L’antitrust américain et 17 États portent plainte contre Amazon pour "monopole illégal" et "pratiques anticoncurrentielles et déloyales"
BIG TECH - Après Google, c’est au tour d’un autre membre des GAFAM (1) d’être accusé de "concurrence déloyale" aux États-Unis. La Federal Trade Commission (FTC) et 17 États ont déposé mardi 26 septembre une plainte contre Amazon, auprès du tribunal de Seattle (État de Washington). La firme fondée par Jeff Bezos est accusée de "maintenir illégalement son monopole" à travers des "stratégies anticoncurrentielles et déloyales". Selon la plainte, le groupe "privilégie ses produits" au détriment des détaillants dont il "contrôle l’accès au marché". Amazon se défend en mettant en exergue la progression des ventes que réalisent les commerçants sur sa plate-forme.
Dans un communiqué, la FTC affirme que la plainte n’est pas motivée par "la taille" du géant Amazon mais par sa "conduite d’exclusion qui empêche ses concurrents actuels de se développer et les nouveaux concurrents d’émerger". La firme basée à Seattle "étouffe" la concurrence à différentes étapes de la vente, allant des prix à la prospection de nouveaux clients, en passant par la sélection des produits et leur qualité.
"Des tactiques punitives et coercitives"
"Nous intentons cette action parce que le comportement illégal d’Amazon a étouffé la concurrence dans une grande partie de l’économie en ligne. Amazon est un monopole qui utilise son pouvoir pour augmenter les prix des acheteurs américains et facturer des frais exorbitants à des centaines de milliers de vendeurs en ligne", explique John Newman, directeur adjoint du Bureau de la concurrence de la FTC.
La plainte, déposée après quatre années d’enquête, détaille l’ensemble "des tactiques punitives et coercitives" adoptées par Amazon pour "maintenir illégalement son monopole". Les plaignants, parmi lesquels les États de New York, du New Jersey, de l'Oklahoma, du Nevada et du Michigan, évoquent des "mesures anti-remises" visant à punir les vendeurs et détaillants ayant proposé des prix inférieurs à ceux d’Amazon. Ils citent aussi le fait de conditionner l’obtention du badge très avantageux "Prime" aux vendeurs qui cèdent l’intégralité de leurs services logistiques à la firme de Seattle. Conséquence: la vente de leurs produits sur d’autres plateformes devient "considérablement plus coûteuse", explique le gendarme américain de la concurrence.
D’autres "comportement illégaux" adoptés par Amazon sont épinglés dans la même plainte. L’antitrust américain cite ainsi le détournement par la plateforme des résultats de recherche pour privilégier ses produits ou la dégradation, délibérée, de l’expérience client en remplaçant des résultats de recherche pertinents par des publicités payantes et indésirables.
Le groupe présidé par Jeff Bezos a vite réagi dans un long communiqué. David Zapolsky, vice-président d’Amazon, estime que cette plainte "montre clairement que la FTC s’est radicalement écartée de sa mission de protection des consommateurs et de la concurrence". Les reproches de la commission fédérale "révèlent l’incompréhension du commerce de détail".
Il affirme que les pratiques mises en cause par la FTC contribuent, au contraire, à "stimuler la concurrence" et "l’innovation dans l’ensemble du secteur de la vente au détail". En outre, les services d’Amazon comme Prime "offrent un plus grand choix, des prix plus bas et des délais de livraisons plus courts".
Amazon va-t-il céder ses actifs ?
Dans son communiqué, le groupe, qui met en avant le nombre croissant de vendeurs sur sa plateforme ou le nombre de postes d’emplois créés, se défend contre chacune des accusations détaillées dans la plainte. Et avertit : si le procès est remporté par l’accusation, Amazon sera justement "forcée d’appliquer des mesures nuisibles aux consommateurs, aux vendeurs et à la concurrence".
We think the FTC’s lawsuit against Amazon is misguided. Here is our initial response. https://t.co/VuIExpJGPa
— David Zapolsky (@DavidZapolsky) September 26, 2023
La FTC demande au tribunal d’interdire les pratiques d’Amazon afin de "faire perdre le contrôle monopolistique" et "rétablir la concurrence", quitte à contraindre le géant à se séparer d'un ou plusieurs actifs. "Rarement dans l’histoire de la loi antitrust américaine, une affaire n’a eu le potentiel de faire autant de bien à autant de personnes", estime John Newman.
Il ne s’agit pas de la première fois que l’antitrust américain dépose plainte contre Amazon, sa cible de choix avec le reste des GAFAM. Sa présidente Lina Khan publiait déjà en 2017, lorsqu’elle était étudiante, un article intitulé "Le paradoxe antitrust d’Amazon", dans lequel elle affirmait que l’arsenal juridique des États-Unis était insuffisant pour limiter le monopole des géants de la tech.
Amazon a d’ailleurs déposé en 2021 une réclamation auprès de la FTC car la présidente de cette institution "manquait d'impartialité". En juin 2023, le gendarme de la concurrence a porté plainte contre le groupe, accusé cette fois-ci d’avoir "piégé les consommateurs" avec Prime, un abonnement reconduit automatiquement et "difficile à résilier".
Le géant, qui est aussi visé pour sa politique de confidentialité des données des utilisateurs, a accepté en mai de payer plus de 30 millions de dollars pour mettre fin à des poursuites visant, entre autres, l’assistant personnel intelligent Alexa.
En septembre, le procès contre Google s’est ouvert aux États-Unis pour la même accusation de concurrence déloyale. La Justice américaine reproche au géant d’internet d'avoir forcé des fabricants de téléphones et de tablettes, ainsi que les navigateurs web, à installer par défaut son moteur de recherche.
En Europe, Alphabet a déjà été condamné pour ses pratiques anticoncurrentielles par Bruxelles, pour un total de plus de 8 milliards d'euros d'amende.
Note :
(1) : Acronyme faisant référence aux cinq géants américains de la technologie: Alphabet (maison-mère de Google), Amazon, Apple, Meta et Microsoft.
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