Ce « polluant éternel » discret qui contamine pourtant la Seine et les fleuves européens

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France-Soir
Publié le 27 mai 2024 - 15:44
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F. Froger / Z9
F. Froger / Z9

Le Réseau européen d’action contre les pesticides a mené une vaste étude sur le continent afin d’évaluer la présence de l’acide trifluoroacétique dans nos cours d’eau. Loin d’être anecdotique, ce polluant qui appartient à la famille des PFAS est signalé dans dix pays de l’UE à des niveaux élevés. De quoi faire grincer un peu plus des dents avec l’arrivée des Jeux olympiques prévus dans la Seine. 

Après 1,5 milliard d’euros investis dans le projet titanesque de l’assainissement de la Seine afin, notamment, de traiter un bassin de rétention des eaux usées et pluviales qui équivaut à 20 piscines olympiques, le projet laisse toujours des inquiétudes pour le public. Ces efforts de l’Etat et des collectivités étaient dans l’objectif de rendre la Seine baignable pour les Jeux olympiques et, nous affirme-t-on, que cela perdure pour le public à partir de 2025. Cependant, les analyses de l’eau ne sont faites que sur deux familles de bactéries, l’Escherichia coli et les entérocoques. Un autre type de pollution est oublié dans ces calculs, l’acide trifluoroacétique (TFA). Loin d’être inoffensif, il serait entre autres issu de la dégradation des pesticides de la famille des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). 

Sa présence est mise en lumière dans le rapport du Réseau européen d’action contre les pesticides (PAN Europe), publié ce lundi 27 mai. Les analyses de cette étude confiées au Centre technologique de l’eau de Kalsruhe signalent la présence de PFAS dans tous les échantillons des dix pays étudiés et à plus de 98% pour les TFA. Cette dernière n’est pas aujourd’hui l’objet de normes spécifiques, mais les échantillons dépassent malgré tout pour 80% d’entre eux les concentrations de TFA fixées pour la somme totale des PFAS présents, soit 500 nanogrammes par litre. À titre d’exemple, les niveaux de TFA oscillent entre 370 ng/L dans la Salzach, à Salzbourg, et 3 300 ng/L dans l’Elbe, à Hambourg (Allemagne). La moyenne serait de 1 180 ng/L. Avec une concentration de 2 900 ng/l, la Seine serait le deuxième fleuve le plus pollué en TFA, après l’Elbe. Un podium dont les Français se seraient bien gardés.  

« C’est sans doute la contamination la plus importante et la plus répandue des eaux de surface et souterraines européennes par un produit chimique fabriqué par l’homme », admet Salomé Roynel, la coordinatrice du réseau PAN.  

Non sans risque, la liste des effets sur la santé est longue et pourrait continuer de s’allonger. Cancers, problèmes au foie ou sur le système immunitaire, mais aussi capacités de reproduction sont évoqués.

Cependant, d'après Le Monde le toxicologue Jacob de Boer l’assure, « nager de temps en temps n’affectera pas les gens mais je recommanderais de ne pas se baigner régulièrement ». Il n’y aurait de pas quoi crier au loup alors ? L’interrogé se montre prudent. « Nous ne savons pas encore si le TFA a un effet toxique sur notre système immunitaire, note Jacob de Boer. Si ce n’est pas le cas, le problème est de moindre importance. Si c’est le cas, nous avons un sérieux problème. » Pour se prémunir de ces polluants éternels, les traitements classiques n’y feront rien. Ainsi, charbon actif et ozonation sont inutiles. Ce ne serait que la technique de l’osmose inverse qui aurait fait ses preuves. Cependant, très consommatrice en eau, elle réclame en plus un coût immense.  

Mais là encore, tout le monde n’est pas d’accord. Tandis que le Syndicat des eaux d’Île-de-France mise sur ce procédé et prévoit un investissement à hauteur d’un milliard d’euros afin d’équiper ses usines à l’horizon 2030, le président d’Eau de Paris, Dan Lert, fait entendre son désaccord. Prônant la « sanctuarisation » des captages d’eau potable, il souligne cette question laissée sans réponse de l’élimination des concentrés de polluants issus de ces traitements. Voyant la dérive venir, il prévient qu’alors, ce seront « la Seine, la Marne et l’Oise qui serviront de poubelles. » 

À croire que le casse-tête ne fait que commencer. 

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