Affaire Karachi : l'ancien Premier ministre Édouard Balladur mis en examen

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Par AFP
Publié le 30 mai 2017 - 19:19
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Edouard Balladur, le 14 janvier 2017 à Paris
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© Thomas SAMSON / AFP
Edouard Balladur, le 14 janvier 2017 à Paris
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Quinze ans après l'attentat de Karachi, l'ancien Premier ministre Édouard Balladur a été mis en examen par la Cour de justice de la République (CJR), soupçonné d'avoir bénéficié d'un financement occulte pour sa campagne présidentielle de 1995 via des rétrocommissions sur des contrats d'armement.

Entendu lundi par la commission d'instruction de la CJR, l'ancien rival de Jacques Chirac a été mis en examen pour "complicité d'abus de biens sociaux et recel", a-t-on appris mardi de source proche de l'enquête, confirmant une information du Canard enchaîné.

Dans un communiqué transmis à l'AFP, Édouard Balladur, 88 ans, a annoncé avoir "demandé à ses avocats de contester cette décision devant la Cour de cassation", estimant qu'elle "ne tire aucune conséquence de la validation du compte de campagne par le Conseil constitutionnel en octobre 1995, non plus que de l'ancienneté des faits, vieux de vingt-trois ans".

Le 8 mai 2002, une voiture piégée précipitée contre un bus transportant des salariés de la Direction des chantiers navals (DCN) explosait à Karachi, tuant quinze personnes dont onze employés français et en blessant douze autres. Tous travaillaient à la construction d'un des trois sous-marins Agosta vendus en 1994 au Pakistan par la France, sous le gouvernement Balladur.

L'enquête terroriste, qui privilégiait au départ la piste d'Al-Qaïda avant de s'en éloigner en 2009, a conduit à révéler l'affaire d'un financement occulte présumé au profit de la campagne d’Édouard Balladur pour la présidentielle de 1995. Une seconde enquête avait alors été ouverte sur ce volet financier en 2011, confiée aux juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire.

En juin 2014, la CJR, seule instance habilitée à juger des délits commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leur fonction, a été saisie pour enquêter sur le rôle joué par Édouard Balladur et son ministre de la Défense à l'époque, François Léotard.

- Léotard pas encore entendu -

"Ce dernier n'a pas à ce stade été entendu par la CJR", a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.

Alors que la défense des deux hommes a tenté de faire jouer la prescription, la CJR leur a donné tort en septembre, estimant que le délai de prescription n'avait pas démarré en 1995 mais en 2006, date à laquelle la justice a eu connaissance du rapport "Nautilus".

Dans ce document, un ex-membre des services de renseignement estime que l'attentat de Karachi avait été décidé en rétorsion à la décision du nouveau président Jacques Chirac de cesser le versement de commissions à des responsables pakistanais sur des contrats d'armement. Cette note évoquait des rétrocommissions pour financer la campagne d’Édouard Balladur.

"Sa mise en examen démontre la pertinence des accusations que nous avions porté à l'époque. Nous sommes bien en présence d'un scandale d’État", a réagi Me Olivier Morice, avocat de parties civiles.

Mais pour Me Marie Dosé, avocate de deux veuves et de cinq familles de blessés, la lenteur de la CJR "s'apparente à un déni de justice". "Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire lui avaient confié tous les éléments d'enquête et elle a mis trois ans à mettre en examen M. Balladur. Elle reste à la hauteur de sa réputation", a-t-elle déploré.

Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire ont acquis la conviction que la campagne d’Édouard Balladur a été en partie financée par des rétrocommissions - illégales - en marge du contrat Agosta et de la vente de frégates à l'Arabie Saoudite.

D'après leur enquête, le réseau "K", coordonné par le Saoudien Ali Ben Moussalem, soupçonné de financement d'organisations terroristes, aurait été imposé en fin de processus pour enrichir ses membres et financer illégalement la campagne de l'ex-Premier ministre. Les juges se sont notamment interrogés sur une somme de 10,2 millions de francs en espèces versée sur son compte de campagne.

En 2014, ils ont renvoyé devant le tribunal correctionnel six protagonistes, dont Nicolas Bazire, ex-directeur de la campagne, Thierry Gaubert, alors membre du cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy, et l'intermédiaire Ziad Takieddine.

Ce renvoi, validé en appel en janvier après deux années de péripéties judiciaires, fait l'objet d'un pourvoi en cassation et une question prioritaire de constitutionnalité sera examinée en juin, retardant encore l'échéance d'un procès.

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