Énergie nucléaire : le Royaume-Uni et la France en désaccord
MONDE - EDF s'efforce de finaliser la construction des centrales nucléaires initialement planifiées au Royaume-Uni. Alors que l'Europe embrasse l'énergie nucléaire comme une réponse à sa crise énergétique, l'entreprise se heurte à des défis croissants dans le déploiement de ces installations.
En 2016, les efforts pour contrer les investissements du gouvernement français dans ce qui allait devenir la centrale électrique la plus onéreuse du globe se sont avérés inefficaces. Les six représentants syndicaux au sein du conseil d'administration d'Électricité de France (EDF) ont voté contre un accord visant à ériger une centrale nucléaire au Royaume-Uni. Cette décision est intervenue peu de temps après la démission de Thomas Piquemal, alors directeur financier du groupe français avait exprimé des préoccupations quant au projet Hinkley Point C, situé dans le Somerset, jugé trop risqué. Le projet a finalement été validé par 10 voix pour et 7 voix contre.
Ces sept dernières années ont confirmé la légitimité de ces inquiétudes. EDF a annoncé un nouveau retard pour Hinkley, repoussant potentiellement l'inauguration à 2031. Le coût du projet a atteint 35 milliards de livres sterling (prix de 2015), près du double de l'estimation initiale de 18 milliards de livres effectuée en 2016. En valeurs actuelles, la facture de la première centrale nucléaire britannique en construction depuis 30 ans pourrait atteindre 46 milliards de livres sterling ! L'inflation, le Covid et le Brexit seraient à l'origine de cette flambée des coûts.
Coût exorbitant pour le contribuable britannique
Deux anciens hauts responsables d'EDF ont confié au Guardian que les chances de réussite d'Hinkley étaient minces dès le départ. "À l'époque, j'aurais misé sur des coûts comme ceux que nous voyons aujourd'hui. Et je crains qu'ils ne continuent d'augmenter", a déclaré l'un d'eux.
Philippe Huet, ancien responsable de l'audit interne et des risques d'EDF, a souligné que l'accord reposait davantage sur une stratégie politique que sur une logique commerciale. Le gouvernement britannique avait offert à EDF un contrat garantissant un paiement de 92,50 livres sterling pour chaque mégawattheure d'électricité produite par la centrale nucléaire. Ce contrat a été vivement critiqué en raison de son coût exorbitant pour les contribuables britanniques.
"Au moment de la conclusion de l'accord, il était déjà évident que les estimations d'EDF sous-évaluaient le coût et le calendrier du projet. Les principaux décideurs ont choisi de fermer les yeux car cela revêtait une importance stratégique trop grande. Comme on dit : si un projet ne peut être rentable, il doit au moins être stratégique", selon Philippe Huet.
Un dossier qui pourrait perturber les relations entre la France et le Royaume-Uni
La France étudie la possibilité d'obtenir un soutien financier du Royaume-Uni pour compenser un déficit budgétaire important lié à la construction de projets nucléaires menés par EDF. Cette requête de la part de Paris pourrait potentiellement perturber les relations bilatérales entre les deux pays. D’après le Financial Times, la France plaide en faveur d'une "solution globale" qui inclurait également une autre centrale nucléaire prévue au Royaume-Uni, Sizewell C.
Le modèle financier de l'installation de Sizewell est différent. Londres s'est engagée à injecter 800 millions de livres supplémentaires, portant sa contribution totale à 2,5 milliards de livres, tandis qu'EDF n'est pas contrainte d'apporter un soutien financier supplémentaire.
Si des discussions entre la France et le Royaume-Uni ont débuté il y a quelques mois, des responsables français impliqués dans les pourparlers signalent que Londres a évoqué des contraintes budgétaires devant être prises en considération.
Difficultés pour attirer des investisseurs privés et contrecoup des sanctions
De surcroît, des sources bien informées ont souligné les difficultés auxquelles la France et le Royaume-Uni seront confrontés pour attirer des investisseurs privés afin de combler le déficit de financement d'Hinkley.
Cette affaire intervient dans un contexte de crise énergétique exacerbée par les sanctions imposées par l'Occident à la Russie, sous l'égide des États-Unis. Sanctions qui ont pratiquement coupé l'Europe de sources d'énergie abordables. Une décision qui a bien évidemment eu des répercussions négatives sur le Royaume-Uni, entraînant une hausse des coûts énergétiques et une crise sociale.
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