Pour lutter contre le terrorisme, Emmanuel Macron veut que les messageries livrent des données confidentielles
Il était jusque-là un candidat apprécié des acteurs du monde du numérique. Mais sa dernière position ferme sur la question de la protection des données pour les applications de messagerie instantanée pourrait en hérisser plus d'un. Emmanuel Macron, qui commence à accuser le coup dans les sondages, a en effet pris la parole lundi 10 lors d'une conférence de presse consacrée à la lutte contre le terrorisme. Devant les journalistes, il a expliqué sa désapprobation face au manque de collaboration des "messageries instantanées fortement cryptées" qui ne communiquent pas leur clé de chiffrement. Cette "clé" est ce qui permet de pouvoir décoder un échange entre deux interlocuteurs sur une messagerie cryptée, échange qui devient impénétrable pour des services de renseignements sans cette donnée. Or, les entreprises qui exploitent les applications de messagerie sont très attachées à l'anonymat garanti pour leurs utilisateurs qui, s'il devenait de notoriété que les clés de chiffrement étaient livrées aux autorités en cas de demande, pourraient rapidement délaisser une application dans ce secteur concurrentiel.
Emmanuel Macron, lui, n'y est pas allé de main morte pour dénoncer cette logique, allant jusqu'à évoquer les prestataires de messageries instantanés comme étant des "complices d'attentats" quand ils empêchent d'accéder à des échanges entre des protagonistes préparant une action terroriste.
Le candidat, qui reste l'un des favoris pour l'accès au second tour, propose donc l'installation au niveau européen d'un système de "réquisitions légales" des clés de chiffrement des messageries cryptées.
Or, cette approche apparaît contestable pour le secteur du numérique. D'une part parce qu'elle témoigne d'une volte-face apparente d'un candidat qui semblait proche des intérêts des nouveaux usages de communication. D'autre part car sa proposition est relativement imprécise et témoigne d'une méconnaissance du système de chiffrement. Les applications les plus populaires (comme WhatsApp et son milliard d'utilisateurs) pratiquent en effet le "chiffrement de bout en bout", à savoir une clé de chiffrement éphémère entre l'émetteur et le récepteur que même les serveurs de l'application ne peuvent pas essayer de déchiffrer. Une "réquisition" revient donc à demander aux entreprises conceptrices des messageries de communiquer une information qu'elles ne connaissent a priori pas.
Resterait alors la possibilité radicale (et sans doute complexe à mettre en œuvre) d'interdire purement et simplement les applications de messagerie qui pratiquent le cryptage de bout en bout. Un choix qui serait un renoncement fracassant de la part du "candidat du numérique".
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