Ukraine : l’effondrement de la diplomatie occidentale

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Jean Neige, pour France-Soir
Publié le 04 mars 2023 - 09:00
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Catherine Colonna
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PETR DAVID JOSEK / POOL / AFP
Catherine Colonna, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères (en février 2023).
PETR DAVID JOSEK / POOL / AFP

TRIBUNE/OPINION - Le 24 février, lors de la réunion renforcée du Conseil Permanent de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), les diplomates occidentaux ont quitté la salle au moment où le représentant russe commençait son intervention.  

La plupart des participants qui ont quitté les lieux affichaient au moins une des couleurs du drapeau ukrainien dans leur tenue vestimentaire. Et toutes ces délégations affichaient une pancarte de soutien à l’Ukraine, sous le nom de leurs pays respectifs, dans une démonstration de support inconditionnel dignes de supporters d’un match de football. Sauf que là, il s’agit de choses bien plus graves.  

La plupart des ministres des Affaires étrangères, dont l’Américain Anthony Blinken ou la française Catherine Colonna, sont intervenus en vidéo-conférence, puisqu’une réunion de l’Assemblée générale de l’ONU se tenait aussi le même jour à New York sur le thème de l’Ukraine.  

Il n’est pas dit si la date pour cette réunion au niveau des ministres avait volontairement été choisie afin de la faire coïncider avec l’anniversaire du démarrage de « l’opération militaire spéciale » de l’armée russe en Ukraine.  En tout cas, les diplomates occidentaux ont tenu à en faire un coup d’éclat.  

Qu’est-ce que l’OSCE ? 

Avant de commenter cet événement, il convient de le resituer dans son contexte. Il faut déjà préciser que l’OSCE est une organisation intergouvernementale basée à Vienne, regroupant 57 États membres, dont l’intégralité des pays européens et des pays de l’OTAN, et tous les pays issus de l’ex-URSS.  

À sa création, en 1975, l’OSCE s’appelait la Conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE). Son but était de promouvoir un dialogue entre l’est et l’ouest durant la guerre froide. Le choix de l’Autriche, pays à l’époque non-aligné, semblait naturel pour établir le siège de l’organisation.  

Ses trois grands axes d’efforts originels étaient la démocratisation, le soutien des droits humains, et le contrôle des armements.  

Après la chute de l’URSS, et le discrédit des Nations Unies lors de la guerre civile bosnienne (1992-1995), la CSCE, devenue OSCE, fut l’un des outils que les Occidentaux mirent en place pour stabiliser la situation en Bosnie-Herzégovine, mais aussi dans toutes les zones de conflit au sein des 57 États. La Russie de Eltsine, en pleine crise de transition et largement sous influence américaine, pesait peu à l’époque dans le processus décisionnel. Ainsi, des missions de l’OSCE naquirent dans tous les pays issus de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, en Albanie, mais aussi dans de nombreux pays d’Asie centrale ex-soviétique.  

Avec la déstabilisation du pays qu’a entrainé le coup d’État de Maidan en février 2014, l’OSCE avait lancé le 21 mars 2014 une Mission Spéciale d’Observation en Ukraine (MSOU). Cette Mission devait devenir la plus importante mission que l’OSCE n’avait jamais mise en place et elle était la plus imposante mission internationale en Ukraine, bien plus dotée en effectifs que les missions combinées de l’ONU.

Elle reçut aussi mandat dans le cadre des Accords de Minsk de monitorer les aspects militaires du paquet de mesures pour la mise en œuvre de ces accords, ainsi que d’assurer une opportunité de dialogue à haut niveau grâce à des groupes de travail qui se réunissaient à Minsk. Sur le terrain, la MSOU continuait de suivre la situation générale dans le pays en termes de besoins humanitaires ou de respect des droits humain au sens large, sans être d’une grande efficacité.  

