“Il faut qu’on arrive à faire la lumière sur ce qu’il se passe à l'hôpital de Remiremont“ Me Nancy Risacher
L’invitée de ce Debriefing, Maitre Nancy Risacher, est avocate généraliste au barreau d’Epinal. Également très active sur le front de la lutte pour la défense des soignants suspendus, aujourd’hui, elle représente, au côté de Me David Guyon, des familles de patientes décédées de façon inexpliquée à l'hôpital de Remiremont dans les Vosges. Dans cet entretien, elle vient nous relater leur bataille judiciaire. Pourtant entrées dans l’établissement pour des demandes de soins "classiques" (fracture du fémur, pancréatite aigüe…), trois patientes, âgées de 59, 67 et 78 ans, sont mortes à deux ans d’intervalle entre juillet 2020 et juillet 2022, peu après leur prise en charge par le service d’urgence. Si tout acte médical peut entraîner des complications, ces affaires n’en demeurent pas moins « troublantes », souligne l’avocate : « On ne meurt pas d’une fracture du fémur ». Aujourd’hui, l’hôpital est visé par cinq plaintes : trois pour homicide involontaire mais aussi une pour mise en danger de la vie d'autrui (la cinquième est en cours de déposition). Le quatrième plaignant, un homme de 46 ans, qui s'était rendu après une chute à l'hôpital en octobre dernier ; là, les soignants ne lui avaient pas détecté dix côtes cassées, pourtant détectées « sans appel » dans un centre d'imagerie de Nancy quelques semaines plus tard. Au travers de ces procédures judiciaires, l’objectif de l’avocate de ces familles : « Lever la loi du silence » et « faire la lumière sur ce qu’il se passe à l'hôpital de Remiremont ».
Suite à ces dépôts de plaintes, le parquet d'Epinal a ouvert une information judiciaire « contre X pour homicide involontaire ». Une annonce dont se réjouit Me Risacher, qui tient à rappeler l’objet de ces démarches judiciaires : elles ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une volonté de culpabilisation de l’hôpital public, déjà bien en difficulté en raison du manque de moyens financiers et humains, mais d’un désir d’élucider « les éléments troublants » qui entoure la prise en charge des patients décédés dans des circonstances suspectes. « Vous avez des personnes dont l’opération de réduction de la fracture du fémur se passe très bien. Elles sont en phase de partir dans un centre de rééducation. Et puis d’un coup, plus rien ne va. Elles décèdent en quelques heures. On ne comprend pas », développe l’avocate, qui précise : « Lorsqu’on regarde l’évolution de la prise en charge des patients, on s’aperçoit qu’il y a des incohérences, des flous, un manque de transparence, un manque d’explications et, au final, il y a un gros point d’interrogations pour toutes les familles : que s’est-il passé ? » Les causes de ces décès suspects ne sont pas connues : seules ses conséquences le sont, ajoute la femme de droit.
Accusée le 2 janvier de « se faire une publicité gratuite » dans un communiqué de l’Association pour la défense, le maintien, l’amélioration de la maternité et de l’hôpital (ADEMAT-H), l’avocate tient à répondre sur notre chaine qu’elle se veut « être le porte-parole de ses clients » : « Dans un hôpital, si on a plus peur de la prise en charge que de tomber malade ou de la pathologie dont on souffre, ça commence à devenir grave », martèle Me Risacher.
Aujourd’hui, par le biais de ces procédures, les familles des patients décédés ont pu se rencontrer. De leurs échanges est née une association des victimes de cet hôpital dont la vocation est de pouvoir permettre aux « personnes qui n’ont pas la possibilité, l’envie ou matière à déposer plainte, de pouvoir échanger des expériences ». « Une solidarité s’est développée », se réjouit notre invitée.
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