La Cour de justice de la République : une juridiction d'exception qui disparaît
La Cour de justice de la République, que le président Emmanuel Macron a décidé de supprimer, est une juridiction majoritairement politique mais teintée de judiciaire, régulièrement critiquée pour sa trop grande indulgence.
Cette Cour juge Premier ministre, ministres et secrétaires d'Etat, seulement pour les crimes et délits commis "dans l'exercice de leurs fonctions".
Dans le projet de loi de réforme constitutionnelle présenté mercredi en Conseil des ministres, une phrase signe la mort de la CJR: "Les membres du gouvernement sont responsables dans les conditions de droit commun".
Dans son article 13, le texte précise que les ministres sont "pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions" et désormais "poursuivis et jugés devant les formations compétentes, composées de magistrats professionnels, de la cour d’appel de Paris". Avec une restriction notable: ils ne pourront être mis en cause que pour des décisions qu'ils auraient prises et non "à raison de leur inaction".
C'est une petite révolution, à l'échelle de la Ve République. La CJR avait vu le jour le 27 juillet 1993, par voie de révision constitutionnelle. Une Cour créée parce que la Haute Cour de justice - qui prévoyait que les membres du gouvernement soient jugés par le Parlement - avait refusé en 1983 de juger l'affaire du sang contaminé, suscitant un tollé.
La CJR se compose de douze parlementaires - six députés, six sénateurs - et trois juges de la Cour de cassation, plus haute juridiction française. Les magistrats sont élus pour trois ans, renouvelables. Les parlementaires le sont par leurs pairs, au gré des renouvellements de l'Assemblée et du Sénat.
Toute personne s'estimant lésée en raison d'un crime ou délit commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut porter plainte. Les plaintes sont filtrées par une commission des requêtes et examinées par une commission d'instruction.
Les procès devant la CJR suivent les règles d'une audience correctionnelle, avec quelques spécificités: décision rendue suite à un vote à bulletin secret; impossible de faire appel ou, pour les victimes, de se "constituer partie civile". Autre particularité: des témoins peuvent être dispensés de prêter serment.
Depuis sa création, la juridiction a jugé sept membres du gouvernement. Quatre ont été condamnés à des peines légères, voire dispensés de peine.
Le premier procès, en 1999, a porté sur l'affaire du sang contaminé. L'ancien Premier ministre Laurent Fabius et l'ancienne ministre des Affaires sociales Georgina Dufoix ont été relaxés. L'ancien secrétaire d'Etat à la Santé, Edmond Hervé, a été condamné mais dispensé de peine.
En décembre dernier, la CJR a condamné Christine Lagarde pour "négligence" dans l'affaire Tapie, mais l'a dispensée de peine, une décision très critiquée.
Trois anciens membres de gouvernement font actuellement l'objet d'une procédure de la CJR - et seront donc éventuellement jugés par elle avant sa disparition.
Il s'agit de l'ex-Premier ministre Edouard Balladur et son ex-ministre de la Défense François Léotard, tous deux mis en examen en 2017 pour "complicité d'abus de biens sociaux", pour des soupçons de financement politique grâce à des rétrocommissions -illégales- sur des contrats d'armement. Et depuis janvier 2018, l'ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas fait l'objet d'une enquête, soupçonné d'avoir transmis à un député des informations sur une enquête pour fraude fiscale le concernant.
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