La Lituanie et les États-Unis à l’avant-garde de l’hystérie antirusse 

Pour revenir au fiasco de cette réunion du 24 février, on peut souligner que l’un des objectifs du Conseil permanent de l’OSCE, cette instance où se réunissent les délégations de tous les pays membres, est de promouvoir le « dialogue politique » et le « processus de négociations ». Les délégations qui ont préféré quitter la salle ont manifestement failli à leur mission.  

Bien entendu, un tel élan quasi-unanime a très probablement été prévu et organisé à l’avance, et approuvé au niveau politique. Reste à savoir qui en a eu l’idée, et qui avait le pouvoir de l’imposer à tous. On pense bien sûr aux États-Unis dans le second cas.  

La Délégation américaine auprès de l’OSCE a d’ailleurs twitté une photo de la sortie des diplomates occidentaux en s’y associant. On y voit que seul environ un quart des participants semble être resté dans la salle.  

La délégation lithuanienne a quant à elle fièrement diffusé la vidéo de l’évacuation de la salle avec des mots terribles : 

« La Russie est isolée. Complètement. Irréversiblement.  

Au cours de la réunion du PC de l'OSCE d'aujourd'hui, lorsque le propagandiste russe (ils les appellent encore des "diplomates" pour gagner en crédibilité) a commencé à lire sa déclaration, la salle de réunion a été immédiatement vidée. 

Tout le monde est solidaire de l'Ukraine ! 

#UkraineWillWin » 

Cette déclaration laisse apparaitre une sorte de jubilation à humilier la Russie. Mais le pire des mots employés est « irréversiblement ». Autrement dit, la Lituanie ne voit pas, ne veut pas de retour en arrière possible. Pour elle, le rétablissement ultérieur de bonne relations avec la Russie ne doit pas, ne peut pas être un objectif. D’ailleurs, pour un nombre semble-t-il croissant de gens, la crise ukrainienne est une chance historique d’abattre la Russie et de la démanteler. Et cela semble même devenir le but ultime.  

Ce faisant, on donne ainsi à la Russie toutes les raisons d’être paranoïaque et de continuer de se battre en Ukraine jusqu’au bout, puisque maintenant, elle se bat pour sa survie en tant qu’État.  

Par ailleurs, les Lituaniens procèdent à une inversion de la culpabilité.  Ceux qui décident de rompre le dialogue se considèrent comme diplomates et nient ce titre aux Russes qui eux restent dans la salle, démontrant leur volonté de maintenir ce dialogue.  

Comme cela ne suffisait pas, la délégation lithuanienne a envoyé un deuxième tweet sur le sujet, répondant au premier: 

« Et au final, les Russes n'ont même pas réussi à lire leur déclaration. Ils ont dit qu'ils la distribueraient par écrit. Pitoyables propagandistes, ne pleurez pas – Tout se passe comme prévu »  

On est frappé de voir le niveau de discours atterrant de ces « diplomates » lituaniens, digne d’une cour de récréation. Seule la haine et le mépris, pour ne pas dire la bêtise, transpirent de ce coup de com. Pensent-ils que cela est de nature à aider le peuple ukrainien qui souffre ? Se soucient-ils seulement de lui ? Quel pays raisonnable peut-il souhaiter un conflit irréversible avec un puissant voisin ? 

Un petit pays qui, à l’abri du parapluie de l’OTAN, espère une revanche historique contre son ancien conquérant, oubliant au passage que ce n’est pas la Russie qui a annexé les pays baltes en 1940, mais l’URSS du Géorgien Staline. Les pays baltes tolèrent mal les minorités russophones que la politique d’échanges de population de Staline a laissées dans leurs frontières. Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, les États baltes n’ont cessé de prendre des mesures vexatoires contre les minorités russophones de leurs pays. La crise leur donne l’occasion de tenter de « dérussifier » ces dernières, même si cela va à l’encontre de tous les principes de soutien des minorités que l’Occident défend par ailleurs. Les Baltes et les Polonais, victimes historiques de l’URSS, fantasment sur le démantèlement de la Russie ou sur la rééducation de son peuple, telle la première ministre estonienne, Kaja Kallas. Et le pire, selon cette dernière, c’est que la France s’est alignée sur les positions extrêmes des pays Baltes concernant l’Ukraine.

