Le Japon adopte une loi antiterroriste malgré des craintes pour les libertés

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Par AFP
Publié le 15 juin 2017 - 11:41
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Le Premier ministre japonais Shinzo Abe fait une déclaration sur l'adoption d'une loi antiterroriste
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Le Premier ministre japonais Shinzo Abe fait une déclaration sur l'adoption d'une loi antiterroriste, le 15 juin 2017 à Tokyo.
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Le Parlement japonais a adopté jeudi une loi contre la préparation en bande organisée d'attentats ou d'autres actes criminels, qui suscite de nombreuses protestations de citoyens et experts sur fond d'inquiétudes pour les libertés individuelles.

Le gouvernement est passé outre les procédures législatives habituelles pour faire voter au plus vite le texte au Sénat, trois semaines après son adoption par la Chambre basse.

Tout au long de la nuit, l'opposition a tenté de retarder l'échéance en déposant une motion de défiance contre le cabinet conservateur de Shinzo Abe et une motion de censure contre le ministre de la Justice Katsutoshi Kaneda.

L'exécutif justifie une telle législation par des questions de sécurité à l'approche des jeux Olympiques de 2020 à Tokyo. Il y voit aussi un passage obligé pour la mise en oeuvre de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée en 2000 par le Japon.

Ce texte permettra la mise en examen d'une personne ou d'un groupe de personnes pour participation à la préparation ou la réalisation d'actions terroristes ou criminelles. Mais les organisations de défense des droits, l'ordre national des avocats et de nombreux universitaires estiment que son objectif peut être dévié afin d'autoriser des écoutes de citoyens innocents ou de restreindre des libertés pourtant garanties par la Constitution.

Jeudi, plus de 500 personnes se sont rassemblées devant le bâtiment du Parlement et ont brandi des banderoles portant le mot "colère" en chantant en coeur: "condamnons cette décision brutale du gouvernement Abe".

"Nous basculons dans une société de censure. L'atmosphère de suspicion va s'étendre et nous vivrons dans un monde où on ne pourra pas parler librement", a dit à l'AFP un des manifestants, Toshiaki Noguchi, ancien fonctionnaire de 67 ans.

"Cela ressemble à un coup. Les procédures en commission ont été omises et (la coalition au pouvoir) a passé le texte en force. Je ne pense pas que le terrorisme va disparaître sous l'effet de cette seule loi, qui est faite avant tout pour limiter les mouvements des citoyens et non pas pour empêcher le terrorisme", a lancé de son côté Yohei Sakano, 29 ans.

- 'Pas démocratique' -

"Je suis totalement contre. Cela me fait peur de penser que la répression va devenir pratique courante. Nous allons continuer à faire entendre notre voix car nous ne voulons pas créer une telle société. Notre génération a le devoir de continuer à s'exprimer haut et fort", a renchéri Hisako Tsuruta, une femme au foyer de 63 ans.

Ces dernières semaines, des milliers de Japonais sont descendus dans la rue pour dénoncer le projet de loi, révisé à plusieurs reprises au fil des ans après avoir essuyé des rejets.

"La suite, ce sera probablement l'autorisation faite à la police de placer les téléphones sur écoutes et de surveiller les conversations de tous les jours", estime Setsu Kobayashi, constitutionnaliste et professeur émérite de l'Université Keio de Tokyo.

"Malgré des problèmes de fond, il n'y a pas eu d'amendement avant son passage en force. C'est une tentative de légiférer avant que le public ne soit averti des problèmes", estime pour sa part le constitutionnaliste Sota Kimura. "Le gouvernement ne voit pas les citoyens comme des personnes à convaincre mais à contrôler. Ce n'est absolument pas démocratique".

La dernière version, approuvée jeudi, réduit le nombre de crimes et délits visés à quelque 270. Plus de 600 délits non liés au terrorisme ou au crime organisé dans les précédentes versions avaient attiré la critique.

Certains médias japonais ont comparé ce texte avec la "loi de maintien de l'ordre public" en vigueur pendant la Seconde guerre mondiale, en vertu de laquelle des citoyens ordinaires étaient arrêtés pour des délits politiques, la revendication de droits sociaux ou leur opposition à la guerre.

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