Xavier Beulin, ou le grand écart entre l'agriculture et l'agro-industrie

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Par AFP
Publié le 19 février 2017 - 21:13
Mis à jour le 20 février 2017 - 08:00
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Xavier Beulin FNSEA
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©Stephane de Sakutin/AFP
Le président de la FNSEA, Xavier Beulin, est décédé d'une crise cardiaque à 58 ans.
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A la fois homme d'affaires et syndicaliste, Xavier Beulin, le médiatique président de la FNSEA, dont le décès soudain à 58 ans a été annoncé dimanche, dirigeait aussi un colosse de l'agro-industrie, un mélange des genres qui lui valait de nombreuses critiques.

Patron du 1er syndicat agricole français depuis 2010, il était céréalier dans la Beauce et présidait depuis 2000 le groupe industriel Avril, centré autour de la filière oléagineux.

Son entreprise, numéro un des huiles de table, en France, au Maroc et en Roumanie, détient notamment les marques Lesieur, Puget et Matines (oeufs) et fabrique des biocarburants. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 6,1 milliards d'euros en 2015.

Un mélange des genres qu'il assumait mais qui lui a souvent valu l'image d'un homme d'affaires, plus que d'un syndicaliste, bien qu'il soit engagé dans la défense des agriculteurs depuis plus de 25 ans.

Bon orateur, yeux turquoise et teint mat, M. Beulin s'était notammment illustré pendant l'été 2015 en tentant de canaliser les fortes mobilisations d'éleveurs en colère contre la chute des prix du lait, du porc et l'effondrement de leurs revenus.

Gros travailleur, réputé aussi à l'aise avec les problèmes quotidiens et concrets que dans les négociations à Bruxelles, Xavier Beulin exposait inlassablement son interprétation des problèmes de l'agriculture française, en tentant de ne pas être "trop techno".

Il appelait à "privilégier une agriculture restant à taille humaine, tout en regroupant les moyens de production" pour rester compétitifs face à nos voisins européens.

Une vision basée sur des exploitations plus grandes, qui ulcérait ses détracteurs parmi les syndicats de gauche et les mouvements écologistes.

La Confédération paysanne en particulier, marquée à gauche, voyait en lui le promoteur d'une agriculture productiviste, de fermes-usines qui laisseraient à terme des milliers d'agriculteurs sur le carreau.

Autodidacte, Xavier Beulin avait dû reprendre l'exploitation familiale en 1976, au décès de son père. Alors en terminale et aîné de quatre enfants, il fait une croix sur le bac. Son seul diplôme était son permis moto, son péché mignon, comme il aimait à le rappeler.

- "Compétitivité" -

Associé à son frère et à deux cousins, l'agriculteur, marié et père d'un fils, co-dirigeait une exploitation de céréales (colza, tournesol, blé, orge) d'environ 500 hectares au sud-est d'Orléans.

Très jeune, il s'était impliqué en militant au Centre départemental des jeunes agriculteurs (CDJA) du Loiret, puis était devenu président de la chambre d'agriculture du département. Il avait grimpé les échelons en multipliant les casquettes dans des organisations agricoles.

Au moment de son décès dimanche, Xavier Beulin arrivait au terme de son deuxième mandat à la tête de la FNSEA et venait juste d'annoncer qu'il se représentait pour un troisième.

A cette occasion, il avait publié un livre "Notre agriculture est en danger", qui fera désormais figure de testament.

Il y met à plat les tensions qui traversent aujourd'hui le monde agricole, tiraillé entre l'aspiration de certains pour le bio et les circuits de vente courts et celle d'une France agricole puissante, devenue en cinquante ans la première nation exportatrice agricole européenne alors qu'elle n'assurait pas sa subsistance au sortir de la deuxième guerre mondiale.

Il répond également dans cet ouvrage aux accusations dont il faisait l'objet, car avec le temps, Xavier Beulin hésitait de moins en moins à utiliser des mots tabous dans l'agriculture française: "compétitivité" ou "OGM", sur lesquels il voulait rouvrir le débat.

Le syndicaliste tentait aussi d'introduire des concepts jusque là réservés au domaine financier, comme la titrisation, afin de permettre à des fonds d'investir davantage dans l'agriculture.

Chahuté à quelques reprises par des éleveurs durant l'été 2015, en pleine crise de l'élevage, il était resté stoïque. "C'est Le Foll (ministre de l'Agriculture, ndlr) qui aurait dû être à ma place", avait-il glissé sous les sifflets et les jets de nectarines de jeunes agriculteurs.

Récemment, il avait pris à bras le corps la crise de l'agriculture traditionnelle en pleine mutation, se disant "bouleversé" par les multiples suicides de paysans au bout du rouleau.

Il en voulait aussi beaucoup aux hommes politiques, y compris ceux de son camp, la droite: "C'est un vrai scandale que l'agriculture n'ait jamais été un vrai sujet durant la campagne de la primaire de droite", avait-il récemment confié à l'AFP, amer.

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