Mais après une brève recherche, on découvre que cette politique de la chaise vide à l'OSCE quand le représentant russe s'exprimait avait déjà été mise en œuvre et promue au moins deux fois par les mêmes acteurs: les Etats-Unis le 10 mars 2022, alors même que Russes et Ukrainiens négociaient en Turquie, et la Lituanie le 30 septembre 2022.

Une attitude d’intimidation 

Ce qui est aussi dérangeant dans cette démonstration théâtrale d’opposition à tout dialogue est le fait que cela constitue une sorte d’intimidation contre les récalcitrants et les modérés. Gare aux pays qui ne rejoignent pas le mouvement. On retrouve cet esprit inquisiteur notamment dans certaines réactions au tweet lituanien comme « Qui sont les traitres qui sont toujours assis ? », « Nommez et faites honte à ceux qui sont restés ». « La Russie devrait être bannie de l’ONU ». L’émotion et la haine ont remplacé le raisonnement.  

Ce qui est rassurant, est que cette attitude irresponsable et provocatrice suscite aussi beaucoup de critiques, tel celle du youtubeur américain basé en Ukraine, Gonzalo Lira, qui dénonce le caractère « puéril » et « arrogant » des diplomates occidentaux, « n’ayant même pas la volonté d’écouter un point de vue différent. » 

Malheureusement, les voix de modération n’ont plus d’espace dans les grands médias occidentaux tous acquis à la cause du soutien inconditionnel à l’Ukraine et à la diabolisation intégrale de la Russie.  

L’anti-diplomatie 

Le ministre letton des Affaires étrangères a déclaré que seule la Russie peut arrêter la guerre en Ukraine en retirant immédiatement ses troupes. La France a fait une déclaration très similaire. Ce genre de déclarations n’est qu’un vœu pieu, une déclaration de principe sans aucun effet concret sur le terrain.  

Alors que la guerre russo-ukrainienne fait rage depuis un an en Ukraine, toute personne saine d’esprit ne peut que le regretter. Mais on ne saurait oublier que l’intervention directe de l’armée russe en Ukraine n’est qu’un cran supplémentaire franchi dans les tensions entre les deux pays depuis le coup d’État de Maidan, qui a entrainé l’annexion de la Crimée, puis la guerre interminable du Donbass. 

À vouloir ignorer totalement les raisons qui ont motivé l’intervention russe en Ukraine, en se contentant de la condamner sans cesse sans jamais adresser les questions de fond, les Occidentaux ne font rien pour stopper l’action de la Russie. Au contraire, ils ne font qu’encourager la continuation de la guerre. Leur attitude ne peut mener qu’à une situation d’affrontement sans fin. C’est de l’anti-diplomatie. La seule issue à leur attitude est la victoire militaire totale d’un camp ou de l’autre, ou l’épuisement de tous. 

La diplomatie n’a pas été inventée juste pour discuter entre nations ayant des opinions similaires. Elle sert avant tout à échanger avec les pays avec lesquels des différents peuvent exister, afin de tenter d’assurer une compréhension mutuelle, et si possible de trouver des compromis acceptables. C’était l’esprit des Accords de Minsk. 

Cependant, la Russie a décidé de passer à l’action en février 2022, ayant jugé que ses préoccupations sécuritaires étaient ignorées, que l’Ukraine était une menace grandissante, et que les discussions avec l’Occident ne menaient à rien. Les présidents ukrainiens Porochenko et Zelensky, François Hollande et Angela Merkel ont tous donné raison à la Russie en admettant que les Accords de Minsk n’étaient qu’un moyen de gagner du temps afin que l’armée ukrainienne se renforce. Autrement dit, ils entendaient tous préparer la guerre.  

