Manifestations, blocages et interpellations : le gouvernement à la recherche d'une sortie de crise sur la loi Travail
Sans compter les barrages et les "grévistes qui occupent leur entreprise", la CGT a recensé "près de 300.000 manifestants" jeudi 26 en France, contre 400.000 une semaine plus tôt. Les autorités en ont dénombré 153.000 (128.000 le 19 mai).
A un peu plus de deux semaines de l'Euro de football et face aux risques pour l'économie, le Premier ministre Manuel Valls a jugé "inacceptable" de "bloquer un pays".
Cette huitième journée d' action nationale, à l'appel de sept syndicats (CGT-FO-Solidaires-FSU-Unef-Fidl-UNL), a rassemblé à Paris 18.000 à 19.000 personnes selon la police, 100.000 selon les organisateurs.
De nouveaux incidents ont éclaté dans la capitale, des manifestants cagoulés ont brisé des vitrines, dégradé des véhicules, lancé des projectiles et poussé un chariot de supermarché enflammé vers des policiers, qui ont répliqué avec des gaz lacrymogènes. Trente-deux personnes ont été placées en garde à vue - 62 dans tout l'Hexagone.
A la fin de la manifestation parisienne, "une centaine de personnes a pris à partie cinq fonctionnaires de police qui procédaient à une interpellation", a déclaré la préfecture de police. Lors des heurts qui ont suivi, "un jeune homme a été blessé sérieusement" puis hospitalisé.
Les circonstances de cet incident "devront être établies", a affirmé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui a demandé une enquête administrative. Le parquet de Paris a ouvert de son côté une enquête judiciaire également confiée à l'inspection générale de la police nationale (IGPN).
Inédite sous un gouvernement socialiste depuis 1981, la mobilisation entamée le 9 mars est montée d'un cran depuis le week-end, avec l'entrée en lice des salariés des sites pétroliers et des difficultés d'approvisionnement en carburant. Quatorze dépôts ont été débloqués sans incident, selon l'Intérieur.
Principal point de crispation: l'article 2 du projet qui consacre la primauté aux accords d'entreprise dans l'aménagement du temps de travail, une ligne rouge pour les syndicats contestataires qui redoutent le dumping social.
La confusion face à des discours contradictoires dans la majorité a été exacerbée jeudi lorsque Manuel Valls a recadré son ministre des Finances Michel Sapin, réaffirmant qu'il "ne toucherait pas" à l'article 2. Depuis le Japon, François Hollande lui a donné raison.
Le leader de la CGT Philippe Martinez a ironisé, estimant que le président n'avait "plus la majorité". "Tout le monde déteste le PS", ont scandé les manifestants à Lille, où ces slogans prenaient le pas sur les chants anti-policiers.
A Rennes, où de 3.500 (police) à 8.000 personnes (FO) ont manifesté, le trafic SNCF a été interrompu près d'une heure après une invasion des voies. A Nantes, une manifestation pourtant interdite a rassemblé au moins 1.300 personnes et a été émaillée de dégradations.
Le blocage de la zone aéroportuaire de Nantes durant une partie de la journée devait reprendre vendredi à 04h, selon la CGT. Egalement en Loire-Atlantique, la raffinerie Total de Donges était "à l'arrêt complet" depuis jeudi, d'après le syndicat.
A Cherbourg, fief de Bernard Cazeneuve, l'usine de sous-marins nucléaires du groupe DCNS a été "totalement bloquée" jusqu'en début d'après-midi. En marge du mouvement, un syndicaliste CGT a été tué à Cherbourg et un autre grièvement blessé dans un accident de la route.
A Fos-sur-Mer, un manifestant a été sérieusement blessé par un véhicule qui a voulu forcer un barrage CGT, et deux manifestants ont été blessés à Vitrolles par un chauffeur de poids lourd. Ce dernier, pris à parti par les manifestants, a été molesté avant l'intervention des forces de l'ordre, puis hospitalisé et placé en garde à vue.
Neuf centrales nucléaires, sur les 19 françaises, ont connu des baisses de production, selon la CGT, sans toutefois entraver l'approvisionnement électrique, a assuré RTE, gestionnaire du réseau national à haute tension. Peu de perturbations à la SNCF également (10,6% de grévistes, selon la direction).
Avec six raffineries sur huit à l'arrêt ou perturbées et un cinquième des 11.500 stations-service en rupture partielle ou totale d'approvisionnement, les sites pétroliers retenaient l'attention du gouvernement. Manuel Valls recevra les acteurs du secteur samedi.
Selon un sondage Tilder/LCI/Opinionway, 66% des Français pensent que le gouvernement doit retirer la loi Travail.
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