Comment atteindre artificiellement les objectifs du plan Ecophyto grâce au changement d’indicateur ?
Une enquête du Monde révèle le pot aux roses quant à aux effets trompeurs du nouvel indice de suivi des pesticides choisi par le gouvernement. Celui-ci permettrait de faciliter la notation et ainsi atteindre plus facilement les objectifs du plan Ecophyto.
Après la colère des agriculteurs au début de l’année, le premier ministre Gabriel Attal devrait prochainement confirmer l’abandon de l’indicateur qui permet de quantifier l’usage des pesticides français, à savoir le nombre de doses unités (NODU) et alors le remplacer par l’indicateur européen de risque harmonisé (HRI).
Des spécialistes du comité scientifique et technique du plan Ecophyto ont alors déposé vendredi 3 mai sur la plateforme de prépublication scientifique HAL un article qui se veut critique sur ce changement d’indicateur.
La suppression récente du mancozèbe, un fongicide interdit depuis 2022, ferait selon eux tomber le nouvel indice en permettant de gagner des points sur le plan Ecophyto, sans qu’il n’y ait de réduction des quantités de produits utilisés.
Ce nouvel indice qui souhaite se substituer au NODU a été défini en 2019 au niveau européen et permet, à l’inverse de son prédécesseur, de ne pas tenir compte des doses d’application de chaque substance. Il distingue alors les produits selon quatre catégories de risques pour la santé humaine comme pour l’environnement. La moins risquée serait la première catégorie, allant jusqu’à la substance interdite avec la quatrième catégorie. La grande majorité des produits vendus en France sont de catégorie 2 ou 3.
Une fois le HRI annoncé, des associations écologistes ainsi que des chercheurs ont critiqué sa mise en place. Ils déplorent notamment le choix des pondérations appliquées à chaque catégorie, ainsi que l’absence de prise en compte des doses d’application.
Alors, les membres du conseil scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto souhaitent « montrer quantitativement les problèmes théoriques soulevés » explique Corentin Barbu, membre du CST et coauteur de l’étude.
Les résultats de cette étude concluent sur le fait que « Le HRI n’est un bon indicateur ni du risque ni des pratiques, donc il ne répond à aucun des critères demandés par la directive européenne » tranche Corentin Barbu.
Par des effets multiplicateurs, il est censé refléter la dangerosité des différents pesticides en multipliant le volume de leurs substances actives. Un calcul qui ne tiendrait cependant pas compte des doses réelles appliquées par les agriculteurs. Tandis que le scientifique estime qu’il « est vendu à tort comme un indicateur de risques », le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau estime que « l'important sur la question des produits phytosanitaires [...], c'est de réduire ceux dont on sait qu'ils peuvent produire une toxicité ».
Ce changement d’indicateur permettrait soudainement de répondre à l’objectif de réduction défini par le plan Ecophyto. Grâce à ce nouvel indice, il ne resterait plus que 6,9% de réduction à réaliser, au lieu des 45,5% de baisse imposée par le le NODU.
Selon le scientifique,« l’acceptation du HRI comme indicateur de référence signe la fin des efforts sur la réduction des pesticides ».
Un débat que les politiciens évitent. Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée au ministère de l’Agriculture déclare : « Je ne dis pas que le HRI1 est parfait, mais il a le mérite d'exister ».
Ainsi, le gouvernement louvoie toujours entre les belles mesures qui peuvent leur valoir la faveur électorale et le constat des difficultés que cela présuppose. Il devient alors nécessaire de trouver des moyens détournés pour ne pas revenir sur ses promesses et prétendre satisfaire tout le monde.
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