Mais la Russie avait aussi accepté des pourparlers de paix avec l’Ukraine quelques jours seulement après le début de son opération militaires spéciale. Leur action visait donc, non pas forcément à conquérir l’Ukraine à ce stade, mais à la forcer à négocier. D’après l’ancien premier ministre israélien, Naftali Bennet, les deux parties étaient proches d’un accord à la fin mars. Mais les Occidentaux ont demandé à Zelensky de refuser l’accord, arguant qu’ils allaient aider l’Ukraine à tenir tête militairement à la Russie. Suite à quoi, des centaines de milliers de morts supplémentaires ont été depuis dénombrés, grâce à cette intervention occidentale. Et aujourd’hui, aucun observateur sérieux ne miserait un euro sur la victoire de l’Ukraine étant donné l’état des forces en présence.  

La position française 

Si on n’a pas la preuve par l’image que la délégation française auprès de l’OSCE a quitté la salle, il est probable qu’elle l’ait fait, sans pour autant s’en vanter. Le même jour, toute l’équipe posait fièrement dans des tenues aux couleurs du pays de Zelensky, affichant leur « solidarité avec l’Ukraine », devant des photos dénonçant « la guerre d’agression russe contre l’Ukraine ».  

Pour qui n’est pas forcément convaincu par les discours manichéens, cette mise en scène a quelque chose de dérangeant, qui semble trop vouloir démontrer un unanimisme devenu obligatoire, ou un réflexe pavlovien de la bien-pensance. On n’y voit plus aucune place pour la nuance.  

Le texte reprend tous les éléments de langage du moment, avec le « As long as it takes (aussi longtemps qu’il le faudra) imposé par l’Oncle Biden : « jusqu’à ce que la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine soient pleinement restaurées. »  L’objectif visé est aussi inatteignable, que moralement contestable (car il ignore totalement l’opinion des habitants des territoires concernés comme la Crimée et le Donbass). Il s’agit d’un projet insensé qui peut nous amener à la ruine voire à la troisième guerre mondiale.  

De plus, quand on lit le slogan « Slava Ukraini », cri des pires nationalistes ukrainiens des années 30 à la seconde guerre mondiale, on se dit que l’ignorance de l’histoire fait maintenant partie des attributs de la diplomatie française. À moins qu’il ne s’agisse d’une adhésion pleine et entière au projet de l’Ukraine ethniquement pure de Stepan Bandera. Depuis 2014, c’est bien la version bandériste du slogan, avec la réponse « "Heroiam slava!" – Gloire aux héros » qui est systématiquement associée à ce cri de ralliement en Ukraine. Même le pathétique Parlement européen, lors de la visite de Zelensky, a adopté ce slogan des troupes ukrainiennes qui massacrèrent des dizaines de milliers de civils Polonais et Juifs entre 1941 et 1945.  

Parallèlement, le 28 février, la France co-présidait une réunion internationale à Genève pour dénoncer les « crimes de guerres russes ». 

On eut aimé que nos représentants fassent preuve d’un tant soit peu d’équilibre en condamnant aussi les bombardements incessants de l’armée ukrainienne sur Donetsk, bombardements qui semblent viser particulièrement les secouristes ces derniers temps, comme le 23 février dernier, où 4 ambulanciers ont été tués et 10 secouristes blessés après qu’ils fussent attirés dans un piège par une première attaque. D’autres vidéos montrent des lâchers de grenades à partir de drones visant des civils en pleine rue. L’armée ukrainienne expérimentait déjà ce type d’attaque dès 2018 dans le Donbass.  

L’absence de réaction de la France et de l’Occident face à ce genre de crime de guerre commis par leurs protégés est bien la preuve que nos élites sont profondément biaisées au point de perdre toute crédibilité. Nos représentants sont devenus de simples propagandistes, tout justes bon à brandir des pancartes et des slogans.  

La diplomatie française, autrefois voix d’équilibre dans le concert du monde, est devenue l’ombre d’elle-même, juste un bon élève zélé de l’impérialisme américain, un des nombreux rouages de la gigantesque machine de propagande ciblant la Russie. Les déclarations parfois moins belliqueuses que d’autres du président Macron ne font qu’ajouter à la confusion et à la perte de crédibilité de la France, puisque tous nos actes, de nos livraisons d’armes à nos slogans, indiquent une volonté de continuer la confrontation.  

