La vache qui rit a toujours le sourire
C'est probablement le sourire le plus connu des rayons alimentaires français. Pourtant, à l'origine, rien ne prédestinait La vache qui rit à un tel avenir. Une réussite qui doit beaucoup à un homme, Léon Bel, fils de fromager et fondateur au début du XXe siècle du groupe qui porte toujours son nom et est resté propriétaire de la marque.
Son père, Jules Bel, a fondé en 1865 une petite fabrique d’affinage de comté à Orgelet, dans le Jura. A sa mort en 1904, son fils reprend les rênes de l’affaire et la transfère à quelques kilomètres de là, à Lons-le-Saunier. A cette époque, la société vivote sans se démarquer réellement de la concurrence. Puis la guerre éclate et Léon Bel est appelé sous les drapeaux. Après sa démobilisation, il revient avec une idée un peu folle: créer un nouveau fromage, plus moderne, pour renflouer les comptes de sa société.
A force de recherche et de persévérance, il trouve son bonheur en Suisse, où une technique industrielle de fonte de fromage a été mise au point. Le procédé est "tout à fait novateur", selon Philippe Markarian, le directeur de la Maison de La vache qui rit, musée dédié à la marque. Cet établissement, construit sur le site même de la première usine de la marque à Lons-le-Saunier, a été créé en 2009 par l’une des petites-filles de Léon Bel.
Le nouveau procédé découvert par Léon Bel est tout à fait remarquable pour l’époque puisqu’il permet de fabriquer un produit qui se conserve longtemps et à température ambiante. La clé d’un fromage sain et, surtout, un excellent moyen de toucher un public plus large. Désormais, tout l’Hexagone peut être conquis, voire bien au-delà...
Une star vachement connue
Dès 1929, deux usines de production s’installent en Angleterre et en Belgique, où la marque rencontre un franc succès. Pourtant, "c’est à partir des années 1950 qu’elle devient réellement internationale", assure Philippe Markarian. C'est ainsi à partir de cette date que La vache qui rit essaime tant en Europe (Danemark en 1953, Espagne en 1965…) qu’au-delà (Etats-Unis en 1971).
Un autre élément sera déterminant pour le succès de la marque: son logo. Très tôt, Léon Bel a compris que l'image du produit est primordiale. Il sera ainsi un des tout premiers à créer un service publicité au sein de son entreprise. Sa mission: dessiner les affiches visant à populariser les produits.
Ainsi, et "sans que cela soit particulièrement recherché par le groupe Bel" à en croire Philippe Markarian, on a pu apercevoir des portions du produit dans de nombreux films. De Paris Texas, Palme d’or 1984 du Festival de Cannes, à Camping, carton du box-office à sa sortie en 2006, la marque a été aperçue de nombreuses fois sur grand écran.
Mais pourquoi avoir choisi cette fameuse vache hilare comme emblème? Bien que Léon Bel dépose le nom La vache qui rit en 1921, là encore, tout commence durant la guerre. Lorsqu’il est mobilisé, l’homme d’affaires est affecté au régiment Ravitaillement viande fraîche (RVF) de l’armée française, que les soldats surnomment affectueusement "le train". Les hommes ornent ainsi souvent sur les wagons du RVF de l'inscription "Wachkyrie", un sobriquet à destination des Allemands qui ont baptisé leurs propres trains du nom des vierges guerrières de la mythologie nordique, les fameuses Walkyries.
Plus tard, dans le but de renforcer cette affection des soldats pour le régiment RVF, l'état-major lance un concours de dessins. L'objectif: imaginer l'emblème illustrant les trains "Wachkyrie". Benjamin Rabier, le célèbre dessinateur animalier, remporte la mise avec une caricature de bovin hilare. La vache qui rit est née et, à son retour de la guerre, Léon Bel décide d’adopter l’animal comme logo. Seules modifications notables: il le colore en rouge, plus percutant, et le féminise en l'affublant de boucles d'oreilles.
Succès fulgurant
Tous les ingrédients sont en place pour réussir, ne reste plus qu’à séduire les consommateurs. La recette marche très bien puisqu’il se vend 12.000 boites dès la première année. Ambitieux, Léon Bel automatise le processus de production afin de satisfaire une demande sans cesse croissante.
D’année en année, de décennie en décennie, la marque poursuit son développement sur la base du modèle qui a fait ses preuves: importance de la publicité et du packaging ainsi que de la recherche continuelle de nouveaux marchés.
Aujourd’hui, selon le groupe Bel, 12 milliards de portions sont consommées chaque année, soit près de 100.000 tonnes de Vache qui rit vendues à travers 120 pays. Mais ce n’est pas tout: désormais le produit se décline sous de nombreuses formes allant des toastinettes aux "pick et croks", en passant par les mini-portions.
Le groupe Bel a développé en parallèle toute une gamme de marques tels que Bonbel, Apéricubes ou encore Kiri. Pourtant, la célèbre vache rouge reste le produit phare du groupe. Il faut dire que les enfants, première cible de la marque, ont grandi avec elle. Résultat, ceux qui prescrivaient hier le produit à leurs parents l’achètent désormais pour leurs enfants, voire leurs petits-enfants.
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La vache qui rit en chiffres
> 1921: c’est l’année de dépôt par Léon Bel de la marque La vache qui rit, base de ce qui deviendra ensuite un véritable empire mondial.
> La marque est présente dans 120 pays, sur 5 continents. Une prouesse réussie grâce à un savant mélange d’identité forte de la marque et d’adaptation aux goûts locaux: saveur poivrons en République tchèque, crème cannelle aux Etats-Unis, crème de fromage rouge au Maroc, ou encore fraise au Japon.
> N°1 mondial sur le marché des fromages fondus, et n°4 sur celui du fromage. Le pays qui détient le palmarès du plus grand consommateur de Vache qui rit est… l’Algérie!
> 12 milliards de portions consommées chaque année à travers le monde, soit 380 par seconde.
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