Enquête sur les Mixed Martial Arts (MMA) : Cyril Gane défait dans le choc de l'année de l'UFC

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Claude Corse, pour France-Soir
Publié le 05 mars 2023 - 09:10
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FS Cyril Gane UFC, le 4 mars 2023 (cred: Claude Corse)
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Claude Corse / L@Pige
Cyril Gane, combattant de MMA.
Claude Corse / L@Pige

Ce week-end, la planète MMA a tremblé. Deux des plus grands champions des mixed martial arts se sont affrontés cette nuit du dimanche 5 mars à l’occasion de l’UFC 285 dans la cage de la T-Mobile Arena de Las Vegas pour le titre suprême de champion du monde poids lourds.  Toujours zen, le Français Ciryl Gane, anti-héros surdoué venu au combat par hasard, a quitté sa console de jeux et sa petite famille pour défier la légende Jon Jones, un gangster peu recommandable et donné favori. « Le plus gros combat de ma carrière » dit-il, histoire aussi de « gagner des pépettes » pour mettre le clan Gane à l’abri du besoin. Ciryl Gane a connu la défaite. Mais va gagner les cœurs.

À chaque époque ses héros. Il y a eu Vercingétorix, les Croisés, Napoléon... Dans l'histoire du sport, il y a eu Fourcade, Parker, Zidane... Un grand gaillard (1,95 m pour 115 kg) pourrait bien un jour rejoindre les rangs de ces athlètes adorés. Il répond au doux surnom, bien mérité, de « Bon gamin ». Et il sait se servir de sa tête pour battre ses adversaires, mais sans donner de coup de boule. Ciryl Gane est champion de Mixed Martial Arts (MMA). Déjà millionnaire en followers sur les réseaux sociaux et en authentiques fans dans le monde entier, il ne serait pas étonnant de voir les Français s'attacher à lui.

Son nom ne vous dit rien ? C’est normal. Enfin, disons que c’est encore acceptable. Ce champion du combat total, au style qui mélange de savants de coups de poings façon boxeur, des projections de judoka et autres immobilisations de catcheur, mérite d'être connu. Il a fait face la nuit dernière, dans une cage grillagée (le fameux octogone), au roi du du KO outre-Atlantique : Jon Jones.

Le combat, au dénouement hélas trop rapide et en défaveur de Gane, qui a raté son début en striking, s'est déroulé plus précisément à Las Vegas, capitale mondiale des casinos hôtels, mais aussi du combat de trop, historique, de Mohamed Ali contre Larry Holmes devant deux milliards de téléspectateurs et des shows télévisés.

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Ciryl Gane, en combat. - JULIEN DE ROSA / AFP

À 32 ans, Ciryl Gane n'a pas fait le combat de trop. Il l'admet, il s'agit de sa première « vraie défaite », selon ses propres mots, une défaite qui plus est « douloureuse » avec une blessure à la clef, au sens propre comme au figuré. Gane sait rester la tête froide, lucide et humble et déclare déjà vouloir « retourner à la salle » pour reprendre le travail.

L'homme sait garder la tête froide, lucide et humble. Il n'a rien à voir avec la plupart des stars de la discipline, à l’image de l’Irlandais Conor McGregor qui surgit dans les bars branchés, roule en Rolls décapotable, affiche une montre Jacob sertie de diamants à 1,5 million de dollars au poignet, suivi par ses gardes du corps pour faire la promotion de son whisky. Sans parler de ses frasques sur le ring, quand, lui, le Dubliner catholique, s’en prenait au musulman rigoriste du Daghestan Khabib Nurmagomedov, qui quittera l’UFC invaincu après l’avoir battu.

De son côté, toujours zen, « Bon gamin » est souriant et posé. Il porte bien son surnom. Quand il croise ses fans en sortant de la salle, il n’est pas le dernier à faire un selfie ; en promo, toujours très disponible et authentique, il passe du temps avec les gosses et signe des autographes. Avec les journalistes, il est plus sélectif, célébrité oblige. Les amis de la chaîne se souviennent qu’il avait fait une dédicace inédite à France-Soir à la veille de son combat contre Francis N’Gannou à Paris. Un privilège que son emploi du temps n’a pas permis cette fois depuis Las Vegas, où son camp est installé depuis quinze jours.

Si vous lui demandez ce qu’il pense de son adversaire Jon Jones, le redoutable lutteur au palmarès inégalé, notre « Bon gamin » souligne à sa manière qu’une génération les sépare. L’âge est rarement un avantage dans les sports de combat, surtout dans un combat épuisant de cinq reprises de cinq minutes.

