Turquie : la course effrénée au pouvoir du président Erdogan

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Par AFP
Publié le 12 avril 2017 - 11:24
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Le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un rassemblement pour le "oui" au référendum, le 8 avr
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© Yasin BULBUL / Service de presse de la présidende turque/AFP/Archives
Le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un rassemblement pour le "oui" au référendum, le 8 avril 2017 à Istanbul
© Yasin BULBUL / Service de presse de la présidende turque/AFP/Archives

Il a tenu des dizaines de meetings à travers la Turquie, galvanisé les foules à en perdre la voix. L'infatigable Recep Tayyip Erdogan ne ménage pas ses efforts pour triompher, dimanche, du plus important scrutin de sa vie.

Neuf mois après avoir mis en échec une sanglante tentative de putsch, le président turc, âgé de 63 ans, joue son va-tout lors d'un référendum sur une révision constitutionnelle qui lui permettrait, s'il l'emporte, de considérablement renforcer ses pouvoirs.

Pour les partisans de M. Erdogan, la réforme est nécessaire pour assurer la stabilité au sommet de l'Etat. Mais ses détracteurs dénoncent un texte rédigé sur-mesure pour l'actuel président, accusé de dérive autoritaire.

Alors que le scrutin s'annonce serré, M. Erdogan a labouré la Turquie ces dernières semaines pour engranger les soutiens, de Diyarbakir la Kurde à l'Egéenne Izmir, sans oublier Istanbul, où il a écrit les premières pages de sa légende politique.

Conséquence du rythme harassant de plusieurs meetings quotidiens auquel il s'est astreint, M. Erdogan a dû annuler, fin mars, des discours dans l'est du pays, pour cause d'aphonie.

Le président turc aura déployé, plus que jamais, ses qualités de tribun hors pair, prononçant des discours truffés de poésie nationaliste et d'extraits du Coran, ménageant des silences pour que ses mots imbibent les esprits.

"Erdogan est un imam, au sens d'orateur capable de galvaniser les foules, de les faire pleurer ou de leur faire peur", souligne Samim Akgönül, professeur à l'université de Strasbourg (est de la France). "Sa verve impressionne".

- Héritage -

Si M. Erdogan est souvent dépeint en Occident comme un sultan indétrônable, cette débauche d'efforts révèle, selon Aydin Aydintasbas, du Conseil européen des relations internationales, que son assise n'est pas totale.

"Erdogan doit continuer à remporter les scrutins pour rester au pouvoir, et faire campagne en permanence", explique-t-elle.

Depuis l'arrivée au pouvoir en 2002 de son parti, l'AKP, M. Erdogan a affronté une dizaine de scrutins, qu'il a tous remportés.

Le référendum dimanche survient après l'année la plus éprouvante de sa carrière politique, avec une série d'attentats meurtriers et, surtout, une tentative de coup d'Etat dans la nuit du 15 au 16 juillet.

L'image de M. Erdogan s'adressant cette nuit-là à la nation à travers l'écran d'un smartphone, le visage livide, a marqué les esprits. De même que son arrivée triomphale au principal aéroport d'Istanbul au petit matin, signalant la défaite des putschistes.

M. Erdogan, qui domine la politique turque depuis 15 ans, semble déterminé à marquer l'histoire de son pays, à l'image du fondateur de la république, Mustafa Kemal.

"Un âne meurt, sa selle lui survit. Un homme meurt, son oeuvre lui survit", répète souvent le chef de l'Etat, multipliant également les références au sultan Mehmet II, qui a conquis Constantinople en 1453.

Ses gigantesques projets d'infrastructures ont déjà transformé le visage de la Turquie, et notamment d'Istanbul, où un troisième pont enjambe désormais le Bosphore, traversé également par plusieurs tunnels.

- 'Reis' -

Né à Kasimpasa, quartier populaire d'Istanbul, M. Erdogan se targue souvent d'origines modestes. Eduqué dans un lycée religieux, vendeur de rue, "Tayyip" a un temps caressé le rêve d'une carrière de footballeur, avant de se lancer en politique dans la mouvance islamiste.

Elu maire d'Istanbul en 1994, il triomphe en 2002 lorsque l'AKP remporte les législatives et devient Premier ministre un an plus tard, une fois amnistiée une peine de prison reçue pour avoir récité en public un poème religieux.

Le "Reis" (chef) reste pour ses partisans l'homme du miracle économique et des réformes qui ont libéré la majorité religieuse et conservatrice du pays de la domination de l'élite laïque.

Mais depuis les grandes manifestations antigouvernementales du printemps 2013 brutalement réprimées, il est aussi devenu la figure la plus critiquée de Turquie, ses détracteurs dénonçant une dérive autocratique et islamiste.

Dans le cadre de l'état d'urgence en vigueur depuis le putsch manqué, les autorités ont multiplié les arrestations d'opposants prokurdes accusés de "terrorisme" et de journalistes critiques.

Certains analystes estiment toutefois que le président turc, réputé pragmatique, en dépit de son tempérament de feu, pourrait adoucir le ton avec l'Europe et faire un geste d'ouverture vers les Kurdes après le référendum -- s'il l'emporte.

La révision constitutionnelle soumise au vote des Turcs dimanche permettrait en théorie à M. Erdogan de rester au pouvoir jusqu'à au moins 2029. Il serait alors âgé de 75 ans.

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