour le mal qu'il a fait", a lancé Alexandre, la victime âgée de 29 ans, qui souffre toujours de séquelles physiques et psychologiques.
Joint par l'AFP, l'avocat du policier, Me Florent Hauchecorne, a annoncé son intention de faire appel, fustigeant une décision prise "sous la pression indirecte de +l'affaire Théo+ et des graves troubles à l'ordre public qui ont eu lieu entre le procès et le délibéré, y compris devant le tribunal de Bobigny le 11 février dernier".
Le parquet devrait logiquement faire de même et c'est la cour d'appel de Paris qui devra statuer sur le caractère ou non criminel des faits.
Si le chef de viol est retenu, le fonctionnaire risque une mise en examen par un juge d'instruction avant un éventuel renvoi devant une cour d'assises.
- 'Tu te rappelleras de nous' -
Cette décision intervient dans un contexte marqué par "l'affaire Théo".
L'interpellation brutale de ce jeune Noir de 22 ans, début février à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), a débouché sur la mise en examen d'un policier, soupçonné de viol au moyen d'une matraque. L'affaire a déclenché plusieurs nuits de violences en banlieue parisienne et une manifestation de soutien avait dégénéré, le 11 février sous les fenêtres du tribunal de Bobigny, en de multiples dégradations.
L'histoire d'Alexandre remonte au 29 octobre 2015. Ce soir-là, il avait été interpellé en état d'ébriété au pied de son immeuble et conduit au commissariat de Drancy. Les choses avaient mal tourné quand les policiers avaient voulu le faire monter à bord de leur véhicule pour le conduire au commissariat de Bobigny, la ville voisine.
Voyant que la banquette arrière du véhicule était repliée, l'interpellé s'était rebellé et c'est alors que le policier, en exerçant des pressions avec sa matraque pour le forcer à monter à bord, l'avait blessé au niveau de l'anus.
Selon le récit de la victime, un des agents avait alors déclaré: "Plus jamais tu ne parleras comme ça à la police municipale, tu te rappelleras de nous."
Trois fonctionnaires avaient été placés en garde à vue mais un seul - celui dont la matraque portait l'empreinte ADN de la victime - avait été renvoyé devant le tribunal.
Lors du procès, la victime avait raconté avoir "hurlé" et "pleuré" de douleur mais le prévenu avait assuré ne s'être rendu compte de rien sur le moment.
Il avait justifié les coups portés par la résistance que lui opposait la victime mais n'avait pu expliquer comment elle avait pu être blessée de cette manière.
"En attendant un nouveau jugement (...), ce fonctionnaire continuera d'être suspendu de toute activité sur voie publique ou en lien avec les citoyens", a fait savoir la mairie de Drancy. "S'il venait à être reconnu coupable, une décision de révocation serait prise", a ajouté la municipalité dirigée par Jean-Christophe Lagarde (UDI).
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