« Quand lui était déjà champion à multiples reprises, je n’avais même pas encore commencé les sports de combat, a-t-il confié à Ouest-France. Quand j’ai commencé la boxe thaï à 25 ans, lui était déjà champion depuis trois ans, je ne connaissais même pas le MMA. Je commençais tout juste la boxe thaï et ensuite j’ai switché au MMA en 2018… »

Jon Jones, le kid d’Albuquerque au nouveau Mexique, a commencé très jeune, Ciryl très tard : « Nos histoires sont vraiment très différentes (…) C’est une personne un peu controversée et moi pour le coup une personne assez rangée (rires). C’est plutôt un 'bad boy'. Mais on va combattre, c’est du sport… »

Tout est dit. Il parle toujours du fight comme un vieux sage, le sourire aux lèvres quand d’autres affichent le rictus de la haine et de la peur à l’approche du combat. Vous le verrez souvent le regard au loin, perdu dans ses pensées. Comme si tout ça n’était pas si important... Il est vrai que ce Vendéen a toujours fait du sport sans effort : du foot, puis du basket avant de passer un BTS d’action commerciale. Et de tout plaquer.

« Il était doué pour tous les sports. Il a trouvé sa voie dans les arts martiaux… », affirme son ancien professeur d’EPS du collège de la Roche-sur-Yon. Il n’avait pas tort. Repéré par Fernand Lopez, le head coach de la MMA Factory, Bon gamin fera une ascension fulgurante sur la planète MMA et devient « le 3e homme le plus fort du monde », jusqu’à sa défaite contre The Predator, le géant camerounais Francis N’Gannou, lui aussi formé par Fernand Lopez avant de se fâcher avec lui et d’aller s’installer aux USA.

« Je n’avais jamais pensé faire un sport de combat, reconnait Ciryl Gane dans un demi sourire. Je n’étais même pas bagarreur (…) j’étais le petit jeune qui ne voulait pas en 'br*****' trop et qui ne faisait rien de spécial dans la vie ». Étonnante confession dans la bouche de celui qui s’apprête à affronter la légende de la discipline, qui n’a essuyé qu’une défaite en 27 combats, quand Ciryl n'a que 11 combats à son actif… Mais notre Vendéen fait sienne, une devise des Chouans :  « In saptientia robur ». La force est dans la sagesse…

Jamais vous ne l’entendrez médire d’un adversaire, ou pire, tomber dans l’insulte et la provocation dont certains combattants sont friands pour rester top tweet et influencer les parieurs. Pour la petite histoire, sachez que les échauffourées déclenchées en conférence de presse sont largement bidons puisque les boxeurs n’ont pas le droit sous peine de rupture de contrat, de s’en prendre à un adversaire en dehors du ring sous l’égide de l’UFC.

Entre audiences records en pay per view, trash talks, combats d’anthologie, KO monumentaux et argent-roi, bienvenue dans le show de combat du XXIᵉ siècle qui renvoie au vestiaire de leur dojo parfumé à l’encens ceintures noires de karaté casseurs de tuiles et pousseurs de « cri qui tue », senseis de judo, rois de la planchette japonaise et autres maîtres autoproclamés de boxe chinoise, « ramassant des aiguilles au fond de l’océan… » pour imager une technique d’attaque réputée infaillible.

Cinquante ans après le combat du siècle, où Ali et Frazier se sont affrontés au Madison Square Garden de New York, le 8 mars 1971, l’annonce du main event de l’UFC 285 faisait écho aux grands combats de l’Après-guerre. Au moins pour l’audience et l’argent. À l’époque, il fallait allumer un poste de radio pour suivre les exploits des héros du noble art, esquivant et remisant dans le crachotis d’une retransmission hasardeuse au bout de la nuit.

Le temps d’un match de boxe, le monde s’était mis à l’heure américaine, et la France n’était pas en reste, sans avoir de représentant à soutenir sur le ring. Cette fois-là, Ali l’objecteur de conscience converti à l’islam avait perdu. Sa victoire était ailleurs : paradoxalement, le célèbre boxeur incarnait la rébellion anti-système et un certain pacifisme en pleine guerre froide.

Les temps ont changé et le MMA a succédé à la boxe anglaise. Mais il reste au cœur de son époque, déchirée par la crise de l’Occident et désenchantée comme après le Vietnam. Désormais, les médias régissent le monde, qui vit à l’heure du temps réel sur les chaines d’info et les réseaux sociaux font le reste…

L’argent suinte par tous les pores des grands champions sponsorisés, surtout s’ils font le buzz à coups de déclarations fracassantes et parfois d’affaires judiciaires moins glorieuses mais tout aussi bénéfiques pour l’audience, entre trafic de cocaïne et dopage, sans oublier les droits télévisuels, qui se comptent en dizaines de millions de dollars et font la fortune des organisateurs.

Dimanche, devant 20 000 spectateurs en folie et plusieurs millions d’abonnés en pay per view*, les combattants se sont partagés pas mal de pruneaux et plusieurs millions de dollars pour faire bonne mesure.

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