Macron annonce la suppression de l'"exit tax" et suscite la polémique
Le président Emmanuel Macron a annoncé au magazine Forbes vouloir supprimer l'"exit tax" pour les contribuables partant à l'étranger, suscitant une salve de critiques contre la politique fiscale du gouvernement, déjà accusé de favoriser les "très riches".
Un signal "négatif" pour l'attractivité de l'économie française: voilà comment le chef de l'Etat a justifié la fin de cet impôt, mis en place sous Nicolas Sarkozy avec pour objectif de freiner l'exil fiscal.
Cette taxe "envoie un message négatif aux entrepreneurs, plus qu'aux investisseurs. Pourquoi? Parce qu'elle implique qu'au-delà d'un certain seuil, vous allez être pénalisé si vous quittez le pays", assure M. Macron dans cet entretien accordé en anglais.
"C'est une grave erreur pour nos start-up, parce que nombre d'entre elles, considérant la France moins attractive, ont décidé de lancer leurs projets en partant de zéro à l'étranger afin d'éviter cet impôt", argumente-t-il.
Le chef de l'Etat, qui apparaît en Une du magazine américain, présenté comme le "leader du libre-marché", précise vouloir mettre un terme à cette taxe dès l'"an prochain", cette dernière n'ayant selon lui "pas de sens".
"Les gens sont libres d'investir comme ils le souhaitent", juge M. Macron, qui dresse un parallèle avec la relation de couple. "Je suis favorable à l'idée de pouvoir se marier librement et de divorcer librement."
- "Peu efficace" -
L'"exit tax", instaurée en 2011, s'applique aux "plus-values latentes" réalisées par les contribuables qui décident de transférer leur domicile à l'étranger -- c'est-à-dire les plus-values qu'ils pourraient faire s'ils vendaient leur patrimoine.
Seules les personnes ayant passé au moins six ans en France, et détenant un patrimoine en actions et obligations supérieur à 800.000 euros ou au moins 50% du capital d'une entreprise, sont concernées.
Cet impôt n'est "pas particulièrement intéressant pour les finances publiques", assure Emmanuel Macron, qui justifie sa suppression -- notamment -- par son faible rendement. Ce dernier est "infime", ajoute-t-il.
Selon les données transmises par Bercy au Parlement, l'exit tax a rapporté l'an dernier quelque 70 millions d'euros à l'Etat. Un chiffre en légère hausse par rapport aux années précédentes, mais inférieur aux 200 millions d'euros attendus lors de sa création.
"Le message que je veux envoyer aux investisseurs étrangers est que nous baissons l'impôt sur les sociétés, nous simplifions tout" et "accélérons la transformation de l'économie française", ajoute Emmanuel Macron.
Un message accueilli favorablement par le Comité Richelieu, réseau d'entreprises dédiées à l'innovation. "La mesure était peu efficace", a déclaré son président Jean-Pierre Gérault, en prenant le soin de préciser que cette taxe n'était pas une "préoccupation centrale".
- choix "affligeant" -
L'annonce d'Emmanuel Macron n'a pas manqué d'alimenter la polémique, dans un contexte compliqué pour le gouvernement, accusé depuis la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) de favoriser les "très riches".
"En décembre la fin de l'ISF et la +flat tax+ devaient servir l'investissement en France. Qui croira encore à cette fable? Même l'évasion fiscale n'est plus découragée", a dénoncé sur Twitter le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure.
"Plutôt que de lutter contre l'évasion fiscale pour financer l'intérêt général, Macron veut supprimer l'exit tax. C'est le président des riches", a abondé Manuel Bompard, coordinateur des campagnes de LFI, son collègue Alexis Corbière jugeant ce choix "affligeant".
A droite, la décision du chef de l'Etat a également suscité un flot de critiques, notamment chez les souverainistes. "Macron a définitivement choisi son camp: celui des plus privilégiés", a jugé Florian Philippot, président du mouvement Les Patriotes.
"Cette décision concerne les hyper riches", a assuré de son côté le député LR Gilles Carrez, accusant sur France Culture M. Macron d'avoir eu "une oreille beaucoup trop complaisante" pour les "banquiers d'affaires".
Un message relayé par l'ancien secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, surpris autant par le calendrier de l'annonce -- "effectuée le 1er mai", "soit le jour de la fête du Travail" -- que par les propos du chef de l'Etat.
"L'argument selon lequel cette taxe rapporterait peu ne tient pas", assure à l'AFP l'élu PS, qui attribue le faible rendement de l'"exit tax" à son effet "dissuasif". "Au moment où tout le monde parle de lutter contre l'évasion fiscale", il est "incompréhensible de la supprimer".
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