Aurélien Rousseau au gouvernement : haut fonctionnaire influent dans le domaine de la santé et navettes problématiques entre les institutions
INFLUENCE - La nomination d’Aurélien Rousseau en tant que ministre de la Santé laisse craindre de potentielles situations de conflits d’intérêts. Toute l’attention se concentre autour de son épouse, sans que d’autres aspects de sa carrière ou de son environnement familial ne soient discutés. Le corps d’origine du nouveau ministre, qui fait partie d’une famille influente dans le domaine de la santé, est le Conseil d’État.
Aurélien Rousseau a occupé les fonctions de Directeur général de l'ARS île-de-France au cours des trois dernières années. Dans ce contexte, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) doit obligatoirement être saisie.
Un haut fonctionnaire dont la carrière débute au Conseil d’État
À l’instar de son successeur Jean-Denis Combrexelle, Aurélien Rousseau a été membre du Conseil d’État avant de devenir directeur de cabinet du Premier ministre en mai 2022. Rattaché à l’institution depuis un peu plus de 11 ans, il y occupe la fonction de maître des requêtes.
Les membres du Conseil d’État sont nommés par décret du président de la République. Puisque la haute juridiction administrative n’est pas totalement indépendante, elle ne se prononce pas sur les choix politiques du gouvernement lorsqu’elle rend un jugement ou donne son avis sur un projet de texte. Elle s’en tient à vérifier que la Constitution et le droit européen sont respectés.
Pourtant, ses membres sont nommés à des postes proches de l’exécutif avec une facilité déconcertante. De quoi laisser planer le doute sur la neutralité politique de la juridiction suprême, sans parler de l’impartialité des fonctionnaires qui la composent.
Dans un tweet publié en août 2021 (supprimé depuis), Aurélien Rousseau louait par exemple les louanges du pass sanitaire, alors même que sa conjointe Marguerite Cazeneuve travaillait comme conseillère à la fois pour Matignon et l’Élysée, et supervisait la logistique de la vaccination sur le territoire.
Une épouse numéro 2 de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM)
Ancienne consultante chez McKinsey, Marguerite Cazeneuve est devenue directrice déléguée de l'Assurance Maladie en mars 2021. Depuis la nomination d’Aurélien Rousseau au gouvernement, ses activités professionnelles sont désormais contrôlées par le ministère… de son mari. L’intéressé a lui-même saisi la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour savoir si cette situation présentait un risque de conflit d’intérêts.
Pour l’autorité administrative, "la fonction de la conjointe du ministre n’est pas, en elle-même, de nature à constituer une situation de conflit d’intérêts". En effet, la HATVP rappelle que la notion de conflit d’intérêts entre intérêts publics ne s’applique que lorsque "les intérêts en cause ne sont pas convergents".
Or, selon un communiqué de l’autorité de contrôle, il n’y a pas de situation problématique étant donné que les intérêts de la Cnam sont nécessairement alignés sur ceux du ministère de la Santé. C’est un peu vite dit, l’Assurance maladie reste un organisme administratif public jouissant d'une personnalité juridique propre et d'une autonomie financière, mais admettons. Le but de la question posée n’était toutefois pas d’analyser les connexions entre un organisme et son ministère de tutelle, mais bien de se prononcer sur les liens entre la personne de Marguerite Cazeneuve et son ministre de tutelle, qui n’est autre que son mari.
D’ailleurs, Aurélien Rousseau a pris soin de prendre un arrêté pour signifier son déport "sur toute décision concernant directement ou indirectement la situation professionnelle de sa conjointe". Ce décret prévoit également le déport, jusqu'au 12 septembre, de toute décision concernant le groupe pharmaceutique Lilly France, dont sa belle-mère a été une responsable influente.
Une belle-mère ancienne dirigeante d’un laboratoire
Désormais à la retraite, Béatrice Cazeneuve, était l’une des dirigeantes de la branche française du groupe pharmaceutique américain Lilly. Comme l’indique le journal Libération, le 12 février 2021, ce laboratoire avait reçu une autorisation temporaire d’utilisation de la part de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour le Bamlanivimab pendant la crise sanitaire.
Une dose de cet anticorps monoclonal valait environ 2000 euros, bien que le traitement n’ait pas prouvé son efficacité contre le Covid-19. Pourtant cela n’avait pas dissuadé l’ANSM de délivrer un agrément au laboratoire, dans le même temps où la distribution du médicament était interrompue aux États-Unis.
Le nouveau ministre de la Santé a certes questionné la HATVP sur les liens d’intérêts avec son épouse, mais ne l’a pas fait pour sa belle-mère. À la fin de son communiqué, l’Autorité administrative rappelle que "les membres du Gouvernement disposent d’un délai de deux mois après leur entrée en fonction pour adresser une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité".
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