L'Etat assume de laisser les migrants "sans solution à Calais"

Auteur:
 
Par AFP
Publié le 21 juin 2017 - 20:09
Image
Des migrants, le 22 mars 2017 à Calais
Crédits
© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
Des migrants, le 22 mars 2017 à Calais.
© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives

"Il faut tenir jusqu'à ce que l'habitude de venir des migrants soit désamorcée": l'Etat n'a cessé de répéter sa préoccupation première pour défendre sa politique de fermeté à Calais, contestée par onze associations, lors d'une audience mouvementée mercredi devant le tribunal administratif de Lille

Ces ONG, dont le Secours catholique, la Cimade et l'Auberge des migrants, se basent sur le rapport du Défenseur des droits publié jeudi dernier, qui dénonçait des "atteintes d'une exceptionnelle et inédite gravité" aux droits fondamentaux des migrants.

Elles réclament notamment la création d'un centre d'hébergement d'urgence et de distribution de nourriture, face à la recrudescence des arrivées de migrants ces derniers mois. Ils seraient actuellement 600 à Calais.

"On ne laisse pas ces personnes sans solution. On les laisse sans solution à Calais, on ne veut pas qu'elles se réinstallent à Calais, parce que leur principal intérêt c'est le tunnel, le port, et la possibilité d'aller en Angleterre", explique la représentante de la préfecture du Pas-de-Calais.

Elle fait valoir que des Centres d'accueil et d'orientation (CAO) et de demandeurs d'asile (CADA) existent sur tout le territoire - sauf à Calais, à dessein.

Selon elle, avec l'ex-centre d'accueil Jules Ferry sur la "Jungle", "l'Etat avait choisi d'organiser l'accueil des migrants d'une certaine façon. La situation ne pouvait pas durer, nous l'avons démantelé avec la +Jungle+... ce n'est pas maintenant que nous allons les reconstituer".

La présidente intervient: "On parle de volonté de ne pas faire de point de fixation, mais s'il y a déjà au moins 400 migrants c'est qu'il existe déjà...". La décision du tribunal se focalisera donc, prévient-elle, sur les primo-arrivants et "l'intervalle entre le moment où ils arrivent et celui où on peut les envoyer dans des dispositifs", longs de plusieurs jours au moins.

Or, les associations se plaignent de ne pas pouvoir distribuer sereinement de la nourriture aux migrants dans ce laps de temps, dénonçant un "harcèlement policier". "L'invariable, c'est que l'Etat de droit ne peut pas se fonder sur le fait de faire souffrir de la faim et de la soif des personnes pour les forcer à aller ailleurs", relève la présidente.

- 'L'autre, c'est le mal' -

"Il me semble qu'ils devraient avoir conscience des dispositifs hors Calais qui sont connus. Ces gens-là ne font aucune procédure, mais il faudrait qu'on aille au devant de leurs besoins et qu'on fasse leur bonheur malgré eux?", s'agace la représentante de l'Etat.

"On parle d'une population qui ne parle pas français, arrive dans de mauvaises conditions d'hygiène et ont vécu des situations difficiles", réplique la présidente.

Pour l'Etat, le nombre de maraudes de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Offi), qui informent les migrants sur leurs droits, est suffisant, au contraire des dires des associations. Et les deux parties de se renvoyer la responsabilité d'une information non satisfaisante.

"Le nombre de migrants actuellement est une goutte à côté de ce qui nous attend dans les prochaines années, est-ce que vous ne pouvez pas vous mettre à une table au lieu de dire que l'autre, c'est le mal?", s'exclame encore la présidente.

"Accompagner les migrants à l'asile depuis Calais, c'est une gageure, un enfer", a répondu Vincent de Conynck, chargé de mission du Secours catholique Nord-Pas-de-Calais, pour justifier la création de structures adaptées. Il détaille: "Il n'y a aucun dispositif existant pour les orienter, pas de départ vers les CAO. Donc pas de possibilité effective pour ces personnes."

La représentante de la préfecture martèle: "Il faut tenir jusqu'à ce que l'incitation, l'habitude des migrants de venir à Calais soient désamorcées. (...) En espérant qu'à force, ils comprennent".

"Pas sûr que donner temporairement à manger ait l'effet de faire venir les migrants", remarque la présidente. La magistrate a mis sa décision en délibéré à lundi, à l'issue de cette audience tendue, d'une durée de quatre heures.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Kamala Harris
Kamala Harris, ou comment passer de la reine de la justice californienne à valet par défaut
PORTRAIT CRACHE - Samedi 27 juillet, la vice-présidente américaine Kamala Harris a officialisé sa candidature à la présidence des États-Unis, une semaine après le retr...
03 août 2024 - 12:49
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.