Juillet 1946, l’essai nucléaire de Bikini (VIDEO)
C’est sur l’atoll paradisiaque de Bikini, dans le Pacifique, qu’eut lieu le premier essai nucléaire de l’après-guerre, le 1er juillet 1946, onze mois après les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. "France-Soir" avait un envoyé spécial sur place.
Le 1er juillet 1946, en milieu de matinée, les Etats-Unis procédaient au premier essai nucléaire de l’après-guerre, sur l’atoll de Bikini dans l’archipel des îles Marshall, en plein océan Pacifique, environ à mi-chemin entre l’Australie et le Japon.
Il s’agissait de la quatrième explosion d’une bombe atomique, presque un an après le premier essai nucléaire de l’Histoire (le 16 juillet 1945 à Alamogordo dans le désert du Nouveau-Mexique) suivi des largages sur Hiroshima (6 août 1945) et Nagasaki (9 août 1945).
Le nom de code de cet essai nucléaire était "Able". Après avoir fait évacuer début mars les habitants de la région, les Américains avaient mis en place une centaine de navires dans le lagon autour de Bikini, pour évaluer les effets de la bombe.
"A Bikini la flotte cobaye a résisté", titre France-Soir dans son édition du mardi 2 juillet 1946. Le journal donne le bilan officiel de l’opération: "Un transport coulé – Un destroyer chaviré – Onze navires endommagés – Multiples incendies".
Sous le titre principal qui barre toute la largeur de la première page, trois photos du nuage atomique illustrent cette explosion, avec la légende suivante: "23 heures heure française, la bombe a été lâchée. En 8 minutes, le nuage atomique s’élève jusqu’à 8.000 mètres. Il atteindra bientôt 16.000 mètres en dégageant une immense chaleur".
Plusieurs dizaines de journalistes, photographes et cameramen –militaires, pour la plupart– sont sur place. Mais France-Soir affirme que son envoyé spécial, André Labarthe, est le "seul journaliste français à Bikini".
Explication du journal de Pierre Lazareff: "Notre envoyé spécial André Labarthe, dont nos lecteurs suivent depuis le 18 juin le Voyage dans l’Ere atomique, a été désigné comme observateur officiel à Bikini en remplacement de M. Yves Farge, nommé ministre du Ravitaillement. Il est donc le seul journaliste français qui assiste de bout en bout à la grande expérience atomique, dont les premiers résultats avaient été exactement prévus dans son article Des millions de dollars qui tombent à l’eau, publié dans France-Soir daté du 25 juin".
André Labarthe raconte ce qu’il a vu à Bikini: "La bombe a éclaté à l’horizon comme la boule de feu d’un immense soleil fugitif. Toute la surface de la mer –sur laquelle il y a quelques minutes encore on pouvait voir se découper les silhouettes noires des navires– est soudainement cachée à la vue.
"Une colonne gigantesque, où se mêlent le rose, le jaune, le blanc le plus pur, puis qui se condense en orange, monte comme une trombe dans le ciel bleu. En deux minutes, le nuage, qui a d’abord l’aspect d’un artichaut (fait d’une infinité de petits nuages), se condense en trois champignons, puis prend sa forme définitive".
France-Soir annonce la suite, en titrant au-dessus de l’article: "Dans 1 mois: expérience sous l’eau. Plus tard: à 1 km de profondeur".
Et le journal donne des précisions, dans un encadré : "Le lancement de la quatrième bombe atomique a frappé les imaginations dans le monde entier. Toutefois, il faut souligner que la bombe employée était semblable aux trois autres. Le but principal de l’expérience avait pour but de désorienter l’activité de la marine.
"Il n’en sera pas de même avec les essais suivants. Dans un mois environ, une deuxième expérience sera faite. Elle consistera à attacher une bombe à une péniche et à la laisser exploser dans l’eau. De là peut naître une autre technique atomique.
"C’est le troisième essai, qui doit avoir lieu plus tard, qui sera le plus instructif sinon trop destructeur. On plongera une bombe enfermée dans un caisson en fabrication actuellement, à un kilomètre de profondeur dans la mer. Les savants croient qu’il en résultera le plus grand raz-de-marée connu".
L’essai nucléaire suivant, baptisé "Baker", le 25 juillet, sera en effet souterrain. Le troisième, du nom de code "Charlie", prévu pour être souterrain en haute mer, sera annulé.
Par ces deux essais "Able" et "Baker" de juillet 1946, l’atoll paradisiaque de Bikini symbolisera dès lors l’entrée dans l’ère du nucléaire, et le début de la Guerre froide.
Le but de ces essais nucléaires était en effet double: militaire, pour constater les effets réels d’une bombe A sur une flotte de navires; et politique, pour envoyer un signal fort à l’URSS.
Au total 67 essais nucléaires seront réalisés dans la région des îles Marshall entre 1946 et 1958, dont celui de la première bombe H en 1952.
Dans la course aux armements de la fin du siècle, ces essais nucléaires américains seront suivis par ceux de l'URSS (1949), de la Grande-Bretagne (1952), de la France (1960), de la Chine (1964) et de l'Inde (1974).
(Voir ci-dessous, dans les archives de l’INA, les actualités télévisées sur les essais nucléaires de Bikini):
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.