Une rentrée littéraire sobre en "temps de crise"
DÉPÊCHE — C'est déjà parti pour la rentrée littéraire, qui mobilise les libraires dès le lendemain du pont du 15 août. Et elle s'annonce sobre, avec un nombre resserré de parutions et des romans sérieux.
Jamais au XXIe siècle, il n'y avait eu aussi peu d'arrivages : seulement 466 romans prévus entre cette mi-août et la fin octobre, d'après le magazine spécialisé Livres Hebdo.
C'est 5% de moins que l'année précédente, et surtout un tiers de moins que le record de quelque 700 romans établi en 2010.
Il y a une logique à cela. Le coût du papier, s'il a reculé par rapport aux sommets de la fin de l'an dernier, reste élevé. Et le pouvoir d'achat des lecteurs inquiète les professionnels du livre.
L'édition ne se porte pas si mal, mais en littérature, le livre de poche tire le marché. L'an dernier, il s'en est vendu 81 millions en France, contre 78 millions d'exemplaires "grand format", celui des nouveautés, selon l'institut GfK, référence sur les ventes de livres.
Quantité ou succès
En tirant le bilan de la rentrée de septembre 2022, GfK expliquait que dans l'"équation quantité/succès" (publier beaucoup pour s'assurer du volume, ou se focaliser sur quelques titres soigneusement choisis), "les lecteurs ont tranché". À savoir qu'ils sont sélectifs, exigeants, quand ils dépensent plus de 20 euros dans un roman.
"Pour nos clients, même aisés, c'est un investissement", confirme à l'AFP Céline Maillard, libraire chez Richer, Rougier et Plé, à Angers. "On est en temps de crise, un grand format coûte cher, et potentiellement, c'est un livre qui va rester dans une bibliothèque. Donc ce n'est pas un achat d'impulsion comme l'est un poche".
Sur les étals de cette librairie généraliste de centre-ville, la place n'est garantie que pour quelques écrivains très médiatisés. Les autres sont obligés de faire leurs preuves rapidement, ou ils tomberont dans les oubliettes de la littérature.
Le succès est assuré pour Amélie Nothomb, qui en est à sa 29e rentrée littéraire consécutive. Dans "Psychopompe" (Albin Michel), l'un de ses meilleurs récits autobiographiques, elle s'ouvre sur une adolescence douloureuse et la naissance de sa vocation de romancière.
Prétendants aux prix
Dès mercredi débarquent en librairie des prétendants aux grands prix littéraires d'automne, dont le Goncourt.
Les éditions Grasset misent entre autres sur Sorj Chalandon, qui signe "L'Enragé", sur un évadé d'une colonie pénitentiaire pour mineurs dans les années 30, et Laurent Binet, avec "Perspective(s)", roman épistolaire sur un meurtre dans la Florence de la Renaissance. Rentrée particulière pour cette maison prestigieuse : elle va changer de propriétaire d'ici à octobre, ainsi que toute sa maison mère, Hachette Livre, reprise par le groupe Vivendi et le milliardaire Vincent Bolloré.
Jeudi, son rival Gallimard met en vente "Panorama" de Lilia Hassaine, roman social d'anticipation, et "Sarah, Susanne et l'écrivain", effrayant récit de déchéance d'une épouse et mère, avec lequel Éric Reinhardt espère une des récompenses qui l'ont fui jusqu'ici.
L'époque est grave, comme en témoignent les sujets d'autres autrices phares de cette rentrée : le génie et la folie chez Sarah Chiche ("Les Alchimies", au Seuil), et l'héritage de Juifs réfugiés en France chez Agnès Desarthe ("Le Château des rentiers", chez L'Olivier).
Parmi tout ce sérieux, chez qui trouver le scandale, ingrédient d'une rentrée littéraire réussie ? Peut-être dans la peinture de la violence sociale à Bondy, ville de banlieue parisienne que connaît bien Thomas B. Reverdy ("Le Grand Secours", Flammarion).
Dans le roman étranger, même ton grave. On le trouve dans le récit d'une mutinerie par l'Américain David Grann dans "Les Naufragés du Wager" (éditions du Sous-Sol), ou la lignée d'assassins imaginée par l'Espagnol Victor Del Arbol dans "Le Fils du père" (Actes Sud).
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