"Et si l’effondrement avait déjà eu lieu ? L'étrange défaite de nos croyances", avec Roland Gori
Marseille, épisode 6 : les discours sur l’effondrement sont légion depuis plus de 30 ans. Tenus par ceux que l’on a coutume de nommer les penseurs « collapsologues », ces thèses qui nous annoncent les catastrophes à venir ne sont-elles pas la résultante d’un effondrement culturel et spirituel qui a déjà eu lieu, que nous connaissons, mais dont nous n'avons pas intégré la dimension ou la substance ?
C’est sur ce concept, cette notion d’effondrement et ses conséquences que le professeur de pyschopathologie et psychanalyste Roland Gori, auteur de l'ouvrage Et si l'effondrement avait déjà eu lieu, l'étrange défaite de nos croyances (éditions Les liens qui libèrent), dont il avait achevé l'écriture avant l'irruption du covid dans nos vies, nous invite à repenser dans cet "Entretien essentiel".
L’anthropocène accompagne toujours les grandes catastrophes
Dans l’histoire de l’humanité, la plupart des grandes catastrophes sont accompagnées de facteurs environnementaux, qu’il s’agisse d’un problème climatique (irruption d’une ère glaciaire, réchauffement climatique, sècheresse) ou de l’émergence de bacilles comme celui de la peste noire ou de virus comme le coronavirus présent depuis fin 2019.
En travaillant l’histoire des effondrements des civilisation, Roland Gori constate que l’érosion des sols ou la déforestation sont des phénomènes importants dans la propagation des virus. Gagner des terres pour les rendre cultivable, c’est rapprocher les animaux domestiques des animaux sauvages qui sont des réservoirs à bactéries et à virus, et prendre ainsi le risque de grandes épidémies.
La rencontre entre les facteurs environnementaux et l’organisation sociale
Dans son œuvre majeure L’étrange défaite, l’historien Marc Bloch montre que les Français n’ont pas été battus parce que les Allemands étaient plus puissants, mais parce que les français avaient une guerre de retard dans la préparation de l’État-Major.
S’appuyant sur la pensée de Marc Bloch, Roland Gori revient sur cet état d’impréparation qui est souvent la cause des effondrements. La catastrophe du Sars CoV-2 est selon lui autant imputable à la mauvaise gestion de l’épidémie qu’au virus. En effet, les années qui ont précédé la crise sanitaire ont été marquées par des conduites inconséquentes. "Étrange défaite" de la France, qui pour faire des économies de quelques millions, a fait le choix de délocaliser ses usines de masques, de réactifs ou de respirateurs. Des choix économiques qui l’ont rendue dépendante de pays qui, au moment de la crise, ont retrouvé des préoccupations nationales, faisant passer les intérêts de leurs populations avant ceux de leurs partenaires commerciaux. À cette désindustrialisation, il faut ajouter la réduction du personnel soignant dans un régime d’austérité où 100 000 lits ont été fermés.
L’alliance du scientisme et du néolibéralisme
En mettant en garde contre l’alliance du scientisme et du néolibéralisme et l’idéologie du progrès sans fin, Roland Gori nous invite à sortir d’une matrice complètement obsolète, issue de l'héritage productiviste, inégalitaire et destructeur de la fin du 19ème siècle.
Loin d’être une pensée désespérée, le diagnostic posé par Roland Gori est une analyse indispensable si l’on veut rebâtir une société viable en accord avec la biosphère et la biodiversité.
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