La guerre comme seule issue, ou la trahison des élites 

« Les Occidentaux veulent de façon évidente la guerre avec la Russie. Ils finiront par l’avoir. » C’est ainsi que réagit un de mes amis en voyant cette scène pitoyable de la désertion organisée de la salle de réunion à Vienne.  

S’il existait un serment d’Hippocrate pour les diplomates comme il existe pour les médecins, les diplomates occidentaux servant auprès de l’OSCE l’auraient rompu allègrement.  

Dans cette mascarade, cette volonté manifeste d’humilier la Russie, nos représentants se sont humiliés eux-mêmes, en démontrant qu’ils n’ont plus aucune volonté d’écoute de l’autre, donc plus aucune volonté de dialogue. Ils trahissent ainsi le métier qu’ils ont choisi, et les citoyens qu’ils représentent, des citoyens en droit de s’attendre à une attitude plus digne et plus constructive en ces temps de crise extrême.   

Nos diplomates ont-ils tous cédé à cette hystérie collective russophobe qui nous mène au désastre ? Face à la lame de fond de la propagande guerrière qui s’exprime 24 heures sur 24 dans les grands médias, reste-t-il encore au sein du corps diplomatique des esprits lucides, qui seraient tentés d’apporter un peu de modération dans un débat devenu quasiment impossible, mais qui n’oseraient s’exprimer de peur d’être réprimandés ?  

Les diplomates sont tous plus ou moins carriéristes. La plupart rêvent de devenir ambassadeurs. Et quand ils le deviennent, ils visent les meilleurs postes. Quand un diplomate a-t-il jamais démissionné pour une question d’honneur ou de désaccord ? Les diplomates sont aux ordres du politique, comme les autres fonctionnaires. Ils savent avaler des couleuvres. Mais beaucoup s’inscrivent aussi naturellement dans le conformisme dominant. Et à en juger par les quelques personnes que j’ai pu croiser qui sont devenus diplomates, c’est aussi pour cela qu’ils sont recrutés.  

J’ai connu autrefois des diplomates brillants, pas seulement aptes à reprendre les éléments de langage dictés en haut lieu, mais aussi capables de retranscrire le point de vue d’un pays étranger sur une problématique donnée, le tout dans une clarté impeccable et dans un style digne des plus grands écrivains classiques. C’était notamment le cas d’un télégramme diplomatique que j’ai vu passer en 2007 et qui émanait de l’ambassadeur de France à Moscou. Il y expliquait déjà les raisons fondamentales pour lesquelles l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN était une ligne rouge absolue pour les Russes. Restent-ils des diplomates de cette trempe, cachés dans l’ombre, qui pourraient sauver notre honneur perdu et notre raison? 

Cet échec des diplomates est d’abord celui des politiques. De ces raisons qui ont amené le conflit, quasiment plus personne ne parle aujourd’hui. Essayer de comprendre sans les déformer les motivations des Russes, évoquer les responsabilités des Américains ou de l’OTAN, ce serait « faire le jeu de Poutine », nous disent les partisans du soutien de l’armement de l’Ukraine.  Or, on ne peut espérer régler un conflit sans en traiter les causes. Encore faut-il pour cela vouloir se parler et s’écouter sincèrement. Mais les élites occidentales ne le veulent plus. L’ont-elles jamais voulu depuis 2014 ?   

Tragiquement, la guerre est devenue pour ces dernières la seule issue, le seul horizon, le seul objectif.   

Et les simples citoyens que nous sommes, bombardés d’appels à continuer une guerre catastrophique, semblons impuissants face à ce rouleau compresseur. Mais ceux qui le peuvent ne doivent pas s’arrêter de dénoncer cette dérive dramatique de la raison.  

Jean Neige est ancien fonctionnaire, observateur international.

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