Cheminots non grévistes par conviction, résignation ou par nécessité

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Par Aglaé WATRIN - Paris (AFP)
Publié le 24 avril 2018 - 11:36
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Une employée de la SNCF devant des quais vides de la gare Saint-Lazare jeudi, jour de grève pour protester contre la réforme ferroviaire, le 19 avril 2018
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© Christophe SIMON / AFP
La permanence assurée par les "gilets rouges" et majoritairement composée des cadres de la SNCF.
© Christophe SIMON / AFP

Par conviction, résignation, ou pour des raisons financières, un certain nombre de cheminots ne suivent pas le mouvement contre la réforme de la SNCF, et s'emploient à assurer la continuité du service, au grand dam des grévistes qui tentent de maintenir la mobilisation.

"Il y a un moment où les choses sont inévitables. La grève ne va rien changer, la réforme vient de passer à l'Assemblée (nationale) et fera son chemin", affirme Alexandra, 34 ans, agent de maîtrise à la SNCF.

Dans son service d'environ 80 salariés, majoritairement composé de cadres et où des "réunions internes d'information" sont organisées régulièrement, la jeune femme n'a comptabilisé que deux grévistes.

"Résignée" face à la détermination du gouvernement de réformer la SNCF, Alexandra se dit aussi non-gréviste par conviction. "L'ouverture à la concurrence je suis totalement pour! On était bien contents pour les opérateurs de téléphonie, de passer à des forfaits à deux euros. Les trains c'est pareil il faut que ça se fasse", explique-t-elle.

Comme d'autres non-grévistes, Alexandra s'est engagée dans le +dispositif des volontaires de l'information+, ces "gilets rouges" sollicités par la direction de la SNCF pour encadrer les voyageurs pendant les épisodes de grève. Elle veut ainsi assurer la continuité d'"un service public minimum" aux "usagers perdus".

Pour Jeanne, 32 ans, au service achat de la SNCF et en "gilet rouge" depuis le 22 mars, jour de la première grève, la priorité est aussi d'"assurer une présence en gare".

Embauchée au statut, la cheminote dit "ne pas voir l'avenir avec pessimisme" ni être inquiète d'un éventuel transfert dans le privé.

"Il faudra qu'on s'adapte, peut-être travailler ailleurs, être détaché, ne plus avoir le statut. Moi, je ne m'en fais pas. Il y a quand même des conventions collectives qui sont là et notre métier on pourra l'exercer ailleurs si besoin", explique-t-elle.

Le gouvernement veut supprimer l'embauche au statut à la SNCF à partir du 1er janvier 2020, mais dans le cadre d'un accord d'entreprise en négociation au sein de la compagnie le statut actuel, qui prévoit la garantie de l'emploi et fixe notamment les éléments de rémunération, de mobilité ou encore de congés pour environ 90% des effectifs, pourrait aussi évoluer.

La permanence assurée par les "gilets rouges" et majoritairement composée des cadres de la SNCF - 60% selon la responsable du programme Monique Ricard - complique la tâche des grévistes.

- "Mercenaires" -

"Des +traîtres+ c'est un bien grand mot, on respecte le droit de ne pas faire grève, mais ce qui nous dérange c'est qu'ils nous remplacent. On s'en sert contre nous", explique Maxime, conducteur de train et délégué syndical CGT. "Il y a beaucoup de gens qui perdent de l'argent" pour défendre ce qu'ils considèrent comme l'intérêt de tous les cheminots, ajoute-t-il.

Sébastien, 41 ans, également conducteur, en veut surtout aux non-grévistes du "pool facultatif", une équipe de remplacement des conducteurs en Ile-de-France, avec une rémunération plus importante. Une "équipe de mercenaires" selon Sébastien, "payée gracieusement pour casser la mobilisation sociale".

Les représentants syndicaux expliquent toutefois le faible engagement de certains cheminots d'abord par des difficultés financières et les "pressions indirectes" de la direction.

Ils sont de fait de plus en plus nombreux à alléger leur calendrier de grève pour des questions d'argent.

"Au début je faisais la grève complètement c'est-à-dire deux jours tous les cinq jours, mais maintenant c'est très irrégulier", témoigne Daniel, à la maintenance des voies depuis 1989. "Je suis bientôt à la retraite et j'ai encore un crédit sur le dos", explique-t-il.

Pierre, un agent de maintenance de 18 ans, se définit aussi comme non-gréviste par défaut. En période d'essai, il a "peur des conséquences" et dit ne pas pouvoir se permettre la grève avec une paie qui "varie chaque mois entre 1.200 et 1.600 euros".

"Les gens qui ne sont pas en grève ne sont pas forcément contre nous", conclut Jean-Marc, délégué du personnel SUD-Rail.

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